À la veille de l’ouverture de la troisième conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC-3), les scientifiques réunis au Congrès One Ocean Science lancent un appel fort aux États : agir, et agir vite, en s’appuyant sur la science.

Leurs dix recommandations, issues de plus d’un an de travaux menés par un comité scientifique international, seront officiellement remises aux chefs d’État et de gouvernement le 8 juin. Chacune d’elles est transposable en politique publique et constitue une réponse directe à l’urgence climatique et écologique. Certaines font aussi écho au potentiel de l’Océan à apporter des solutions.

Le temps des discours et de l’indécision est révolu : la communauté scientifique appelle à écouter la science et à agir de manière éclairée et décisive.

 

Une feuille de route concrète pour l’océan

L’Océan absorbe 90% de l’excès de chaleur dû aux activités humaines et aux émissions de gaz à effet de serre. Il modère ainsi le dérèglement climatique. Mais en jouant ce rôle, l’Océan se dégrade, se réchauffe, s’acidifie et perd de l’oxygène, ce qui réduit sa capacité régulatrice.

Son déclin fragilise la vie sur Terre. Dans le même temps, le niveau de la mer s’élève, ce qui menace les populations et les infrastructures littorales.

Les 10 recommandations du Congrès One Ocean Science offrent un cap pour redresser la barre :

1. Encourager la responsabilité de tous les pays à l’égard de l’Océan

2. Promouvoir des solutions climatiques océaniques sûres et équitables

3. Protéger et restaurer les écosystèmes marins et côtiers

4. Interrompre les usages nuisibles des fonds marins et approfondir la connaissance des abysses

5. Partager équitablement les bénéfices des ressources génétiques marines

6. Mettre fin à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, et améliorer la transparence des accords de pêche

7. Construire des systèmes alimentaires océaniques durables, équitables et sûrs

8. Éliminer la pollution plastique marine

9. Réduire les émissions de CO2 et les impacts du transport maritime

10. Investir dans les connaissances transdisciplinaires pour agir en faveur des océans

 

Une vision globale pour un bien commun mondial

Chaque année, 26 millions de tonnes de poissons sont pêchées illégalement et 8 à 14 millions de tonnes de plastique polluent l’Océan. Par souci de transparence et pour assurer le respect des instruments de gouvernance multilatéraux, les recommandations visent à intégrer l’Océan dans les engagements internationaux comme bien commun de l’humanité.

Les scientifiques proposent trois mesures phares à mettre en œuvre immédiatement :

• Protéger efficacement et de manière permanente au moins 30 % de l’Océan 

• Mettre fin aux subventions nuisibles et soutenir une économie bleue régénérative fondée sur la science

• Éliminer progressivement l’utilisation des combustibles fossiles.

 

Faire avancer les connaissances avant des décisions politiques irréversibles

Seulement 1.7% des budgets de recherche nationaux sont en moyenne consacrés à l’Océan. Or, pour enrayer les effets de la triple crise – accélération du changement climatique, érosion de la biodiversité, pollution – que connait notre planète, nos sociétés doivent placer l’Océan au cœur du débat. La communauté des sciences marines est prête à répondre par une montée en puissance de ses recherches sur l’Océan. Mais elle rappelle que là où l’incertitude scientifique existe encore, la prudence doit guider la décision, et appelle à :

• Augmenter radicalement les investissements dans la science, l’observation et la modélisation de l’Océan

• Reconnaître le rôle critique de l’Océan profond et l’ampleur de ce que nous ignorons encore

• Améliorer notre connaissance des approches d’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin.

 

L’action pour l’Océan doit bénéficier à tous

La science appelle à une gouvernance fondée sur le respect, l’équité et la coopération. Pour renforcer la légitimité des politiques océaniques et réduire les inégalités, la communauté scientifique appelle les décideurs à :

• Reconnaître les droits humains dans la gouvernance maritime, garantir des conditions de travail équitables et sûres en mer et soutenir les pêcheurs artisans

• Intégrer les voix traditionnellement exclues : les communautés côtières, des pays du Sud, les générations futures et les espèces marines

• Mettre en place des mécanismes de partage équitable des technologies et des avantages apportés par les ressources génétiques marines.

 

Appel à la responsabilité collective

« Nos recommandations sont prêtes, il est grand temps d’agir. La communauté scientifique internationale est pleinement engagée et poursuit sans relâche ses efforts pour acquérir et partager de nouvelles données, de nouvelles connaissances pour un Océan vivant. Nous apportons aux dirigeants une base solide pour leur prise de décision. L’avenir de l’Océan, et le nôtre, en dépend. » François Houllier, Président-directeur général d’Ifremer et co-président du Comité Scientifique International du Congrès One Ocean Science.

« La recherche en sciences océaniques est unanime : les connaissances scientifiques et les solutions actuelles sont suffisantes pour agir en faveur de la préservation de l’Océan. Mais, pour le moment, les actions sont très insuffisantes. Nous appelons les dirigeants de la communauté internationale à se montrer à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons collectivement face pour préserver l’Océan. » Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS et co-président du Comité Scientifique International du Congrès One Ocean Science.

Communiqué du CNRS et l’Ifremer, co-organisateurs du One Ocean Science Congress, le 5 juin 2025