Par

Léa Pippinato

Publié le

6 juin 2025 à 19h34

Au départ, il s’agissait d’un journée flash tattoo. Un an plus tard, c’est un festival de douze heures, des spectacles traduits en LSF (langue des signes française), une expo, des ateliers sexo et une piste de danse inclusive. Ce samedi 7 juin 2025, de 10h à 22h, la Halle Tropisme, à Montpellieraccueille la première édition du HandiFest. Ce nouveau festival montpelliérain ne ressemble à aucun autre. Pensé par et pour les personnes handicapées, il vise à rendre visible une culture handi vivante, créative et multiple, à mille lieues de l’image larmoyante ou héroïsée souvent véhiculée. L’événement est organisé par l’association montpelliéraine Dear Valid People (littéralement « Chère personne valide »), fondée par Damien Fargeout et Camille Kerneguez.

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La genèse du projet a été aussi spontanée que décisive. « L’illustratrice qui bosse avec nous voulait organiser un flash tattoo day. Moi, j’ai dit : ‘On peut faire plus grand.’ J’ai proposé d’y ajouter nos conférences, du stand-up, des ateliers. Et ça a pris forme », raconte Damien Fargeout. En quelques mois, l’idée se transforme en projet concret. Les premiers contacts sont pris, les artistes invités, la programmation se construit. « On avait besoin d’un temps fort. Pas juste une conférence, pas juste une AG. Un moment pour fédérer et fêter ensemble ce qu’on vit toute l’année », précise Camille Kerneguez.

📻 Dear Valid People, de la radio à la scène

L’association montpelliéraine Dear Valid People est née en septembre 2019 sous forme d’une émission de radio diffusée sur FM Plus. Créée et animée par Damien Fargeout, cette émission donnait la parole aux personnes handicapées à travers des sujets comme le travail, la parentalité ou la sexualité.

En 2021, Camille Kerneguez rejoint le projet. Ensemble, ils élargissent les thématiques, enregistrent des émissions de 50 minutes, toujours disponibles en podcast et sur YouTube. Depuis juillet 2022, Dear Valid People organise aussi des enregistrements publics à la Gazette Café. Ces rendez-vous mensuels sont devenus des moments d’échange et de visibilité pour les personnes concernées.

En septembre 2023, l’équipe fonde officiellement l’association. Le bureau, en non-mixité choisie, est composé uniquement de personnes en situation de handicap. L’association organise désormais des conférences, des ateliers, des interventions dans les universités et des événements comme le HandiFest. Elle milite pour que les concerné·es aient enfin voix au chapitre.

Une journée rythmée, accessible, inclusive

Le HandiFest se structure autour de deux grands temps. Le matin et l’après-midi, des activités participatives rythment la journée. Le soir, place aux spectacles et à la scène. La matinée débute par un atelier d’initiation à la danse inclusive animé par Maylis Arrabit, chorégraphe et fondatrice de la compagnie (In)Between. L’objectif est clair : montrer que tout le monde peut danser, quel que soit son corps, sa mobilité ou son rapport à l’espace. 

L’après-midi, deux ateliers prennent le relais. Le premier aborde le validisme, ces discriminations systémiques qui visent les personnes handicapées. Le second interroge la vie intime et affective des concernées. Animé par une sexologue handie et féministe, il crée un espace d’échange sécurisé, loin des tabous. « Ce n’est pas le handicap qui rend la sexualité compliquée, c’est le validisme », résume Camille Kerneguez. Ces deux ateliers sont accessibles en LSF.  À 16h30, une table-ronde sur la convergence des luttes, animée par Chiara Kahn, créatrice du podcast Conpassion, rassemble des artistes et militants handies, queer, racisés. C’est l’un des temps forts du festival, conçu comme un espace commun où les luttes se croisent et s’enrichissent. 

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À 19h15, la scène s’ouvre au stand-up. Damien Fargeout y partagera le micro avec Jordan PPR, Anaïs Klein, Lou Trotignon, Tahnee et Soukaina Meflah. Le line-up est local, engagé, queer, handie. Tous les spectacles sont traduits en LSF. Lou Trotignon joue avec un chansigneur en permanence. « On lui a demandé s’il avait souvent des sourds dans la salle. Il a répondu que ce n’était pas important. L’accessibilité, ça ne dépend pas du nombre. » À 21h, le concert de La Pietà, artiste sétoise, clôture la journée. Elle sera accompagnée de Carlos Carreras, chansigneur, pour un show bilingue français/LSF.

Au-delà de la scène : tatouages, expo, safe space

Le HandiFest ne se limite pas à son programme de scène. Toute la journée, le public peut découvrir l’exposition « Carnet de voyage intérieur » de l’artiste montpelliéraine Éléonore Despax. Cette œuvre intime et sensible questionne le rapport au corps, au voyage et à l’isolement. Un flash day tatouage est aussi proposé à prix réduit par des tatoueuses engagées sur les luttes LGBTQIA+ et handies. « Le tatouage, pour beaucoup, c’est une façon de se réapproprier son corps. Surtout quand on nous l’a arraché par la médecine », ajoute Damien. Un safe space est installé à l’extérieur, équipé de matériel sensoriel : coussins lestés, fidgets, casques anti-bruit, couvertures. Il est encadré par des bénévoles formés, et s’adresse en priorité aux personnes autistes ou neuroatypiques. Des référents sont aussi disponibles tout au long de l’événement pour accompagner et orienter les participants.

« Le tatouage, pour beaucoup, c’est une façon de se réapproprier son corps. Surtout quand on nous l’a arraché par la médecine »

Damien Fargeout
Président de l’association Dear Valid People

L’accessibilité du lieu a été pensée dès le début. La Halle Tropisme présente des contraintes, notamment à l’extérieur, avec ses graviers. « L’accessibilité n’est pas une option. Elle doit être présente, même si une seule personne en a besoin. » Le HandiFest s’adresse à tous. Les personnes valides sont les bienvenues, mais l’événement ne tourne pas autour d’elles. « On veut sortir du prisme de la sensibilisation pour valides. Le validisme, c’est croire qu’on est valide pour toujours. C’est faux. On est tous concernés. Un jour ou l’autre. » Pour les organisateurs, ce festival est un acte politique, mais aussi un geste de joie, de tendresse, d’autodérision.

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