Vengeance, trahison et crime commandité : sept siècles après l’assassinat brutal du prêtre John Ford à Londres, une recherche universitaire éclaire d’un jour nouveau cette affaire sanglante, impliquant une femme noble et rebelle du XIVe siècle. Bref, tous les ingrédients pour une affaire digne d’un thriller, révélée par The Guardian et les archives de l’Université de Cambridge.
Le 4 mai 1337, alors que le soleil se couche sur Londres, les rues de Westcheap, proches de la cathédrale Saint-Paul, sont noires de monde. C’est dans ce décor animé qu’un prêtre nommé John Ford est violemment attaqué en public : un homme lui tranche la gorge à l’aide d’une dague, pendant que deux complices le transpercent à coups de couteau dans le ventre. La scène, choquante, se déroule en plein jour, juste après les vêpres, sous les yeux de nombreux témoins.
Sexe, trahison et vengeance
Rapidement, une enquête désigne trois suspects ainsi qu’une commanditaire présumée : Ela FitzPayne, une noble influente dont le mari avait nommé John Ford dans une paroisse du Dorset. Toutefois, aucun mobile n’avait alors été précisé par la justice. Finalement un seul homme – un ancien serviteur d’Ela FitzPayne – a été condamné.
Mais dans l’étude relayée par The Guardian et publiée dans Criminal Law Forum, le professeur Manuel Eisner, directeur de l’Institut de criminologie de l’Université de Cambridge, avance une hypothèse pour expliquer le crime.
Selon lui, et en se basant sur des archives médiévales exhumées dans les registres de l’archevêque de Cantorbéry, Ela FitzPayne aurait entretenu une liaison avec John Ford avant de se retourner contre lui. La noble aurait été dénoncée pour adultère et condamnée à une pénitence publique humiliante. Le chercheur estime que John Ford aurait pu être l’informateur. La vengeance aurait donc été personnelle… et sanglante.
Crimes violents dans les quartiers riches
« On a ici un récit de sexe, de trahison et de représailles qui en dit long sur les tensions entre l’aristocratie et l’Eglise médiévale », explique le professeur Manuel Eisner à The Guardian. Selon lui, l’objectif n’était pas seulement de tuer John Ford, mais de le faire voir, de l’éliminer symboliquement devant l’institution religieuse et la société londonienne.
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Ce meurtre spectaculaire figure aujourd’hui dans la Medieval Murder Maps, une base de données interactive lancée par l’équipe de Manuel Eisner, qui recense et cartographie des centaines d’homicides commis à Londres, York et Oxford au XIVe siècle. Les données révèlent un paradoxe historique : à l’époque, les crimes les plus violents se concentraient dans les quartiers riches et fréquentés – à l’inverse d’aujourd’hui, où les zones de forte criminalité touchent surtout les zones défavorisées.