Par
Nicolas Gosselin
Publié le
6 juin 2025 à 18h24
« Je le vis comme une deuxième agression, j’ai l’impression d’avoir été lâché par la direction », confie Jean-Christophe Colombo à actu Bordeaux. Le 28 mai 2025, trois semaines après avoir été tabassé par un passager, le chauffeur de bus a reçu une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement.
Comment est-ce possible ? La direction de Keolis Bordeaux Métropole Mobilités, qui est l’exploitant du réseau TBM, estime que son employé est fautif d’avoir déserté son poste de conduite pour demander à un usager, qui l’avait copieusement injurié, de quitter son bus.
Un déchaînement de violence
On était le 7 mai, au niveau de l’arrêt Vaclav Havel à Villenave d’Ornon. Le chauffeur a vu rentrer dans son véhicule un jeune homme fâché avec la politesse. Le conducteur l’a interpellé pour rappeler les bonnes manières à cet usager et pour avoir réclamé un « bonjour », il a reçu une pluie de coups d’une violence inouïe.
En arrêt de travail et psychologiquement marqué par cet épisode, Jean-Christophe Colombo sortait de la clinique après une opération à l’épaule quand il a appris sa convocation. Un timing qu’il a du mal à avaler.
Il compte se battre au niveau national
« Je suis au fond du trou et il faut que j’aille rendre des comptes. Ceux qui devraient me soutenir et m’accompagner veulent me sanctionner. C’est complètement déplacé, c’est même violent », déplore l’employé, qui est aussi délégué syndical SNTU-CFDT.
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De par ses fonctions, il fait partie justement de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), au sein du CSE de l’entreprise, et travaille énormément sur les risques psycho-sociaux. Jean-Christophe Colombo s’interroge sur la politique de Keolis, qui appliquerait systématiquement cette démarche dans pareille situation. Il compte alerter la ministre du Travail et faire bouger les choses au niveau national.
De son côté, Pierrick Poirier, directeur général de Keolis Bordeaux Métropole Mobilités, estime qu’ »à aucun moment un professionnel en contact public ne doit se mettre en danger face à un voyageur hostile. Il est préconisé de ne pas sortir du poste de conduite et d’activer le bouton d’alerte sûreté pour gérer la situation ».
Pierrick Poirier est le directeur de Keolis Bordeaux Métropole Mobilités. (©Actu.fr / Nicolas Gosselin)
Le dirigeant fait le parallèle avec le drame de Bayonne en 2020, où un conducteur de bus était mort dans un contexte similaire. « Je connais la consigne mais c’est plus facile à dire à froid dans un bureau qu’à appliquer sur le terrain. Je sais que ça n’en valait pas la peine mais sur le coup, l’instinct prime sur la réflexion », rétorque Jean-Christophe Colombo.
« On nous parle de lâcher prise face aux incivilités et aux insultes mais c’est une accumulation de choses qui ne sont pas normales, poursuit-il. Monsieur Poirier essaye de minimiser sa responsabilité d’entreprise. Si un jour, sa fille ou sa nièce est victime d’attouchements sexuels à l’arrière du bus, est-ce que je dois quitter mon poste de conduite ou dois-je tourner la tête ? On doit être maître à bord de son véhicule. »
Il craint plusieurs jours de mise à pied
Jean-Christophe Colombo est convoqué le 17 juin à son entretien préalable à une sanction disciplinaire. S’il sait qu’il devrait échapper au licenciement, de par sa fonction syndicale et de par la jurisprudence à ce sujet, le chauffeur craint d’être mis à pied quelques jours. Pour ce père célibataire de 52 ans, ce serait un nouveau coup dur psychologiquement et une perte de salaire non négligeable.
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