Seules deux bornes cadastrales napoléoniennes témoignent de la limite des communes d’Alleins et Mallemort sur le site du Piboulon. Un clin d’œil historique que n’a pas manqué de faire remarquer Philippe Grange, maire d’Alleins, puisque « des frontières entre nos deux communes, il n’y en a pas. » Un clin d’œil historique apprécié aussi par Philippe Ardhuin, conseiller métropolitain, délégué à la forêt, aux paysages et à la biodiversité, maire de Simiane-Collongue et très grand passionné d’histoire.
Accompagnées d’Hélène Gente, maire de Mallemort, et de plusieurs élus des deux communes, les trois personnalités politiques ont donc officialisé ce lundi 2 juin, en mairie d’Alleins, la demande d’arrêté préfectoral de protection des biotopes, APPB, pour la Crau du Piboulon.
Cette concrétisation environnementale souhaitée par la Métropole Aix-Provence-Marseille est une réussite à bien des égards. Elle récompense tout le travail mené par les deux communes, commencé par « La parole aux citoyens » côté mallemortais, et par le « Cade » sur Alleins. « C’est un réel engagement métropolitain voulu par Martine Vassal qui acte un choix fort, une priorité pour les générations futures », indique le conseiller métropolitain.
Vers la création de nouvelles réserves de biodiversité
Cette reconnaissance pourrait ainsi permettre de protéger, sacraliser, de nombreux autres sites du territoire, à commencer par le puits de Madame sur les communes de La Barben, Pélissanne et Lambesc ou encore le vallon nord de l’Étoile, sur Simiane-Collongue et Septèmes-les-Vallons, des projets qui vont suivre le même processus que la Crau du Piboulon qui fait ainsi figure de pionnier.
Notons que le nom de cette première réserve métropolitaine de biodiversité fait référence à la fois aux rares Crau de cette zone, mais aussi au peuplier, piboulon en provençal, mis en exergue par le poète provençal Mistral dans son célèbre Lou trésor dou Felibrige. Avec la création de cette réserve, Philippe Grange a salué le pragmatisme de tous les acteurs, l’action de l’association locale le Cade sur ce sujet, avec Sandrine Faure en particulier. Il est aussi revenu sur cette volonté communale : « Je pense à l’atlas de la biodiversité métropolitain, utile à l’échelle communale, au label territoire engagé pour la nature obtenu en 2022. C’est avec ce cadre structurant que l’on peut avoir cette ambition partagée. Nous avons un fil conducteur clair, comme avec la mise en place du pacte pour la transition écologique qui répond à ces enjeux de biodiversité, comme sur la Crau du Piboulon. »
Pour Hélène Gente, il s’agissait de réagir après un projet photovoltaïque sur cette zone qui était une erreur. « Avec Mauricette Agier, l’élue à l’environnement, nous avons voulu aller vite, comme avec la création du comité consultatif environnement. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’a été présentée cette procédure d’arrêté de protection de biotope pour le Piboulon. » Philippe Ardhuin, pour sa part, a salué ce projet remarquable à plus d’un titre. Il est revenu sur la réussite de l’atlas de la biodiversité métropolitain, lancé en 2022. « Grâce à lui, on a trouvé des choses exceptionnelles, plus de 6 000 espèces, sur l’ensemble du territoire. Comme ici au Piboulon. C’est un excellent début. »
Mettre en valeur le patrimoine naturel local
Le paradoxe réside dans le fait que ce patrimoine naturel local avait été mis en lumière à l’occasion d’un premier projet photovoltaïque de la société Voltalia, sur la commune d’Alleins en 2014, rapidement abandonné. Puis par un deuxième, plus conséquent, toujours avec la même entreprise. Rapidement « La parole aux citoyens » avait alerté sur la nature du site, avait lancé une pétition, une réunion publique, déposé un recours au tribunal administratif. Finalement la mairie n’avait pas prolongé sa promesse de bail et la société Voltalia abandonnait définitivement ce projet en 2021, avant cet heureux dénouement donc.
Cette réserve de biodiversité du Piboulon acte aussi le travail réalisé durant dix ans par l’association mallemortaise « La parole aux citoyens ». « C’est pour nous l’aboutissement d’engagements pour protéger cet espace de biodiversité exceptionnel », précise Muriel Platon, membre de l’association. Elle revient sur un premier travail de Georges Guende, botaniste du parc du Luberon, qui avait fait un inventaire de la flore du Piboulon et qui avait alors alerté sur la richesse exceptionnelle du site.
Un travail de mise en lumière de rares vestiges
On se souvient aussi du travail remarquable, en 2018, de Thierry Dutoit, directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et directeur délégué à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie qui avait découvert sur 100 m² plus de 90 espèces végétales, dénombré une douzaine de variétés d’orchidées dont l’anacamptis Coriophora, avec plusieurs milliers de pieds sur la Crau d’Alleins et de Mallemort et deux espèces protégées, la serapias parviflora, au niveau national, et l’ophrys provincialis, pour la région Paca. Notons que le directeur de recherche a aussi grandement contribué à la mise en lumière de très rares vestiges de Crau dite ancienne, de la vallée de la Durance avec une formation visible de poudingue, une roche sédimentaire très caractéristique, un amalgame de calcaire et de galets.
On peut aussi mentionner l’inventaire réalisé par la ligue de protection des oiseaux à la demande de la mairie d’Alleins, de Pascale Urhan, élue à l’environnement. « Nous étions là lors de l’identification du papillon l’azuré du baguenaudier », lâche Muriel. Un papillon dont l’habitat a justement été présenté ce lundi 2 juin par la LPO, « un papillon rare et fragile dont la larve est pondue dans la gousse de la plante et qui cohabite en symbiose avec les fourmis ».
LPAC salue également la présence continue et précieuse du comité allensois de défense de l’environnement, le Cade mais aussi la décision du maire, Hélène Gente qui n’a pas renouvelé le bail auprès de la société Voltalia et ainsi « évité la dégradation du site. »