Les inaugurations sont souvent trompeuses. Si l’élargissement de l’A57 à deux fois trois voies a été célébré ce vendredi en grande pompe, il est effectif depuis fin novembre. Cela fait donc plus de six mois déjà qu’aller et venir à Toulon aux heures de pointe ne génère plus d’angoisse particulière.

Si les psys et les pharmaciens en subissent peut-être les effets, les 110.000 usagers quotidiens circulent désormais en sifflotant sur les 7km linéaires. À 70km/h jusqu’alors et désormais à 90km/h depuis aujourd’hui (lire par ailleurs).

Le temps d’apporter les dernières finitions, plus aucun ouvrier ne sera vu sur l’A57 dans deux mois. Une page se tourne. Celle d’un chantier de quatre ans en milieu hostile avec un cahier des charges long comme un embouteillage de la vie d’avant.


Le ministre des Transports et les élus ont pris le bus à l’arrêt Sainte-Musse A57, sur la voie dédiée.
Photos Luc Boutria Photo Luc Boutria.

Un chantier « titanesque », « remarquable », « exemplaire »

Il aura fallu 300 millions d’euros et beaucoup d’ingéniosité à Vinci Autoroutes pour mener à son terme « le plus gros chantier autoroutier français sur la période », selon Nicolas Notebaert, le directeur des concessions Vinci. « On a vérifié. Aménager une troisième voie tout en maintenant deux autres voies en circulation, en milieu urbain, et sans coupure, ça n’avait jamais été fait en France et c’est un exploit », précise-t-il.

Dans un territoire où 65% des déplacements se font en voiture, il n’était pas question de condamner une des deux voies de circulation. Le maître d’œuvre a donc mené des opérations coups de poing à répétition la nuit et les week-ends pour limiter les perturbations. Et les milliers d’ouvriers engagés ont relevé des défis à la pelleteuse comme planter et replanter 5.000 arbres, aménager cinq échangeurs, douze bassins de rétention d’eau enterrés ou encore démolir deux ponts dont celui du Tombadou et ses 4.600 tonnes de gravats sous des trombes d’eau.

Hier, lors de la cérémonie d’inauguration tenue à Sainte-Musse sur le terrain dépeuplé de l’ancien quartier général, les personnalités invitées à la tribune ont volontiers qualifié de « titanesque » « remarquable » et « exemplaire » ce chantier hors norme. « Ce chantier m’a permis plusieurs fois après 21 heures de connaître La Valette dans tous ses détails mais je suis dans l’incapacité de trouver une critique », s’est amusé le président de la Métropole, Jean-Pierre Giran.

En plus de créer la troisième voie de circulation, deux couloirs dédiés aux bus de ville ont été aménagés en élargissant les bandes d’arrêt d’urgence afin de desservir la halte ferroviaire de Sainte-Musse et l’hôpital. Ce qui peut paraître anodin est en fait une innovation.

Saluée à juste titre par le ministre des Transports, Philippe Tabarot, après avoir observé une visite organisée à l’arrêt « Sainte-Musse A57 »: « Alors qu’on oppose souvent les transports, ce chantier prouve que l’intermodalité peut aussi se faire sur l’autoroute. C’est un cas d’école et de jurisprudence pour la France. À titre personnel, je suis fier que le modèle parte de chez nous (il est né à Cannes) et remonte à l’ensemble du territoire. »

« À l’échelle d’une métropole de la taille de Toulon, on ne fera pas de ferroviaire lourd de type RER. Alors, le fait qu’on arrive à mutualiser des gens dans un bus qui utilise l’autoroute, c’est aussi une manière de décarboner l’usage », estime Nicolas Notebaert.

 

Mais toujours pas de grand transport en commun

Se félicitant du « souffle nouveau pour les déplacements dans la métropole », la maire de Toulon, Josée Massi, a estimé que les deux arrêts de bus étaient « une première en France et une avancée dans l’intermodalité ». Un comble pour la quatorzième ville de France qui est la seule du top 20 à ne toujours pas avoir développé de grand transport en commun (et la seule des douze métropoles à être hors-jeu). Sous les arrêts de bus pourtant, la halte ferroviaire de Sainte-Musse sera peut-être un jour accompagnée d’une gare multimodale accueillant le futur BHNS – cet horrible acronyme pour désigner un superbus qui roule sur une voie dédiée sur au moins 70% de son tracé – pour relier La Seyne à La Garde sans prendre sa voiture.

Entre mer et montagne, la mobilité n’est pas simple. Les relations politiques également. Tour à tour, tous les intervenants ont délivré des hommages nourris à l’artisan du projet, Hubert Falco, saluant « sa volonté politique », « sa pugnacité » et « son exigence ». Mais selon nos informations, la présence de l’ancien maire, invité malgré son inéligibilité confirmée dans l’affaire du « frigo » du Conseil départemental, a incité son président, Jean-Louis Masson, à décliner l’invitation.

Il n’aura pu constater que pour cette cérémonie, Vinci Autoroutes avait chaussé les pneus quatre saisons. Près de 450 invités, un grand chapiteau de réception, un film émouvant pour retracer quatre ans de défis relevés avec le sourire mais aussi avec les larmes de cet ouvrier qui a accueilli la naissance de son fils pendant le chantier. L’ouvrier est parti vers d’autres missions. La page s’est tournée.