La nouvelle est tombée en début d’après-midi à la suite d’un communiqué du procureur de la République de Lyon : la Justice ordonne bien un procès contre le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau dans l’affaire de chantage à la vidéo intime ayant visé Gilles Artigues ainsi que sept autres de ses protagonistes. Le procès aura lieu devant la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Lyon du 22 au 26 septembre 2025.
Gaël Perdriau continue à clamer fermement son innocence. Un procès le déterminera cet automne. ©If Saint-Etienne / XA
Il y a bien encore ce bémol. Du moins pour ce qui est des dates exactes : « Sous réserve de l’exercice d’éventuels voies de recours », précise dans sa conclusion le communiqué du procureur de la République de Lyon qui annonce cet après-midi que « conformément à l’article 179-2 du code de procédure pénale, les magistrats instructeurs ont, par cette ordonnance, convoqué les parties à une audience qui se tiendra, (…), entre le 22 septembre 2025 et le 26 septembre 2025, devant la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Lyon. » Pour rappel, depuis le début de l’enquête lancée à l’automne 2022 à la suite des révélations de l’affaire de chantage à la vidéo intime au sein de la municipalité de Saint-Etienne par Médiapart fin août de la même année, l’instruction et donc, ce qui était jusque-là l’éventualité d’un jugement en tribunal, a été déplacé du côté de Lyon afin de minimiser les risques de « collisions » entre personnes se connaissant.
Fin mars, le Parquet de Lyon avait requis le renvoi devant le tribunal correctionnel du maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau, de son ex-directeur de cabinet Pierre Gauttieri, de son ex adjoint Samy Kéfi-Jérôme ainsi que de Gilles Rossary-Lenglet, autodéfini comme le « plombier de l’affaire ». Selon ce dernier – qui avait amené, du coup en se dénonçant sciemment, tous les éléments à Mediapart dès le printemps 2022 -, il aurait été en effet « embauché » pour organiser le piège à la vidéo intime ayant visé début 2015 Gilles Artigues, alors 1er adjoint de Gaël Perdriau. Une machination qui aurait servi à neutraliser toutes les ambitions potentielles de l’élu UDI, estimé politiquement comme un rival dangereux, bien que dans la même équipe. Version invariablement démentie par le maire de Saint-Etienne qui s’est clamé innocent à de multiples reprises et continue à le faire malgré les aveux de Pierre Gauttieri (d’ailleurs l’impliquant) et Samy Kéfi-Jérôme au cours de l’enquête, appris par le biais de fuites dans l’instruction.
« Vous allez voir, ça va faire boom »
En conseil municipal, il y a quelques mois, Gaël Perdriau se disait même « très impatient » que le procès arrive pour que la « vérité éclate enfin ». Et, s’adressant à l’élue d’opposition PS Isabelle Dumestre tout en répétant qu’une personne de premier plan de son camp était « étrangement citée dans l’instruction », il avait lancé : « Vous allez voir, ça va faire boom, ça va faire boom ! » Effectivement, la « boom » aura bien lieu. Elle devrait donc ouvrir à l’automne comme la plupart des observateurs ou même acteurs de l’affaire le pronostiquaient. « N’en déplaise à tous ceux qui affirmaient que ça n’aurait pas lieu avant 2026. C’est tellement logique que cela soit fait bien avant les Municipales, commente ce vendredi Gilles Rossary-Lenglet auprès d’If Saint-Etienne. Oui, je suis heureux, je ne vais pas pleurer là-dessus ! Je ne suis pas un spécialiste mais 5 jours, ça me paraît court. Il s’agit donc probablement d’aller le plus vite possible. Idem pour ce qui est des chefs d’accusation, concentrés probablement sur ce qui est indiscutable pour éviter un « parole contre parole ». »
C’est tellement logique que cela soit fait bien avant les Municipales.
Gilles Rossary-Lenglet
A la différence du Parquet qui ne réclamait pas leurs renvois devant le tribunal, les deux couples dirigeants de deux associations distinctes, soupçonnées d’avoir été le véhicule, via de fausses subventions, de rémunération de Gilles Rossary-Lenglet et son ex compagnon pour leur forfait, seront aussi au rayon accusés du procès. Robert Zaccaria Giacomel, Nicole Deville, Philippe Buil et Chantal Sabatier au chef « d’abus de confiance ». Les chefs d’accusation contre les quatre autres accusés sont les mêmes que ceux réclamés par le Parquet en mars. A savoir pour Gaël Perdriau : « chantage, détournement de fonds publics par un dépositaire de l’autorité publique, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement et soustraction ». Idem (« complicité » pour la soustraction) pour Pierre Gauttieri, pour qui s’ajoute « utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui ».
La candidature de Gaël Perdriau en jeu
Gilles Rossary-Lenglet est renvoyé devant le tribunal pour « complicité de chantage », « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement », « conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel », « recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds ». Même chefs d’accusation pour Samy Kefi-Jérôme. Les dates du procès sont probablement volontairement suffisamment éloignées des élections municipales de mars 2026 pour donner lieu à un délibéré qui permettra sans doute de décider de la candidature de Gaël Perdriau à sa succession ou non. Ce dernier, à qui est souvent prêté la volonté de se représenter mais qui a refusé de le confirmer ou de l’infirmer en amont du dernier conseil municipal lundi, peut, malgré tout, l’annoncer à tout moment. Le dépôt officiel des candidatures a lieu, lui, habituellement en février…
Cependant, si un jugement le désignait avant cette date coupable et donc le condamnait – entre autres et éventuellement mais logiquement – à de l’inéligibilité assortie à une exécution provisoire, un appel de la décision du tribunal de sa part ne serait pas automatiquement suspensif sur cet aspect lourd de conséquences pour la vie politique locale. Le cas hyper-médiatisé de Marine Le Pen vient de le démontrer. A l’heure où nous publions ces lignes, nous n’avions pas réussi à joindre Gilles Artigues contacté cet après-midi (dans un message adressé un peu plus tard à notre rédaction, il nous indique qu’il ne s’exprimera pas personnellement « jusqu’au procès »). Pas de réaction officielle, non plus, de la part de Gaël Perdriau et de sa défense. Le maire de Saint-Etienne est actuellement à Kiev pour « le 3e sommet international des villes et des régions », « répondant à l’invitation du président Volodymyr Zelensky »…
« S’il y a un mot à retenir, c’est « enfin » »
Des réactions d’opposants politiques sont tombées en fin d’après-midi à la suite de cette brusque annonce. A commencer par celle du groupe d’opposition PS et apparentés Saint-Etienne Demain, associée aux signatures du député Pierrick Courbon (conseiller municipal d’opposition jusqu’en 2024) et Régis Juanico, ex député, conseiller départemental et « premier des socialistes » en vue des Municipales 2026 de Saint-Etienne :
« Sans surprise et dans la suite logique des réquisitions du parquet de Lyon en mars dernier, la Justice vient d’ordonner la tenue d’un procès à l’encontre de Gaël Perdriau. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette étape significative dans l’avancée de la procédure liée à l’affaire qui pourrit la gestion, les relations et l’image de notre ville de Saint-Étienne depuis près de trois ans. (…) La tenue d’un procès avant le renouvellement électoral apparaît particulièrement saine sur le plan démocratique, en ce qu’elle va permettre d’éclairer significativement le choix des Stéphanois. M. Perdriau ne pourra plus, quoi qu’il en soit, se draper derrière la seule présomption d’innocence pour continuer de nuire aux intérêts de notre territoire et de ses habitants. »
« L’imminence de ce procès, dont M. Perdriau avait peut-être eu vent, explique sans doute son comportement particulièrement outrancier et son extrême nervosité lors du conseil municipal de lundi. Nous notons enfin que, contrairement aux réquisitions initiales du parquet, les juges d’instruction ont décidé également du renvoi des responsables associatifs soupçonnés d’avoir facilité un potentiel détournement de fonds publics. Le non-lieu initialement requis avait été utilisé par l’édile pour faire la démonstration de la faiblesse du dossier… »
Sollicité par If Saint-Etienne, Lionel Boucher, ex adjoint de Gaël Perdriau exclu de la majorité municipale en 2023 pour ses propos sur ce dernier relatif à l’affaire – l’élu UDI est un proche de Gilles Artigues dont il fut le lieutenant politique -, estime qu’il s’agit là « d’une suite logique. S’il y a un mot à retenir, c’est « enfin ». « Enfin », la Justice va pouvoir se prononcer. Avec une problématique financière bien retenue finalement. C’est bien que cela ait lieu bien avant les Municipales, c’est plutôt sain. Contrairement à ses soutiens fidèles et intéressés, je n’ai jamais douté et ne doute pas de la culpabilité de Gaël Perdriau : les enregistrements parlent d’eux-mêmes. Reste juste à savoir à quel point et s’il en a été le commanditaire ».