Le Blue economy and finance forum est l’un des trois événements spéciaux organisés en amont de la Conférence des Nations unies sur l’océan, qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin. Le Grimaldi Forum de Monaco accueillera les 7 et 8 juin monde de la finance et de l’industrie, représentants de gouvernements et d’institutions multilatérales, et acteurs de l’économie bleue. Objectif : orienter les investissements en direction d’une économie bleue « durable et régénérative ».
A Monaco, on aime à rappeler que l’engagement de la Principauté en faveur de la connaissance et de la protection des océans ne date pas d’hier. Il remonte précisément au prince Albert Ier, surnommé le « prince navigateur » et considéré comme l’un des pionniers de l’océanographie moderne. Un peu plus d’un siècle plus tard, l’héritage scientifique perdure, enrichi d’un rôle diplomatique actif et reconnu sur la scène internationale pour la préservation et la protection des océans. Et, désormais, assorti d’une dimension économique et financière.
« La connaissance est acquise, le consensus scientifique existe, des accords politiques ont été obtenus. Aujourd’hui, il faut aller plus loin », indique à Mer et Marine Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique de Monaco. « Nous devons désormais implémenter, mettre en œuvre sur le terrain ces accords et déclarations de bonnes intentions ». C’est toute la raison d’être du Blue economy and finance forum (Beff), dont l’Institut océanographique est l’un des coorganisateurs, avec le gouvernement princier de Monaco et la Fondation Prince Albert II, et le soutien de la France et du Costa Rica, coorganisateurs de la Conférence des nations unies sur l’océan (UNOC).
175 milliards nécessaires chaque année
Car pour « implémenter » et « mettre en œuvre », il faut de l’argent. Or, « 25 milliards de dollars sont dévolus à la protection de océans chaque année, quand il en faudrait 175, soit sept fois plus », indique Robert Calcagno, reprenant les chiffres du think tank environnemental américain World Resources Institute. A son échelle, Monaco, qui est aussi une place financière modeste par la taille, mais dynamique et en pleine expansion sur la scène mondiale, joue un rôle actif depuis quelques années. La Fondation Prince Albert II est impliquée dans le ReOcean Fund, un fonds d’investissement en private equity qui soutient des entreprises innovantes dédiées à la préservation et à la régénération des océans, et le Blue Economy Index, un indice financier destiné à orienter les investissements vers des entreprises durables dans l’économie bleue.
L’organisation à Monaco d’un sommet financier et économique en marge de l’UNOC n’a donc rien de surprenant. Outre le Prince Albert II, l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce Pascal Lamy (co-président du Beff), la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde et le secrétaire général de l’Organisation maritime internationale (OMI) Arsenio Dominguez prendront la parole. Côté privé, le directeur général de CMA CGM Rodolphe Saadé est annoncé, tout comme Thierry Déau, fondateur de Meridiam, société d’investissement spécialisée dans le développement, le financement et la gestion de projets d’infrastructures durables à long terme.
Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique de Monaco.
« Faire se rencontrer les projets, les entreprises et les financiers »
Alors que la question du financement de la protection de l’environnement cristallise les tensions de COP sur les changements climatiques en COP sur la biodiversité, des initiatives indépendantes existent déjà, à commencer par les conférences Our Ocean, lancées par le Département d’État américain en 2014. Avec 2600 engagements et 133 milliards de dollars récoltés en 10 ans, Our Ocean se revendique comme étant la principale plateforme mondiale permettant une action volontaire à fort impact pour l’océan. Le forum de Monaco ne risque-t-il pas d’apparaître comme redondant avec ce type d’événements, dont la dernière édition s’est tenue en avril dernier ? Robert Calcagno écarte le risque : « Ces conférences rassemblent principalement des Etats et des ONG. Notre intention est de souligner que nous ne nous en sortirons pas si nous restons seulement entre Etats et ONG, dont les moyens sont limités. Il faut absolument impliquer les entreprises et le monde de la finance (banques, assurances, fonds d’investissement) pour passer des ambitions à l’action ».
« Tout le but du Beff est de faire se rencontrer les projets, les entreprises et les financiers. Les financiers sont à la recherche d’investissements et les projets sont à la recherche de financiers. Mais aujourd’hui, dans le domaine de l’économie bleue, ils ne se rencontrent pas. Les projets ne sont pas suffisamment matures, et les financiers ne sont pas suffisamment informés des enjeux spécifiques liés à la préservation de la santé de l’océan. Il faut les faire discuter les uns avec les autres, et créer des connexions entre ces différentes entités ».
Investir pour l’océan
Séances plénières, panels et événements parallèles axés sur la préservation de l’océan et le financement d’une économie bleue durable ponctueront les deux jours du forum, autour d’une série de thématiques allant de la décarbonation des secteurs maritime et portuaire aux énergies marines renouvelables, en passant par le tourisme ou les questions liés aux enjeux de l’alimentation. « La culture des algues est par exemple très peu développée en Europe. Notre objectif, c’est de mettre en relation des gens qui aimeraient se lancer, avec d’autres gens qui savent faire cela ailleurs et génèrent des chiffres d’affaires conséquents, et des financiers qui ont envie d’investir dans ces activités ».
« Nous ne faisons pas une demande de charité, nous ne disons pas qu’il faut donner davantage d’argent pour l’océan. Nous disons : il faut investir plus d’argent pour l’océan », insiste Robert Calcagno. « Il y a un travail à faire pour, sur le long terme, développer des secteurs d’activité rentables et profitables, et qui tiennent compte des nécessités de gestion durable et de bonne santé de l’océan. Dans ce forum, nous ne ferons pas des coups avec des investissements et de la rentabilité économique à très court terme, potentiellement nuisibles à l’océan. Nous nous inscrivons dans le temps long ».
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