Prise le 20 mai 2025, cette photo montre Chen Tianming devant sa maison, considérée comme la plus étrange « maison clou » de Chine.

PEDRO PARDO / AFP

Prise le 20 mai 2025, cette photo montre Chen Tianming devant sa maison, considérée comme la plus étrange « maison clou » de Chine.

CHINE – Seul contre tous. L’histoire peut prêter à sourire, pourtant, le combat de Chen Tianming est loin d’être anecdotique. Car cet homme de 42 ans symbolise l’obstination de modestes familles chinoises face à l’appétit grandissant des promoteurs immobiliers du pays.

Digne d’une construction tout droit sortie d’un film d’Hayao Miyazaki, la maison dans laquelle résiste Chen Tianming ressemble surtout à une tour instable faite de planches de contreplaqué et de poutres tordues. Un édifice entretenu coûte que coûte par ce Chinois qui lutte pour conserver son bien alors que la majeure partie de son village a été rasée par les autorités pour y construire un projet touristique au cœur du Guizhou, une région du sud-ouest de la Chine appréciée pour ses rizières spectaculaires et ses paysages montagneux.

Pour Chen Tianming, tout a commencé lorsque les autorités locales ont souhaité faire de son village une station touristique de plus de 300 hectares, avec théâtre et lac artificiel. Sauf que les parents du quadragénaire ont refusé l’indemnisation proposée et leur fils s’est juré de les aider à protéger la maison que son grand-père avait bâtie dans les années 1980.

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Lire la Vidéo Une construction unique en son genre

Même lorsque les voisins ont déménagé et que leurs habitations ont été détruites, il est resté sur place, allant jusqu’à dormir seul dans sa maison pendant deux mois « au cas où les promoteurs viendraient la démolir pendant la nuit ». Et six mois plus tard, comme beaucoup de projets de développement mal pensés dans cette province surendettée, le plan de station touristique a été abandonné.

Après l’échec du projet, il a encore défié une série d’avis de démolition pour bâtir, étage par étage, cette demeure excentrique de dix niveaux, faite d’escaliers vacillants, de balcons et d’extensions farfelues. Et ce alors que seuls des décombres de maisons démolies subsistent autour de lui. « J’ai commencé à construire par nécessité, en essayant de rénover et agrandir notre maison », explique à l’AFP le propriétaire de cette étrange bâtisse. « Mais c’est ensuite devenu une passion, un passe-temps que j’apprécie », ajoute-t-il, alors que l’absence de permis de construire suscite la colère des autorités locales.

L’homme aura passé sept ans pour transformer le modeste bungalow en pierre de sa famille en une maison pyramidale déconcertante de dix étages.

PEDRO PARDO / AFP

L’homme aura passé sept ans pour transformer le modeste bungalow en pierre de sa famille en une maison pyramidale déconcertante de dix étages.

Il faut dire que les étages supérieurs, où il dort, tanguent au gré du vent, et des dizaines de cordes et de câbles maintiennent la maison ancrée au sol, donnant le sentiment que l’ensemble peut s’envoler à tout moment. « Les gens disent souvent que c’est dangereux, et qu’il faudrait démolir (…) mais je ne laisserai jamais personne la détruire », dit-il.

La bâtisse de Chen Tianming est désormais comparée sur les réseaux sociaux chinois aux créations fantastiques du dessinateur japonais Hayao Miyazaki.

PEDRO PARDO / AFP

La bâtisse de Chen Tianming est désormais comparée sur les réseaux sociaux chinois aux créations fantastiques du dessinateur japonais Hayao Miyazaki.

« Maison clou »

En août dernier, sa maison a même été classée comme construction illégale, avec ordre de détruire l’ensemble sous cinq jours, à l’exception du bungalow d’origine. Pas de quoi effrayer Chen Tianming qui a dépensé des dizaines de milliers de yuans pour contester ces avis en justice, malgré plusieurs défaites lors des premières audiences.

La prochaine a toutefois été reportée. « Je ne suis pas inquiet. Maintenant qu’il n’y a plus de projet de développement, ils n’ont plus de raison de démolir », affirme celui dont la maison commence ironiquement à attirer curieux et touristes, autant intrigués que fascinés par l’étrangeté de cette maison.

Mais en Chine, le combat de cet homme est loin d’être unique. D’ailleurs, ce type de maison porte un nom dans le pays : « maison clou ». Un terme désignant en chinois les habitations dont les propriétaires refusent de déménager malgré les ordres de démolition. Un phénomène qui s’est multiplié avec l’urbanisation rapide de la Chine et sans lois précises sur la propriété privée. Occasionnant la médiatisation de « maisons clous », qui font régulièrement la Une lorsqu’elles parviennent à retarder ou faire modifier d’importants projets immobiliers.