Dévolus à l’hommage aux morts, les cimetières sont, en France, traditionnellement chargés d’une connotation de tristesse. On y vient pour se souvenir, pleurer et regretter la personne disparue. Il est pourtant possible de les aborder sous un autre angle, d’y créer du lien social tout en n’oubliant pas leur fonction originelle.
À Nantes, l’association Big bang mémorial a mené pendant quatre ans, de 2015 à 2019, plusieurs projets visant à aborder ces lieux autrement. « Dans d’autres pays, ce sont de véritables lieux de vie. Chez nous, ça reste mortifère. On a donc voulu apporter autre chose, avoir un autre regard sur le cimetière autour de trois axes : l’art, la mémoire et la nature », explique Gaëlle Le Guillou, artiste à l’origine du projet.
« Beaucoup de retours positifs »
Son intérêt pour les cimetières est d’abord lié à une perte personnelle. « Cela m’a marquée. Pour moi, c’était injuste, cette personne aurait dû vivre et je crois que, quelque part, j’ai voulu que ce lieu devienne vivant. » Au sein de celui de La Bouteillerie, l’artiste acquiert une concession « pour faire un potager ».
Très vite, un petit groupe se forme autour du jardinage. « Des personnes âgées, mais aussi des jeunes. On faisait des semis, de la taille. À la Toussaint, on aidait les gens à planter les chrysanthèmes au lieu de les laisser dans les pots. Cela permettait de raconter l’histoire des personnes inhumées à travers le jardinage. »
S’y ajoutent des visites thématiques ou encore du théâtre. « Nous avons eu beaucoup de retours positifs. Je pense à ces personnes qui avaient perdu un jeune enfant. Elles étaient heureuses que le cimetière s’embellisse, qu’il s’y passe des évènements joyeux. » Individuellement, l’artiste participe aussi au Voyage à Nantes 2017 en créant une promenade mêlant créations fleuries et découverte de tombes.
Grâce à leurs activités, les membres de l’association désiraient apporter un peu de joie dans les cimetières. Isabelle Montane
« On a amené des sourires »
Si le projet s’est aujourd’hui arrêté, son souvenir reste vivace. Dominique Richard, la mère de Gaëlle Le Gouillou et également membre de l’association, le résume ainsi : « Les gens pouvaient se fréquenter. En temps normal, ils se seraient croisés en se disant à peine bonjour. On a amené des sourires et c’était ça l’important. » Une véritable aventure collective, où les vivants prennent soin les uns des autres tout en s’occupant de perpétuer le souvenir des morts.