Dans le Marais, ce week-end, l’affiche pour la Marche des fiertés alimente les conversations. En cause : la présence, sur ce qui annonce l’événement prévu le 28 juin, de symboles que d’aucuns interprètent comme des prises de position politique et des « incitations à la violence ».
Harold, un communiquant de 32 ans croisé devant le BHV au bras de son compagnon ce samedi, a l’image en tête et se livre spontanément à un décryptage du visuel décrié. « Toutes les luttes portées par l’extrême gauche sont représentées. Cette affiche divise alors que la Gay Pride se veut rassembleuse. Elle dessert la cause LGBT », s’indigne ce Parisien.
Le visuel choisi par les organisateurs pour cette édition 2025, financée par la mairie de Paris et la région Île-de-France, met en scène un groupe de manifestants. Parmi eux, une femme voilée tenant par la cravate un homme assommé portant au cou un symbole fasciste et brandissant une pancarte avec le slogan « contre l’internationale réactionnaire ».
L’affiche représente aussi des personnages arborant un triangle rose qui fait écho au symbole utilisé par les nazis pour identifier les détenus homosexuels, ou un pin’s et un sac évoquant le drapeau palestinien. Des choix fustigés par des élus de droite et d’extrême droite, ainsi que par le groupe juif gay et lesbien de France, Beit Haverim, qui dénonce « une communication irréfléchie » susceptible de provoquer « des débordements ».
« Les thèmes abordés font oublier le sujet principal »
Si les critiques ont été balayées par l’Inter-LGBT, organisatrice de la marche des fiertés, dans un communiqué de presse publié jeudi, les avis au sein de la communauté gay, eux, divergent. À la terrasse du café-restaurant Le Ju, reconnaissable sous sa forêt de parapluies arc-en-ciel, Jonathan ne cache pas sa colère. « Tous les thèmes abordés sont portés par l’extrême gauche et font oublier le sujet principal : la Gay Pride », regrette ce Parisien de 36 ans, spécialisé en design.
« Dommage d’avoir choisi une affiche qui divise pour annoncer une fête qui se veut rassembleuse », renchérit son ami Kevin, un commercial du même âge. « Cette affiche est empreinte de wokisme. Il aurait mieux valu choisir un message neutre pour éviter la polémique », suggère Cyrille, un ingénieur de 37 qui se présente comme socialiste, contrairement à ses deux amis qui s’affichent sympathisants de droite.
Un peu plus loin, des hommes de tous horizons sont attroupés devant le café Cox, une institution dans la communauté gay. Arnaud, un ancien Parisien de 46 ans retiré en Bretagne, condamne aussi l’affiche. « Du point de vue graphique, elle est médiocre et sur le fond, les organisateurs s’adressent avant tout aux queers, transgenres et bisexuels », s’indigne ce graphiste. Et ce dernier de regretter que « la violence véhiculée par l’affiche occulte le message de tolérance prôné par la Marche des fiertés ».
Omar, serveur, craint que la polémique d’entraîne «des débordements et des actes hostiles» le jour de la Marche des fiertés. LP/Christine Henry
Omar, serveur au Vito, le café voisin, craint de son côté que cette polémique « dissuade les gens de participer à la fête des fiertés » et entraîne « des débordements et des actes hostiles ».
Pour d’autres, une tempête dans un verre d’eau
Tous ne partagent pas ces points de vue. À l’image de Benoît, un fonctionnaire qui sirote une bière devant le Cox. « Cette affiche ne me pose pas de problème. La polémique a été créée par des élus de droite et d’extrême droite qui ne sont pas réputés être les alliés de la communauté gay. Leurs accusations et celles des associations sont infondées et mensongères. »
Pour Sébastien, une fonctionnaire de 49 ans, et Pierre, juriste de 39 ans, attablés devant une pinte, à la terrasse d’un café situé à l’angle de la rue des archives et de la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, « cette polémique est une tempête dans un verre d’eau ». Pour ce couple, la Gay Pride « n’est pas seulement un événement festif mais un rassemblement militant et on ne peut pas reprocher à cette affiche de l’être aussi ».
Pour Sébastien et Pierre, l’affiche est à l’image du climat tendu dans le monde. LP/Christine Henry
Pas d’appel à la violence dans cette affiche ? « Non, estiment-ils. Contrairement aux affirmations de ses détracteurs. Elle témoigne simplement du climat ambiant, tendu. »
Une position que partage le sénateur (PCF) de Paris, Ian Brossat. « La violence n’est pas dans cette affiche mais dans les agressions contre les personnes LGBT », temporise l’élu. Ouvertement homosexuel, Ian Brossat critique vertement la décision prise par Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, qui a décidé de supprimer la subvention pour la Marche des fiertés en raison de la controverse suscitée par cette affiche.