De gauche à droite, Markus Söder (président de la CSU), Friedrich Merz (président de la CDU), Lars Klingbeil et Saskia Esken (coprésidents de la SPD), en route pour annoncer l’accord de coalition entre leurs partis, le 9 avril 2025, au Bundenstag, à Berlin. DTS NEWS AGENCY GERMANY/SHUTTERS/SIPA
Lire plus tard
Google Actualités
Partager
Bluesky
Copier le lien
Envoyer
Temps de lecture : 3 min.
Décryptage
Un mois et demi après les élections législatives en Allemagne, le futur chancelier conservateur (CDU) Friedrich Merz a annoncé mercredi un accord de coalition avec son allié bavarois de la CSU et les sociaux-démocrates.
Friedrich Merz l’avait promis. Au lendemain de la victoire des chrétiens-démocrates (CDU) aux élections législatives du 23 février 2025, le leader conservateur assurait qu’il souhaitait « aller vite » jusqu’à former un gouvernement avant Pâques. Pari tenu donc puisque le futur Chancelier a annoncé ce mercredi 9 avril un accord de coalition avec les sociaux-démocrates (SPD) avec un gouvernement attendu pour début mai. Pour la cinquième fois de son histoire au niveau fédéral, l’Allemagne se dote d’une « große Koalition » – ou « Groko » – rassemblant les deux principales forces du pays.
A lire aussi
Portrait
Elections allemandes : Friedrich Merz, le retour de la vieille école germanique
Abonné
Lire plus tard
Et cette fois, il n’était pas question de prendre son temps comme en 2017 où les négociations, qui avaient abouti sur le quatrième mandat d’Angela Merkel, avaient duré près de cinq mois. Enlisée dans un contexte international rude avec le retour de Donald Trump, une récession économique pour la deuxième année consécutive, une succession d’attaques au couteau et à la voiture bélier profitant à une extrême droite toujours plus haute, l’Allemagne était redevenue pour beaucoup l’homme malade de l’Europe. Friedrich Merz, lui, le jure, son pays « est de retour sur la bonne voie. »
« Trahison » de Friedrich Merz
Pourtant, tout n’a pas été si simple. Et la pression sur le futur chancelier n’a cessé de monter au fur et à mesure des négociations. Au point qu’un sondage Insa, publié ce week-end par le tabloïd Bild, donnait les conservateurs aux coudes à coudes avec le parti d’extrême droite de l’AfD dans les sondages, à 24 % des intentions de vote. Un mois plus tôt, la CDU remportait les législatives avec 28,5 % des voix, devant l’AfD qui, à 20,8 %, comptabilisait déjà le meilleur résultat de son histoire.
En cause, le « bazooka » budgétaire, pierre angulaire des négociations entre la CDU et le SPD. Les députés des deux camps ont voté avec les Verts un texte en trois volets, dont chaque point nécessitait une modification de la constitution. Dans le détail, les trois groupes parlementaires défendaient un assouplissement du « frein à la dette », un dispositif constitutionnel restreignant le recours au déficit, afin de pouvoir financer les dépenses de défense supérieures à 1 % du produit intérieur brut (PIB), une autorisation d’emprunter pour les Länder et la création d’un fonds spécial de 500 milliards d’euros sur douze ans, destiné à financer les infrastructures.
Une petite révolution pour un pays très attaché à l’orthodoxie budgétaire, dont la CDU – et particulièrement Friedrich Merz pendant sa campagne – était l’un des plus fervents défenseurs. Selon la chaîne de télévision ZDF, 73 % des Allemands et 44 % des électeurs de la CDU/CSU estimaient que le futur chancelier les avait trompés sur la question de la dette.
« La base de l’électorat conservateur, notamment les jeunes, est très critique. Certains parlaient même de “trahison” ! » souligne Jeanette Süẞ, chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Certains électeurs remettent aussi en cause le talent de négociateur de Friedrich Merz, qui aurait accepté bien trop tôt les demandes du SPD dans les pourparlers, le privant de toute marge de manœuvre.
Un alliage « relativement équilibré »
Long de 140 pages, l’accord de coalition confirme bien l’augmentation des dépenses de défense et le fond spécial de 500 milliards, ainsi qu’un soutien « complet » à l’Ukraine, militairement comme diplomatiquement. L’impact du SPD dans les pourparlers se mesure donc au niveau économique, mais aussi sur l’aspect budgétaire, ainsi que sur une hausse de salaire à 5,8 % pour les fonctionnaires.
A lire aussi
Interview
Elections en Allemagne : « A l’Est, l’extrême droite joue sur une nostalgie paradoxale de la RDA »
En accès libre
Lire plus tard
Mais la patte des conservateurs ressort sur plusieurs mesures comme la suppression de 8 % des postes dans l’administration fédérale, une réduction de 25 % des coûts de la bureaucratie, la réduction de l’impôt sur les sociétés de cinq points à partir de 2028 et d’exonérations de taxes pour les constructeurs automobiles. Un alliage qui donne un ensemble « relativement équilibré, sobre et réconciliant » juge Jeanette Süẞ, qui estime que les deux partenaires de coalition ont su maintenir leurs positions « même s’ils ont bien pris soin de ne pas faire émerger de vainqueur clair pour instaurer une relation saine ».
Sur l’immigration, devenue le sujet majeur de la campagne, l’accord annonce un « durcissement », qui s’incarne par un maintien du contrôle aux frontières, la suspension du regroupement familial et la suppression de la possibilité d’être naturalisé au bout de trois ans en Allemagne pour « une personne exceptionnellement bien intégrée », une mesure décidée par le précédent gouvernement d’Olaf Scholz. Le SPD a obtenu la mention, dans le contrat de coalition, que l’Allemagne reste un « pays ouvert » tout en conservant le droit d’asile qui était remis en question par les conservateurs.
Cet équilibre se traduit dans la répartition des portefeuilles. Le bloc CDU/CSU obtient 9 ministères (Intérieur, Économie, Affaires étrangères, Transports, Santé, Agriculture, Famille, Recherche et Espace, Numérique). Petite curiosité, les affaires étrangères, qui sont traditionnellement réservées au partenaire mineur de la coalition, reviennent à la CDU pour la première fois depuis 60 ans. « Certainement pour avoir la main plus solide dans un contexte particulier » commente l’experte.
A lire aussi
Analyse
Friedrich Merz va-t-il pouvoir relancer la sécurité européenne ?
Abonné
Lire plus tard
Les sociaux-démocrates obtiennent les Finances, plus stratégiques, ainsi que la Justice, les Affaires sociales, la Défense, l’Environnement, le Développement et le Logement. Le SPD peut donc se targuer d’avoir sept portefeuilles, un de plus qu’en 2021. « Ce n’est pas rien pour un parti qui a enregistré le pire score de son histoire depuis 1945 » rappelle Jeanette Süẞ.
Reste encore à savoir qui seront les visages de ce gouvernement même si certains gros noms comme Boris Pistorius (ancien ministre de la Défense sous Scholz, qui devrait rempiler), Lars Klingbeil (nouveau chef de file du SPD, pressenti aux finances) ou Johann Wadephul (un conservateur favorable à l’aide militaire en Ukraine, favori pour les Affaires étrangères) sont régulièrement cités.