À 70km/h, Cantaron passe inaperçu. À vive allure sur la pénétrante du Paillon, l’automobiliste file entre l’Ariane et la Pointe de Contes, s’arrête à Drap, à la rigueur, mais rate tout du petit bourg lové sur les berges du fleuve, au pied des pinèdes. « Le cadre est pourtant magnifique et nous sommes à 15 minutes de Nice », plaide Gérard Branda. Maire (sans étiquette) depuis 2018, l’ancien instituteur de 67 ans se démène pour dynamiser la commune de 1.200 habitants.
Selon vous, Cantaron gagnerait à être connue. Ça tranche avec la discrétion historique du village…
Nous ne pouvons plus rester dans l’anonymat. Dans son classement annuel, l’association des villes et villages de France a élu Cantaron troisième commune [de moins de 2.000 habitants] des Alpes Maritimes où l’on vit le mieux. Nous avons un vrai potentiel d’attractivité. Et en même temps, une tranquillité à préserver. C’est un équilibre à trouver.
Si proche de Nice et avec des habitats si dispersés, comment ne pas devenir une cité-dortoir?
Nous ne voulons plus être un village dortoir. Et ça n’est pas facile: 50% de la population vit sur un pan de colline qui ouvre sur Nice. Ces gens ne viennent jamais au vieux village où il n’y a pas de commerces, à part un bar et un foodtruck. Heureusement que certains ont des enfants, qu’ils déposent à l’école communale (où trois classes sont maintenues). Il faut aussi dire qu’avant que je sois élu, il n’y avait aucune animation. Mais depuis que nous avons remplacé le vilain parking par une vraie place centrale, nous pouvons organiser des festivités: repas dansant, pistou géant, pièces de théâtre, concours de boule, olympiades… Autant d’occasions de se retrouver et d’apprendre à se connaître.
Et face à la pression foncière, comment réagissez-vous?
Cantaron, ce sont beaucoup de vallons. Il y a peu de place pour construire et le PLU est protecteur. Je signe quasi exclusivement des permis pour des villas. Dans quelques mois, nous allons élargir le chemin de Terre d’Èze afin de désenclaver un futur quartier où devront émerger, dans les prochaines années, cinq maisons.
Après cinq ans de négociations avec la SNCF, êtes-vous enfin parvenu à acheter une partie de la gare?
On n’y croyait presque plus mais la SNCF a fini par accepter de nous vendre le grand hangar et le terrain qui jouxtent la gare. Le lieu est complètement en ruines. Il va falloir démolir puis reconstruire. Une première étude chiffre l’opération à 2 millions d’euros.
Une maison de santé doit y voir le jour?
J’espère! Mais rien n’est acté. Nous allons saisir l’Agence régionale de santé qui tranchera, selon les besoins dans la vallée. J’estime que le secteur manque de médecins spécialisés. Pour désengorger les urgences, j’aimerais aussi que ce centre soit ouvert 24 heures sur 24 pour faire de la bobologie.
C’est un projet que vous comptez porter lors d’un prochain mandat?
L’élection? Il n’y a personne au portillon, même si la commune le mérite. Pour continuer à être maire, il faut être: motivé, en bonne santé, bien entouré. Pour le moment, toutes les conditions sont réunies de mon côté. Mais ce sera la dernière fois. Dans sept ans, je serai trop vieux. Place aux jeunes. Encore faut-il qu’ils soient là… Je m’inquiète pour la succession.
Vous taclez souvent la Métropole. Mais vos voisins de Drap et Châteauneuf-Villevieille l’ont préférée à la Communauté de communes du pays des Paillons (CCPP) en 2022…
Je ne comprends pas leur réaction. Il y a plus de moyens, oui. Mais aussi plus d’impôts. Et surtout, beaucoup trop de petites communes englobées par quelques géants qui aiment tout politiser. La charte de confiance à Christian Estrosi, c’est ridicule. À la CCPP, il y a aussi des ego. Mais les onze membres sont sur un pied d’égalité.
Dans son dernier rapport, la chambre régionale de comptes épingle la CCPP sur son absence de « politique commune » et « d’opérations structurantes ». Qu’en dites-vous?
Je dis que nous avons un bon réseau de crèches et de salles de spectacle. Pour la feuille de route commune, la CCPP va implanter d’ici les prochaines années un pôle d’activités à la place de la cimenterie Lafarge, à Contes.
Le sommet de l’ONU sur l’Océan se tient à Nice jusqu’à vendredi. Vous sentez-vous concerné?
Cesser de polluer, ne pas exploiter les fonds marins, stopper la pêche industrielle… Ça coule de source. Mais nous sommes réduits à faire venir des gens de tous les pays, ça coûte une fortune, pour se dire des évidences que personne n’appliquera de toute façon derrière. Tant que la quête du profit mènera le monde, tout ça ne servira à rien.
En causant des orages toujours plus violents, le dérèglement climatique menace la vallée. Mais le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) du Paillon n’a pas été mis à jour depuis 25 ans. Cela vous inquiète-t-il?
J’espère que le lit du fleuve peut supporter une crue. Mais sans PPRI mis à jour, c’est difficile d’en avoir le cœur net. Il faudrait qu’on cure le Paillon. Le village est en première ligne.
Du tac au tac
Son coup de cœur
« Le service public n’est pas un vain mot. C’est une idée, un idéal républicain. Et le personnel communal, par son engagement, l’incarne à la perfection. Pour ça, je leur dis bravo et merci. Ma fierté va aussi aux bénévoles. Leurs associations font vivre le village. »
Son coup de gueule
« La gestion du courrier, c’est un scandale. La Poste fait n’importe quoi : retards délirants, recommandés destinés à la mairie de Drap qui atterrissent chez nous… J’ai même reçu un accusé de réception alors que ma lettre venait de m’être retournée. Dans les procédures administratives que nous menons, ces défaillances portent un grave préjudice. La Poste reste dans le déni alors qu’elle vire des gens pour faire des économies. »
Ses 3 priorités
– Dynamiser la commune : « Les festivités et la programmation culturelle au cœur du village sont le ciment du vivre ensemble. L’humain doit être au centre de notre politique. »
– Gagner en autonomie financière : « La commune dépend trop des subventions. Avec l’État qui se désengage, les baisses des dotations, ça devient très compliqué. Pour avoir un revenu propre, nous faisons des acquisitions foncières, comme le hangar de la SNCF qui sera mis à la location. »
– Avoir des projets ambitieux : « Il est plus facile de se laisser porter que de porter des projets. Cantaron ne doit pas stagner mais se développer. Le projet d’une maison médicale et la défense de la ligne de train Nice-Tende vont dans ce sens. »