Contrairement aux représentations spectaculaires véhiculées par le cinéma, l’exposition du corps humain au vide spatial ne provoquerait ni explosion, ni congélation instantanée. Si des films comme Total Recall et 2001 : l’Odyssée de l’espace ont contribué à diffuser l’idée que l’absence de pression atmosphérique ferait littéralement éclater le corps humain, la vérité est en réalité tout autre, comme le démontrent les observations de la NASA et des études scientifiques.
« Tous les tissus contenant de l’eau commenceraient immédiatement à se dilater. Comme vous pouvez l’imaginer, étant donné que 60 % du corps humain est constitué d’eau, il s’agit d’un problème sérieux », explique à Live Science le Dr Kris Lehnhardt du Human Research Program de la NASA.
Appelé ébullisme, ce phénomène survient lorsque l’eau présente dans les cellules se transforme en vapeur sous l’effet de la dépressurisation, entraînant un gonflement rapide et douloureux des muscles et vaisseaux sanguins. S’ensuit un enchaînement complexe de réactions physiologiques.
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Dix secondes avant la perte de conscience
La perte de conscience intervient généralement en moins de dix secondes. Comme le rappelle le Bioastronautics Data Book de la NASA, la quantité d’oxygène dissoute dans le sang est insuffisante pour maintenir la conscience au-delà d’une dizaine de secondes après que l’air des poumons a été expulsé par la chute de pression. L’Administration fédérale de l’aviation américaine (FAA) estime d’ailleurs le « temps de conscience utile » entre 9 et 12 secondes.
À ce stade, l’ébullisme s’intensifie : les petits capillaires éclatent, des bulles de vapeur se forment dans les tissus, notamment autour du cœur et du cerveau, entravant progressivement la circulation sanguine. Le décès survient en général en moins de deux minutes, précise Kris Lehnhardt, même si une répressurisation rapide peut, dans de rares cas, éviter les séquelles permanentes.
Une hypoxie, mais pas une congélation
Les mythes liés à la congélation du corps dans l’espace sont également exagérés. « Le corps ne gèle pas instantanément », souligne l’astronaute Chris Hadfield dans un entretien accordé à Vanity Fair. En l’absence d’atmosphère, la perte de chaleur par rayonnement est lente. Le vide de l’espace n’aspire pas la chaleur car il n’a simplement aucun moyen de la transmettre. Les zones humides comme les yeux, le nez ou la bouche peuvent se refroidir plus vite en raison de l’évaporation, mais le reste du corps subit une baisse thermique progressive.
L’astrophysicien Paul Sutter rappelle dans Forbes que la température dans le vide spatial dépend du mouvement moléculaire, or il y a très peu de molécules dans l’espace pour permettre ce transfert.
Des survivants à l’exposition au vide spatial
Des cas documentés confirment la brutalité des variations de pression. En 1983, l’accident de la plateforme Byford Dolphin a causé la mort instantanée de plusieurs plongeurs soumis à une décompression fulgurante de 130 psi à 15 psi. À l’opposé, en 1971, les trois cosmonautes de Soyouz 11 ont perdu la vie après une dépressurisation lente, mais fatale, causant des hémorragies internes et des bulles gazeuses dans leur système circulatoire.
D’autres cas, comme celui de Jim LeBlanc lors d’un test au centre spatial Johnson, confirment que la survie est possible si la répressurisation intervient en quelques secondes. « Alors que je trébuchais en arrière, j’ai senti la salive sur ma langue commencer à bouillonner juste avant de perdre connaissance, et c’est à peu près la dernière chose dont je me souvienne », avait expliqué le survivant dans l’épisode The Space Suit de la série documentaire Moon Machines, en 2008.
En résumé, le corps humain peut tolérer une exposition très brève au vide, mais au-delà d’une à deux minutes, les dommages deviennent irréversibles, et la mort tend les bras.