Gabriel O., suspecté d’être l’un des chefs de file de l’organisation criminelle marseillaise, a été trouvé en possession de son sixième portable en détention malgré son placement à l’isolement. L’UFAP-UNSa exige son transfert immédiat.
«Comment on peut accepter ça ? On en est au sixième téléphone, dont le dernier était un iPhone avec cinq cartes SIM !», peste un agent pénitentiaire en poste dans le sud-est de la France auprès du Figaro. «Ce ne sont que des téléphones dernier cri à 1000 euros et qui valent quatre fois plus en détention. Pourtant, il est sous surveillance au quartier d’isolement», soupire le surveillant, réagissant à la découverte du trésor de guerre de Gabriel O., suspecté d’être l’un des patrons de la DZ Mafia et aujourd’hui incarcéré à la prison d’Arles.
Depuis son arrivée dans le centre pénitentiaire, en fin d’année dernière, ce membre supposément éminent du cartel marseillais ayant déjà écopé de cinq mandats de dépôts criminels a été découvert en possession de nombreux smartphones visiblement destinés à poursuivre ses activités illicites malgré son placement à l’isolement. Un pied de nez peu apprécié des agents travaillant à la maison centrale d’Arles, exigeant le transfert immédiat de ce détenu qu’ils jugent extrêmement dangereux.
«Jusqu’où allons-nous descendre dans l’absurde ? Que faut-il de plus ? Un troisième grillage ou un mirador dans sa cellule ? À un moment donné, il faut arrêter de faire semblant !», a dénoncé le syndicat UFAP-UNSa Justice dans un communiqué ainsi qu’initialement auprès de nos confrères du Parisien . «C’est une véritable bombe à retardement que les agents de la maison centrale d’Arles sont dans l’obligation de côtoyer chaque jour. Et pendant ce temps, par son incapacité à imposer un transfert rapide auprès des autorités judiciaires, l’administration semble faire preuve d’un laxisme inquiétant», poursuit le syndicat.
«Contrat» et tueurs à gages
Un appel à l’aide à la hauteur du «CV» de cette figure dite «du haut du spectre» du narcobanditisme marseillais : formé à être une «gâchette» (un tueur à gages, NDLR) du milieu criminel dans ses jeunes années selon des sources proches du dossier, Gabriel O. aurait progressivement gravi les échelons de la DZ Mafia avant d’en devenir l’un des parrains. À en croire certains, l’homme de 29 ans serait aujourd’hui en capacité de commanditer des règlements de comptes depuis sa prison, voire de menacer le personnel en un claquement de doigts.
En témoigne l’émission présumée d’un «contrat» de 120.000 euros émis sur la «tête» d’un chef adjoint de la détention des Baumettes fin 2024. Concomitamment, l’agent et sa directrice s’étaient retrouvés dans le viseur de «Gaby», visiblement furieux d’avoir écopé d’une sanction disciplinaire. Le «contrat» s’était soldé par l’interpellation d’un commando de tueurs tout droit venu d’Île-de-France pour en découdre devant les portes de la prison. L’implication de Gabriel O. dans ce contrat n’a pas été formellement établie à ce jour, mais l’ombre du détenu a longtemps pesé sur cette affaire symptomatique de ce que certains observateurs du crime décrivent comme la «mexicanisation» de la France.
«Cela fait douze ans que Monsieur O. est en prison et qu’il n’a jamais agressé un surveillant ou détenu ni exercé la moindre violence contre quiconque. Mon client a cinq mandats de dépôts criminels en cours, mais n’a aucune condamnation définitive à son actif. Il est encore présumé innocent», rétorque l’avocate de Gabriel O., Me Christine D’Arrigo, auprès du Figaro. Dénonçant les conditions de détention de son client, en prison depuis l’âge de 17 ans, elle rappelle qu’un récent rapport de l’administration pénitentiaire a fait état d’un détenu «respectueux » et «correct» vis-à-vis du personnel.
Tentative de suicide
«Il a dit au directeur de la prison qu’il se sentait comme un animal en cage. Il n’a jamais levé la main sur un surveillant en douze ans de détention. On ne place pas en maison centrale des gens qui ne sont pas définitivement condamnés», poursuit Me D’Arrigo, témoin de la tentative de suicide de son client ce mercredi alors qu’il venait d’écoper de quinze jours de quartier disciplinaire avec exécution immédiate pour la détention de quatre téléphones. «Il avait caché sur lui deux lames de rasoir, il nous les a montrées à moi et au directeur de la prison et il les a avalées», souffle l’avocate, qui ne connaissait pas l’état de santé de son client ce jeudi après-midi. Le détenu, qui a été hospitalisé à l’hôpital d’Arles, a refusé d’être opéré.
Des faits qui n’attendrissent pas le personnel de la prison d’Arles, pressés de voir Gabriel O. quitter l’enceinte de sa maison centrale. «Gérer un profil de ce type, c’est être très précautionneux avec ses faits ainsi que ses gestes et faire attention à tout ce qu’on peut faire et dire. On l’a vu avec les menaces venues de l’extérieur. On a dépassé l’entendement», souffle un agent pénitentiaire. Reste à savoir d’où viennent les fameux téléphones portables «collectionnés» par Gabriel O.
«Cela peut venir de surveillants, mais aussi d’intervenants extérieurs comme des greffiers, des gens qui font le ménage ou même des partenaires privés. Ce sont des gens qui doivent gérer des détenus, qui gagnent peu et peuvent être tentés», souffle une source proche du dossier, évoquant la corruption par l’argent mais aussi les menaces et autres formes de «coups de pression» agités par les détenus prêts à tout pour poursuivre leurs activités malgré leur détention. «Il est temps que les prisons de haute sécurité ouvrent et que tout le monde soit cloisonné à l’intérieur», tranche quant à lui un agent pénitentiaire chevronné, convaincu des vertus du projet de Gérald Darmanin de couper les dangereux «narcos» du reste du monde.