Les fans de basket-ball et de Michael Jordan appelleraient cela « The last dance », la dernière danse. Les autres l’appelleraient la dernière balade. Ce vendredi 6 juin 2025, la maire de Rennes, Nathalie Appéré, son premier adjoint Marc Hervé et ceux qui ont contribué au projet de déconstruction du parking Vilaine ont arpenté, pour la dernière fois, la Vilaine sous le futur ex-parking du centre-ville.
« C’est un moment charnière, entre la phase de concertation et celle des travaux, explique Marc Hervé. C’est l’occasion de profiter de ces derniers moments de la dalle ». Car à partir de fin août, le parking situé face à l’ancien cinéma Gaumont va fermer définitivement. L’idée ? Redécouvrir la Vilaine, cachée à la vue des Rennais sur 270 mètres depuis 1963. À partir d’octobre 2025, les 6 000 tonnes de béton du parking vont être retirées, jusqu’en mars 2026. Coût de ces travaux XXL : 2,5 M€. « C’est une opération majeure car la Vilaine est profondément liée à l’histoire de Rennes, pointe Nathalie Appéré. C’est l’opération phare d’un projet plus global pour faire du centre-ville un lieu agréable et respirable, adapté au changement climatique ».
Avec les chauves-souris
Sur l’eau, la perspective sur la ville change. S’il n’y avait la pollution plastique, bien visible dans la végétation le long des berges, la balade serait presque bucolique. La circulation des bus et voitures, quelques mètres plus haut, n’est quasiment plus visible et laisse la place aux bâtiments emblématiques de Rennes, du Mabilay à Cap Mail, l’immeuble de luxe conçu par l’architecte Jean Nouvel.
Et puis arrive le parking Vilaine, juste après la place de Bretagne. L’entrée dans un nouveau monde. Celui de l’obscurité. Et du silence. Une fois sous le parking, plus un bruit. Un calme absolu perturbé uniquement par les roucoulements des pigeons et le grincement d’une chauve-souris. Elles ont élu domicile sous le parking Vilaine, en plein centre-ville. Ce qui nécessitera une attention particulière pendant les travaux. « Début septembre, on va mettre de l’éclairage 24 h/24 pour qu’elles fuient et n’y hibernent pas, explique Jean-François Papin, chargé de projets aménagement des quais à la Ville de Rennes. À la fin des travaux, on viendra leur recréer de l’habitat artificiel. »
« La dalle est en train de se dégrader »
Reste un son, à la fois plus anecdotique et plus inquiétant : celui des gouttes d’eau qui tombent depuis la dalle. Tout au long des 270 mètres, les infiltrations se sont multipliées depuis ces 62 années. Jean-François Papin n’y va pas par quatre chemins : « La dalle est en train de se dégrader très sérieusement, l’ouvrage a très mal vieilli ».
Les infiltrations d’eau se sont multipliées sous la dalle du parking Vilaine. (Photo Le Télégramme/Romain Leroux)
Selon le diagnostic structurel réalisé en 2020, « la dalle, les poutres transversales et longitudinales sont dans un bon état. Cependant, les chevêtres (éléments permettant de relier entre eux les pieux supports du parking) sont dégradés ». Le diagnostic fait ainsi état de « présence de fissures obliques liées à des défauts de conception et de réalisation ». « Seize chevêtres ont été réparés, mais il faudrait en réparer 160 », note Jean-François Papin. Selon la maire de Rennes, « si on avait décidé de maintenir le parking Vilaine, les travaux rendus nécessaires pour le réhabiliter auraient coûté aussi cher que sa déconstruction ».
Les chevêtres qui relient les pieux qui supportent la dalle se sont dégradés au fil des ans. (Le Télégramme/Romain Leroux)Un ancien escalier pour les lavandières se révèle
Un peu plus loin, du côté du pont de Nemours, la structure béton a une tout autre allure et rappelle le ventre d’une baleine. Un patrimoine caché, comme les anciens escaliers qui descendent vers la Vilaine, empruntés autrefois par les lavandières. Un patrimoine qui sera réutilisé pour cheminer jusqu’au ponton flottant qui permettra de se promener le long du fleuve. Car tout autour du chantier de démantèlement de la dalle, plusieurs aménagements viendront compléter la métamorphose du secteur République : une nouvelle passerelle dans le prolongement de la rue Lanjuinais, des gradins surplombant le fleuve, la plantation de quelque 185 arbres ou encore de nouveaux jardins flottants, pour un coût total de 29 M€.
En se dirigeant vers le pont de Nemours, le décor change, avec cette structure béton qui rappelle le ventre d’une baleine. (Photo Le Télégramme/Romain Leroux)
« À Rennes, il y a parfois du désamour avec ce fleuve, et un rapport distant avec lui, constate Christophe Cozette, paysagiste concepteur chez Phytolab, en charge de la réalisation de ce chantier hors norme. L’idée est de concentrer nos efforts autour du fleuve et pour le fleuve ».