La désillusion. Au crépuscule de sa vie, voici le sentiment qui habite Don McCullin. En remontant le fil de ses 40 ans de photographies de guerre qui s’affichent, depuis le 1er juin, en grand format, au festival de La Gacilly (56), Don McCullin ne peut s’empêcher de s’interroger et de faire un parallèle avec l’état du monde actuel. « Quand je vois la tragédie en ce moment à Gaza… Mais dans quel monde vivons-nous ? »
Pendant quatre décennies, le photographe britannique a parcouru le globe avec ses appareils reflex Nikon pour couvrir les principaux conflits de la seconde moitié du XXe siècle. Chypre, Vietnam, Moyen-Orient, Congo, Irak… Don McCullin était partout là où les hommes se déchiraient, s’entretuaient, mouraient de faim… Ses photos ont été publiées dans la presse internationale et maintes fois récompensées par des prix prestigieux comme le World Press Photo.
Je n’ai jamais choisi la photographie. Je pense que c’est la photographie qui m’a choisi
« Mes photos n’ont rien changé »
« À l’époque, je pensais que mes photos pouvaient faire changer les choses mais ça a été une perte de temps, car cela n’a rien changé, raconte aujourd’hui, avec beaucoup d’amertume et de colère, l’homme bientôt âgé de 90 ans. Il y a une guerre chaque année. De plus en plus de gens meurent, de plus en plus de gens souffrent. Cela n’a aucun sens idéologique, c’est déroutant. »
Ici à droite, sa célèbre photo prise à Chypre en 1964 qui lui a valu un World Press Photo. (Photo Lionel Le Saux)
En arpentant son exposition rétrospective en plein air à La Gacilly, Don McCullin ne s’attarde pas longtemps sur ses photos mythiques de conflits qui lui ont valu sa grande réputation. Comme celle du marine américain en état de choc au sud Vietnam, en 1968, ou encore celle de la femme turque pleurant la mort de son mari, à Chypre, en 1964.
Le reporter anglais se plaît plutôt à commenter ses premiers clichés pris à Londres, dans les années 1950, dans le quartier populaire de Finsbury Park, où il a grandi. Sur une photo, une petite fille pauvre sourit devant l’objectif en poussant une brouette pleine de linges au milieu de carcasses de voitures. « C’était un matin, avant qu’elle aille à l’école. J’étais au bon endroit, au bon moment », se remémore le photographe, qui s’intéresse très tôt aux populations défavorisées.
Depuis les années 1990, Don McCullin photographie surtout des paysages, des sculptures antiques et des natures mortes. (Photo Lionel Le Saux)Autodidacte, il apprend sur le terrain
Sa carrière débute « un peu par accident. » En 1959, une de ses photos du gang « The Guvnors » est publiée par The Observer après le meurtre d’un policier. « Je n’ai jamais choisi la photographie. Je pense que c’est la photographie qui m’a choisi. ». Il compose de manière instinctive, presque innée. Sans connaissance particulière dans le domaine. L’homme apprend le métier, seul, sur le terrain.
La suite, c’est donc cette carrière légendaire passée à risquer sa vie pour informer le monde sur des atrocités commises aux quatre coins de la planète. Don McCullin revient plusieurs fois grièvement blessé. Et sa vie personnelle en pâtit. « Sur le plan familial, j’ai dû payer un prix énorme à cause de mes absences. J’ai eu trois femmes différentes et cinq enfants », reconnaît le photojournaliste.
Jean-François Leroy, directeur du festival de photojournalisme Visa pour l’image, de Perpignan, était le premier à venir saluer Don McCullin, samedi 7 juin, à sa séance de dédicaces organisée à La Gacilly. (Photo Lionel Le Saux)Se tourne vers la photographie de paysage
À partir des années 1990, l’homme aspire à plus de calme. Fini la douleur et les souffrances. Don McCullin se consacre alors surtout à la photographie de paysage. Toujours en noir et blanc. Cette partie de son travail est également présentée à La Gacilly, dans un second espace dédié.
« J’ai finalement découvert la paix, ce qui est bien plus beau et bien plus important, commente le Britannique devant ses photos. J’utilise ma créativité. Cela m’apporte plus de bonheur. » Don McCullin photographie la campagne anglaise près de chez lui, dans le Somerset. Il s’intéresse aussi aux sites archéologiques. Il revient tout juste d’un dernier reportage pour le Times sur les vestiges de Palmyre, en Syrie, détruits par l’État islamique en 2015. Une autre façon de montrer la guerre et son absurdité.
Pratique
Festival photo de La Gacilly (56). Thème « So British ». Jusqu’au 5 octobre. Gratuit.