« On m’a volé mon procès ! ». Une femme, privée de la possibilité d’assister au procès de son ex-compagnon, a demandé mercredi au tribunal judiciaire de Paris de condamner l’État pour les graves dysfonctionnements dont elle estime avoir été victime.
Elle a pris la parole en dernier, après avoir demandé si elle pouvait prononcer un mot au tribunal. « Quand j’ai porté plainte, j’avais foi en la justice », a déclaré à la barre Khadija, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. « Je voulais le voir dans le box, je voulais entendre le mot condamné. Mais on m’a volé mon procès », a poursuivi la jeune femme.
En 2017, elle avait porté plainte contre son ex-conjoint pour viols, tortures et actes de barbarie. Le juge d’instruction, chargé des investigations, a ordonné son renvoi devant la cour d’assises de la Haute-Vienne, mais Khadija n’a pas été informée de la date du procès. Elle apprend, en septembre 2020, par les médias, que le procès est en cours.
La convocation avait été envoyée à une mauvaise adresse et « le parquet ne fait rien », s’est étonnée l’avocate de Khadija à l’audience. « Personne n’a cherché à la contacter par un autre biais, alors que la police avait son numéro de téléphone », a rappelé Me Pauline Rongier.
« L’État ne peut pas être considéré comme fautif »
Malgré les demandes de Khadija, le procès s’est poursuivi sans elle. Son ex-conjoint a été condamné à huit ans de prison pour les violences, mais a été relaxé des accusations de viols. « Comment condamner quelqu’un pour viol conjugal quand on n’a pas de victime ? », a interrogé Me Pauline Rongier. « C’était un boulevard pour la défense ! La cour d’assises aurait dû s’assurer que la victime avait été informée du procès », a-t-elle poursuivi dans sa plaidoirie.
À l’audience, la représentante de l’État a nié tout manquement dans cette affaire. « Ce qui est reproché ici, c’est tout simplement l’acquittement de Monsieur B. et le fait que le parquet n’ait pas fait appel », a-t-elle plaidé avant de conclure : « En aucun cas, les droits de la victime n’ont été bafoués. Elle n’est pas victime de l’État, mais de Monsieur B. ».
Même constat pour le procureur de la République, qui a considéré, au terme d’une très courte intervention, que « l’État ne peut pas être considéré comme fautif ».
Décision le 21 mai
Dans cette affaire, la Cour de cassation a reconnu, en juin 2021, que les démarches nécessaires n’avaient pas été engagées pour contacter et convoquer la victime au procès. La décision du tribunal judiciaire quant à la responsabilité de l’État sera rendue le 21 mai.
En attendant, Khadija et son avocate ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), pour qu’elle puisse intervenir après l’épuisement des recours en France.
L’ex-compagnon de Khadija, en situation irrégulière en France, a été expulsé vers le Maroc à sa sortie de prison en février 2024. Mais il continue de la menacer ainsi que sa famille et son avocate.