L’année Cezanne, à Aix, s’annonce foisonnante. Au-delà de l’exposition d’envergure internationale qui démarrera le 28 juin au musée Granet, tout un tas d’autres rendez-vous sont au programme durant l’été. Et au musée du Vieil Aix, l’exposition qui a ouvert ses portes vendredi 6 juin revient sur l’histoire tourmentée entre Cezanne et la ville d’Aix. Comment était-il réellement perçu à l’époque ? Documents d’archives à l’appui, « Cezanne vu d’Aix. Entre légende et mémoire collective », se penche sur le lien qui unissait le peintre à sa ville, sur les amitiés qui l’ont accompagné, et sur les figures qui se sont opposées à lui et mené une campagne de dénigrement à son encontre.
« En fait, on s’est rendu compte que c’est un sujet qui n’avait pas été abordé tant que ça, et qu’on avait souvent cédé à la facilité en dépeignant un Cezanne misanthrope, acariâtre, solitaire, hirsute… La légende écrite par ses premiers biographes a largement contribué à en faire un artiste maudit », observe Milène Cuvillier, conservatrice du patrimoine, responsable du musée du Vieil Aix.
Des pro et des anti Cezanne
Mais la vérité est beaucoup plus nuancée, comme l’étaye l’exposition proposée jusqu’au 4 janvier 2026. Une salle est ainsi consacrée aux amis artistes du peintre, avec des citations mises en parallèle de certaines œuvres comme le buste d’un Cezanne rêveur réalisé par le sculpteur Philippe Solari, ou des peintures de Monticelli, Louise Germain, ou Ravaisou, qui prit la plume à de nombreuses reprises pour le défendre.
Cezanne faisait partie de ce petit cercle de jeunes artistes, peignait avec certains, retrouvait d’autres dans les cafés pour des repas ou des longues discussions. Pour autant, il ne faisait pas l’unanimité. Surtout, les oppositions se sont renforcées lorsque sa carrière a décollé à Paris, en 1895 après l’exposition-rétrospective organisée par le marchand d’art Ambroise Vollard. Les « anticezanniens », artistes tenant d’un académisme formel comme le peintre Louis Gautier ou des gens de la bonne société conservatrice aixoise, sont de plus en plus virulents.
Et l’hostilité, la haine parfois, va continuer bien après le décès de Cezanne, en 1906. « Dans les années 30, Louis Gautier et d’autres montent encore des cabales contre Cezanne, ils écrivent des articles dans la presse pour le fustiger, c’est quelque chose de complètement à contretemps car son œuvre est déjà reconnue », souligne Milene Cuvillier.
Sous l’impulsion des « anticezanniens », exerçant « un vrai pouvoir de nuisance », aucun tableau du maître d’Aix n’entrera au musée d’Aix, et il faudra une longue attente pour la réhabilitation de Cezanne dans sa ville. Un homme en sera le premier artisan : Marcel Provence, qui a racheté et conservé l’atelier des Lauves. Une salle lui est aussi consacrée dans cette exposition qui, après l’ouverture de La Petite galerie en février, lance véritablement l’année Cezanne.
Au musée du Vieil Aix, rue Gaston-de-Saporta, jusqu’au 4 janvier 2026. Horaires : de 10h à 18h jusqu’au 30 septembre. Fermé le lundi.