Donald Trump a autorisé fin avril l’exploitation minière dans les eaux internationales, en opposition totale aux objectifs du sommet sur les Océans qui s’ouvre ce 9 juin à Nice. (Photo d’illustration)

BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Donald Trump a autorisé fin avril l’exploitation minière dans les eaux internationales, en opposition totale aux objectifs du sommet sur les Océans qui s’ouvre ce 9 juin à Nice. (Photo d’illustration)

ENVIRONNEMENT – Plus de 30 000 participants, 51 chefs d’État et de gouvernement, des ONG environnementales et scientifiques en nombre. La Conférence des Nations unies sur les Océans, coprésidée par la France, s’ouvre ce lundi 9 juin à Nice. De nombreux sujets seront au cœur des discussions pendant 4 jours, de la pollution plastique à la surpêche en passant par la pêche illégale. Mais une problématique ressort particulièrement au vu des tensions internationales récentes : la protection de la « haute mer », c’est-à-dire les océans sous l’autorité d’aucun État.

Ces eaux internationales, qui représentent 61 % des océans et près de la moitié de la surface de la Terre, sont capitales. Les fonds marins de ces eaux jouent notamment un rôle indispensable dans la captation du carbone, et regorgent d’un écosystème très riche et toujours en partie inconnu. Leur protection découle d’un traité international ratifié en 1982, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Une juridiction de plus de 40 ans donc, et qui nécessitait un coup de neuf face à l’urgence climatique. C’est dans cette optique qu’a été adopté en 2023 à l’ONU un nouveau traité pour la protection de la haute mer.

Problème : s’il a bien été signé par près de 115 pays à l’ONU, sa ratification pour qu’il devienne effectif est bien plus laborieuse. Seuls 29 pays ont aujourd’hui passé ce cap, sur les 60 nécessaires pour qu’il rentre en œuvre. Surtout, hormis la France voire l’Espagne, aucun des pays les plus importants ne l’a validé, que ce soit les États-Unis, la Chine, l’Australie ou le Royaume-Uni…

Surtout, le 31 mars, Emmanuel Macron avait lui-même fixé comme « objectif pour Nice d’avoir au moins les 60 ratifications ». Sans cela, la conférence sera « un échec », avait aussi prévenu son ambassadeur pour les océans, Olivier Poivre d’Arvor. Malgré tout, le cabinet de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, veut rester positif, affirmant qu’il y a une « dynamique favorable » pour obtenir ces 60 ratifications « d’ici la fin de l’année », et espère bien convaincre certains États à Nice.

La décision choc des États-Unis

Mais bien plus que les participants, c’est l’ombre d’un absent qui risque de planer bien lourd sur la baie des Anges : les États-Unis de Donald Trump. Fidèle à sa ligne, le président américain n’a envoyé aucune délégation à Nice. C’est évidemment loin d’être une surprise, alors que l’une des premières décisions du nouveau président américain fut de retirer son pays de l’accord de Paris sur le climat puis de drastiquement couper dans tous les programmes de recherche environnementaux.

Et les États-Unis ne brillent pas seulement par leur absence. Une décision prise par le président américain le 24 avril dernier va totalement à contre-courant des ambitions niçoises : autoriser l’extraction de minerais dans les eaux internationales. Une annonce vivement critiquée par toutes les organisations environnementales, mais également par certains pays comme la Chine qui a immédiatement dénoncé une infraction au droit international. De leur côté, les États-Unis se défendent en assurant n’avoir de toute façon… jamais ratifié le traité de 1982 sur le droit de la mer.

Selon l’AFP, l’Élysée a relativisé cette annonce, affirmant que la « rentabilité économique » de tels projets n’est « pas aujourd’hui démontrée », et qu’il n’y avait pas de « grandes opérations d’exploitation » en préparation. Une déclaration qui ressemble surtout à de la méthode Coué : l’entreprise canadienne The Metals Company a ainsi déposé dès le 29 avril dernier une demande d’exploitation minière dans les eaux internationales auprès des États-Unis.

Les océans, nouveau « Far West » ?

Face à cette décision unilatérale des États-Unis, les discussions de la semaine prochaine à Nice peuvent paraître au mieux très optimistes, au pire bien insuffisantes. Car l’annonce de Washington fait craindre aux ONG et scientifiques une transformation des océans en véritable « Far West ». C’est ce que redoute Anne-Sophie Roux, cofondatrice du mouvement LookDown engagé contre l’extraction minière en haute mer. « Il faut que tous les pays attachés au droit international et au multilatéralisme réagissent pour empêcher ça. Sinon le risque, concrètement, c’est que le plus vaste écosystème de la planète devienne une zone de non-droit », plaide auprès de Reporterre celle qui a conseillé les gouvernements Bayrou et Borne sur les politiques maritimes.

Pour Guy Standing, économiste à l’université de Londres, ce décret serait même ce que Donald Trump « a fait de plus dangereux » depuis son retour à la Maison Blanche. « Cela pourrait mener à un découpage dans différentes parties du monde », avec par exemple « la Russie, la Chine et l’Amérique morcelant l’Arctique », explique-t-il auprès de l’AFP.

Car les conséquences environnementales de cette décision pourraient bien être gravissimes. Plusieurs scientifiques ont publié ce mercredi 4 juin un article dans la revue Nature, plaidant pour interdire « pour toujours » la pêche et l’extraction minière en haute mer. Les fonds marins sont en effet un immense puits de carbone, essentiel pour limiter le réchauffement climatique. Selon les auteurs, les températures auraient augmenté de 3 °C par rapport à l’ère préindustrielle – soit près de deux fois plus qu’aujourd’hui – sans la captation de CO2 par ces fonds marins.

Au contraire, le lancement de projets miniers dans ces fonds marins, aujourd’hui encore méconnus des scientifiques, « risque de causer des dégâts irréversibles » et « incontrôlables » sur la biodiversité et la recherche, affirment-ils. En plus de causer le relâchement d’une très forte quantité de gaz à effet de serre, avec des conséquences désastreuses sur le climat. Autant de problématiques vitales pour la survie de l’espèce humaine, qui n’émeuvent visiblement pas beaucoup Donald Trump.