La ville de Nice se prépare à accueillir la troisième conférence des Nations Unies (ONU) sur les océans, abrégée en « UNOC 3 » du 9 au 13 juin. Après New-York en 2017 et Lisbonne en 2022, 193 États membres de l’ONU se réunissent dans la ville méditerranéenne pour mieux développer des stratégies de préservation des écosystèmes marins.

« Une telle conférence est nécessaire. Il est dommage qu’on soit obligé de faire ce type de sommet pour prendre des mesures qui devraient déjà être en place. Ce sont des actions tardives », réagit Marine Loisel, étudiante en dernière année de master de biologie et gestion des environnements marin et vice-présidente de l’association Ailerons.

© Association Ailerons / Ailerons oeuvre à la protection des raies et requins de Méditerranée. UNOC 3 : la régulation de la pêche au centre des préoccupations

Aux côtés des autres membres de cette organisation, Marine Loisel œuvre, depuis la Corse, à la protection des raies et des requins en Méditerranée. « Je gère le projet Raie’Spira, une étude sur la population des raies en Corse. On plonge et on collecte des données sur ces espèces fragilisées, détaille-t-elle, à l’origine cela vient d’un projet similaire sur les Anges de mer, des requins plats très menacés à cause de la surpêche, notamment du dragage de fond (procédé consistant à racler les fonds marins pour en extraire des matières, NLDR). Ils ont totalement disparu de la baie des Anges, à Nice justement. On en trouve qu’en Corse. »

La surpêche est effectivement une des causes de l’appauvrissement de la faune marine. D’après l’ONG de protection des espèces WWF, en mer Méditerranée et en mer Noire, les données issues de 85 stocks de poissons montrent que 88 % d’entre eux (soit 75) sont surexploités. Elle estime qu’en quarante ans, les populations d’espèces marines ont décliné de 39%.

« On souhaite que les pratiques de pêche responsable soient généralisées »

La conférence des Nations Unies à venir à Nice s’articulera autour de trois objectifs : ratifier des accords entre les États membres sur la protection des océans, capter davantage de financements pour leur protection et l’exploitation durable des ressources halieutiques, et renforcer la diffusion des connaissances scientifiques.

« On ne veut pas arrêter la pêche car elle est essentielle, mais on souhaite que les pratiques de pêche responsable soient généralisées », revendique Marine Loisel avant d’ajouter : « Bien s’informer est vraiment essentiel. Via nos activités de sensibilisations à l’Association, on se rend compte que les gens ont peur des requins, qui ne sont pourtant pas dangereux pour la plupart, à cause de nombreux clichés et du manque de connaissances. »

Comme les ONG Bloom, Oceana ou Seas at risk, l’association Ailerons demande de respecter la protection stricte des aires marines protégées (des zones délimitées en mer répondant à des critères de sauvegarde de la biodiversité, NDLR) en y interdisant notamment la pêche et le chalutage de fond.

Une crainte pour la profession des pêcheurs, relayée mardi 3 juin par Frédéric Toulliou, président de France Filière Pêche (FFP) via l’AFP. « Cela n’aurait pas de sens […] et pèserait lourdement sur les volumes débarqués dans les criées », estime Frédéric Toulliou, président de France Filière Pêche (FFP). Des volumes qui, d’après lui, proviennent à environ 60% de la pêche au chalut de fond.

 

« C’est le volume qui permet de maintenir l’activité des criées, du mareyage, de tout l’aval d’une filière qui emploie 70.000 personnes en France », défend-t-il. Le FFP préfèrerait une approche au cas par cas et insiste sur les efforts déjà appliqués par la filière pour préserver les océans. Sur l’AFP, l’organisation de pêcheurs assure pourtant employer des filets « qui ne raclent plus le fond mais le frôlent ».

« Avoir des zones de protection forte permet aux écosystèmes de s’étendre, au-delà de cette zone. […] On étudie les raies dans la réserve de Banyuls et on est parmi les rares à être autorisés à plonger. Cette réserve est très efficace », nuance Marine Loisel.

Vers une ratification du traité BBNJ sur la protection des espèces en haute mer 

Parmi les nombreux sujets du sommet, du 9 au 13 juin, Les États membres se donnent d’ailleurs pour mission de concrétiser l’objectif « 30×30 », fixé en 2022 à Montréal. C’est-à-dire protéger 30% des mers d’ici 2030 en créant justement, des aires marines protégées.

« Chaque espèce a son importance pour maintenir un bon équilibre environnemental. Les requins sont des régulateurs, illustre la vice-présidente de l’association Ailerons. Ils vont manger les mérous qui vont consommer des petits poissons qui sont des herbivores. Eux vont se nourrir des algues sur les coraux. Si on enlève les requins, les mérous vont se multiplier et consommer trop d’herbivores. En conséquence, ils ne seront plus assez pour manger les algues qui elles, vont asphyxier les coraux. »

Au cœur des accords multilatéraux à échafauder, la conférence de l’ONU sur les océans doit aussi permettre l’entrée en vigueur le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ ou Marine Biodiversity of Areas Beyond National).

Il s’agit d’un pacte signé entre 115 États membres en 2023, pour protéger les mers et océans situés en dehors des zones économiques exclusives (ZEE) et du plateau continental des États côtiers. Soit, préserver la biodiversité marine évoluant dans les eaux non régies par le droit international.

©Shutterstock- Les 193 Etats membres de l’ONU se réunissent du 9 au 13 juin 2025 à Nice. 

Parmi les revendications exprimées mardi dernier, la FFP appelle les États participants à l’UNOC 3, de bien se saisir du combat contre la pêche illégale, dont les pertes économiques sont estimées de 10 à 20 milliards d’euros par an, ou la pollution plastique des océans.

One Ocean Science congress : un sommet scientifique pour impulser l’UNOC 3

« Même les États-Unis seront présents malgré le fait que Trump se soit retiré de l’accord de Paris en janvier dernier. Ça montre quand même une envie de de changer les choses. Cette dynamique est essentielle. De toute façon, si on ne fait rien pour les océans on va juste tous disparaître parce qu’on en dépend à 100%. Je pense qu’il faut rester optimiste », appuie la future biologiste.

La ville de Nice, en amont de l’UNOC 3, accueille en ce moment même plus de 2 000 scientifiques internationaux au cours du One Ocean Science congress, du 3 au 6 juin 2025. Ce sommet organisé par le CNRS et l’IFREMER a pour but de servir de base scientifique à la conférence des Nations Unies venant ensuite.