Le grand spécialiste italien Gianni Papi, qui a analysé une version du Garçon pelant un fruit par radiographie, est convaincu que la toile comporte des détails inédits, prouvant son originalité.

Présentée jusqu’ici comme une simple copie d’atelier parmi d’autres, une huile sur toile (66 x 51,5 cm) du maître italien Le Caravage (1571-1610) pourrait être en réalité la plus ancienne œuvre connue de l’artiste. Acquise en 2024 lors d’une vente aux enchères en Europe du Nord par un collectionneur privé, elle a ensuite été prêtée pour analyse à Gianni Papi, l’un des plus fins connaisseurs du peintre. Après l’avoir soumis à une radiographie et à une étude par réflectographie, des détails prouveraient qu’il s’agit là de la composition originale du Garçon pelant un fruit.

Aujourd’hui, une dizaine de versions existent de ce tableau. Toutes représentent l’épluchage par un jeune homme d’une orange de Séville ou d’une bergamote verte, avec d’autres fruits éparpillés sur la table. La plus célèbre est conservée dans la collection de la famille royale britannique, laquelle ne revendique pas formellement de détenir la première mais la plus ancienne : « Il existe plusieurs belles versions, et rien ne permet de supposer qu’il n’existe qu’un seul original », est-il résumé sur le site de la Collection Royal.

Un élément absent des autres versions connues

Sur la version étudiée par Gianni Papi, qui appartient à un amateur dont l’identité n’a pas été révélée, un détail inattendu a attiré l’attention de l’expert. Sur la radiographie, entre les mains du garçon et la chemise, « on reconnaît facilement, dans l’ombre, un petit chien au museau relevé, vers le visage de l’enfant, la gueule entrouverte » , révèle l’historien de l’art au journal El Pais . Son hypothèse est la suivante : l’artiste aurait réutilisé une toile antérieurement peinte.

La version la plus connue du Garçon pelant un fruit est conservée dans la collection de la famille royale britannique.
Royal Collection Trust

Cette ombre de chien pourrait faire référence à Cornacchia. Ce canidé noir était considéré « comme indissociable de Caravage par son biographe Giovanni Baglione », souligne Gianni Papi. L’artiste aurait utilisé partiellement cette zone en la remaniant afin de produire deux petites ombres sur les plis de la chemise. « Nous comprenons maintenant pourquoi ces mêmes zones d’ombre se répètent dans les variantes et quelle est leur origine », soutient-il.

Un tableau peint à son arrivée à Rome

La date exacte de réalisation de ce tableau est floue. « Je n’exclus pas que le tableau ait été peint avant son arrivée à Rome (entre 1592 et la fin de 1595 NDLR)», explique Gianni Papi au journal El Pais . À cette époque, le peintre âgé d’une vingtaine d’années peine à joindre les deux bouts. Il copie et crée alors des toiles bon marché, ce qui rend difficile leur identification.

Il faut attendre le début du XXe siècle pour que le génie du Caravage soit pleinement reconnu, grâce à l’historien Roberto Longhi qui a été le premier à reconstituer son corpus. La réputation ensuite d’un peintre criminel a donné lieu à une multitude de romans et de films, sans compter les expositions et les innombrables publications scientifiques depuis un siècle. À Rome, le palais Barberini accueille d’ailleurs jusqu’au 6 juillet la plus importante sélection d’huiles du Caravage depuis plus d’un demi-siècle.