« L’homme n’est pas fait pour travailler avec des chaleurs pareilles », soupire un cantonnier croisé sur le Vieux-Port. Vêtu d’un pantalon et d’une veste de sécurité jaune fluo, gants aux mains et casquette vissée sur la tête, il ramasse les déchets malgré les 30 °C affichés en cette fin de matinée. « La chaleur, on la subit pendant des mois. À peine je termine le boulot que je vais me baigner pour refroidir tout ça. »
Comme lui, de nombreux travailleurs sont exposés à des conditions particulièrement éprouvantes lors des fortes chaleurs. Les ouvriers du BTP, les employés d’entretien ou les travailleurs agricoles figurent parmi les plus vulnérables. « On a l’habitude de bosser comme ça, mais ce n’est pas agréable du tout », confirme Saïd, maçon à Marseille. Rue Colbert, il pose des pavés. « Avec les machines, les équipements de sécurité, tout ça, on se retrouve vite à bosser sous 47 °C et ça devient dangereux pour les plus fragiles ». Les conséquences sur la santé sont connues : migraines, nausées, déshydratation… jusqu’au coup de chaleur pouvant provoquer un malaise, voire, dans les cas les plus graves, entraîner le décès.
« On combine la chaleur de l’air à celle des fours »
Ces conditions touchent aussi les métiers de la restauration. Julien est traiteur, il installe régulièrement ses stands lors de tournages de publicités. « On bosse en extérieur, donc on combine la chaleur de l’air à celle des fours. C’est parfois très difficile à supporter pour les cuisiniers. » Entre les plaques chauffantes, le feu et l’exposition directe au soleil, la température grimpe vite. « Quand on cuisine, l’air devient vite irrespirable. »
Dans les commerces aussi, la chaleur pèse. « Ici ça va, mais j’ai déjà travaillé dans des boulangeries où on cramait littéralement, se souvient Lina, vendeuse dans une boulangerie du centre-ville de Marseille. On transpirait tellement qu’on devait se laver les mains avant chaque client. »
Des adaptations individuelles pas suffisantes
Face à ces risques, chacun tente de s’adapter comme il peut. « On commence plus tôt et on veille à toujours avoir un pack d’eau avec nous, explique Saïd. De toute façon, on n’a pas le choix. Sinon, on crame ! »
Même combat du côté de Julien : « Je gère mes cuisiniers comme mes enfants. » Aussi, il veille à ce qu’ils fassent de grandes pauses et s’hydratent suffisamment. « Bref, on fait ce qu’on peut. » Ces ajustements individuels restent souvent insuffisants face à l’intensification des épisodes de chaleur alors que le thermomètre affichait déjà plus de 34 °C en début d’après-midi cette première semaine de juin.