Ils n’y étaient pas arrivés il y a une dizaine d’années, y parviendront-ils aujourd’hui ? Les ministres des Transports des 27 sont réunis ce jeudi au Luxembourg pour se mettre d’accord sur une révision du règlement (CE) 261/2004, qui régit les droits des passagers aériens dans l’Union européenne.

C’est la Pologne, actuellement à la tête du Conseil de l’Union européenne, qui a ressorti ce vieux dossier des placards. Les compagnies aériennes poussaient depuis longtemps pour clarifier ce règlement et l’adapter à la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE. Bagages cabines gratuits, sièges pour les enfants, handicapés et femmes enceintes… Cette révision permettrait d’introduire 31 nouveaux droits en faveur des passagers, selon Varsovie. Mais c’est surtout le recul sur les indemnisations en cas de retard ou d’annulation de vol qui fait débat.

Moins de vols éligibles (et moins d’argent à la clé)

Aujourd’hui, un vol annulé ou retardé pendant un délai supérieur à trois heures donne droit à une indemnisation (de 250 euros pour les vols de 1 500 km maximum ; de 400 euros pour les vols de 1 500 km minimum ; de 600 euros pour les vols de 3 500 km minimum), sauf circonstances extraordinaires (grève des contrôleurs aériens, conditions météorologiques, etc.).

À l’origine, la Pologne proposait de faire rallonger les seuils de retard indemnisable à cinq heures (pour les vols de 1 500 à 3 500 km) et à neuf heures (pour ceux de plus de 3 500 km). Le tout, en modifiant le montant des dédommagements (300 euros pour les vols de 3 500 km maximum ; 500 euros pour les vols de 3 500 km minimum). Une suggestion qui a fait bondir les associations de protection de consommateurs et les agences de recouvrement spécialisées. L’une d’entre elles, Flightright, dénonce ainsi « une réforme de façade », qui « marquerait un net recul pour les usagers ».

La société assure qu’avec ces nouvelles règles, 75 % à 85 % des passagers ne pourraient plus prétendre à une compensation financière en cas de retard ou d’annulation. Airlines for Europe (A4E), l’association qui représente les compagnies aériennes à Bruxelles, estime de son côté que 70 % des vols annulés pourraient être « sauvés » si les seuils d’indemnisation étaient bien relevés. Face aux réserves de plusieurs pays, dont l’Allemagne et l’Espagne, Varsovie a finalement accepté de faire passer ces seuils à quatre ou seix heures selon la distance du vol. Une concession qui n’a pas été jugée suffisante.

La valise cabine pourra rester payante

La Pologne a fait le 2 juin un autre compromis, selon Contexte, sur un autre point d’achoppement : les circonstances extraordinaires qui exemptent les compagnies d’indemniser les passagers. Elle propose que seules les circonstances « incompatibles avec la sécurité du vol » soient prises en compte.

De quoi convaincre les autres États membres ? Flightright, en tout cas, reste sceptique : « Rallonger les seuils de retard et baisser les indemnisations sans réelle contrepartie ne saurait être compensé par des « droits » déjà en place ou déconnectés des attentes des passagers. » Et l’entreprise de citer le cas des bagages cabines. En résumé, le compromis polonais du 2 juin prévoit d’imposer la gratuité des petits sacs, mais pas des valises cabines… alors que la plupart des compagnies, même low cost, appliquent déjà cette règle.

Autre détail, qui pourrait lui avoir de grandes conséquences : dans le texte qui sera étudié ce jeudi, les voyages vers des territoires français ultramarins sont considérés, par défaut, comme des voyages de moins de 3 500 km. Un vol annulé à destination ou en partance des Outre-mer ne donnerait donc le droit qu’à 300 euros de compensation, soit deux fois moins qu’actuellement.