Les condamnations se multiplient quelques heures après l’interception de l’armée israélienne du navire humanitaire Madleen, qui tentait de rallier Gaza avec 12 militants à son bord, dont l’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan et l’activiste suédoise du climat Greta Thunberg.

Le yacht battant pavillon britannique et géré par l’organisation pro-palestinienne Freedom Flotilla Coalition (FFC), avait pour objectif de livrer une quantité symbolique d’aide aux Gazaouis et de sensibiliser la communauté internationale à la crise humanitaire qui y sévit.

Le groupe qui a appareillé le voilier, affirme que l’arraisonnement a été effectué dans les eaux internationales et dénonce à ce titre une violation des lois maritimes.

Le navire a été escorté vers le port d’Ashdod par les autorités israéliennes, et l’État hébreu a demandé aux 12 passagers de « retourner dans leurs pays ». »

« La France est vigilante et aux côtés de tous ses ressortissants »

Paris a immédiatement appelé à un retour rapide des six passagers français du navire.

« Le président de la République a demandé de permettre, dans les plus brefs délais, le retour en France de nos six ressortissants français dont le bateau a été intercepté au large de la bande de Gaza par les autorités israéliennes », a déclaré lundi l’Élysée dans un communiqué.

Dans la soirée de lundi, en marge de la conférence de l’ONU sur les océans qui s’est ouverte à Nice, Emmanuel Macron a déclaré que la France était « vigilante » et « aux côtés de tous ses ressortissants qui sont en danger », ajoutant que Paris a passé « tous les messages » pour que la protection des activistes français arrêtés soit « assurée ».

Le président de la République a également réitéré ses critiques à l’égard du gouvernement israélien :

La France appelle à un cessez-le-feu au plus vite et à la levée du blocus humanitaire, le scandale, l’inacceptable qui se joue à Gaza, c’est cela. Et c’est ce qui, depuis début mars, est une honte.

Plus tôt, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a par ailleurs demandé à Israël d’accorder une protection consulaire aux passagers pour assurer leur sécurité.

« Notre consulat a demandé à pouvoir leur rendre visite dès lors qu’ils auront rejoint le port d’Ashdod, en vue de s’assurer de leur situation et de faciliter leur retour rapide en France », a-t-il indiqué. Le quai d’Orsay avait « alerté » les participants français à l’opération des risques qu’ils encouraient en tentant de se rendre à Gaza, a également indiqué le chef de la diplomatie française.

Peu après l’interception du Madleen, les autorités israéliennes ont publié une vidéo montrant les passagers du navire recevant de l’eau et de la nourriture, et assuré qu’ils étaient « tous sains et saufs ».

« Le spectacle est terminé », ajoute le ministère israélien des Affaires étrangères, qui dénonce une opération de « provocation médiatique » à des fins de « publicité ».

La Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a déclaré à Euronews être « en contact permanent » avec Israël au sujet de Rima Hassan.

Dans le même temps, les autorités espagnoles ont convoqué lundi le chargé d’affaires d’Israël à Madrid, Dan Poraz. Un activiste et mécanicien naval espagnol, Sergio Toribio, se trouvait à bord du Madleen lors de son interception.

Au cœur de l’opération controversée, une eurodéputée française

L’engagement farouche de l’eurodéputée Rima Hassan en faveur de Gaza l’a souvent placée au centre de controverses en France.

En février, la juriste et eurodéputée, née en 1992 dans un camp de réfugiés en Syrie, avait suscité un tollé en estimant que le Hamas menait « une action légitime du point de vue du droit international ».

« La question du droit international, c’est une boussole, tout le monde doit se tenir à cette boussole : la légitimité de la lutte armée dans un contexte de colonisation, elle est extrêmement claire, et c’est ma position », avait-elle déclaré au micro de Sud Radio.

Un signalement au parquet pour « apologie du terrorisme » avait été fait par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Les figures de l’extrême droite, telles que Marion Maréchal ou le député RN Jean-Philippe Tanguy avaient même demandé la déchéance de nationalité de Rima Hassan.

« C’est impossible, je suis née apatride », a rappelé l’intéressée sur X.

L’élue LFI avait toutefois qualifié de « crimes de guerre » les exactions commises par le mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023, qui ont coûté la vie à plus de 1 200 personnes, en grande majorité des civils.

Au Parlement européen, elle avait auparavant voté contre une résolution demandant la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis novembre.

Selon Rima Hassan, l’affaire avait été « instrumentalisée » par la droite française dans le contexte d’un bras de fer entre Bruno Retailleau et Alger sur fond de différends migratoires.

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La France Insoumise, dont Rima Hassan est membre, dénonce « l’arrestation illégale de 12 humanitaires et activistes pacifistes », reprenant les accusations de la FFC, selon lesquelles l’interception aurait été effectuée dans les eaux internationales.

La cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, juge, par ailleurs, insuffisante la réponse officielle de la France.

Le parti de gauche radicale exhorte par ailleurs la communauté internationale à « condamner fermement » cette arrestation et appelle ses sympathisants à participer à un rassemblement à 18 heures lundi, sur la Place de la République à Paris. Des manifestations se sont également tenues dans d’autres villes.

Dénonçant un « mépris du droit humanitaire », la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier, appelle également « la France, l’Europe, l’ONU et toutes celles et ceux que cela choque [à] monter au créneau pour s’assurer de la sécurité des membres de l’équipage ».

« Qu’un État dirigé par un homme recherché par la CPI se permette d’arrêter 6 ressortissants français dont une députée européenne, un médecin, un journaliste et un humanitaire en dit beaucoup sur le monde dans lequel nous vivons », ajoute-t-elle.

Enfin, le Parti socialiste, par l’intermédiaire de sa Première secrétaire déléguée Johanna Rolland, dénonce « une nouvelle violation du droit international de la part du gouvernement israélien ».

« Les gouvernements ne peuvent garder le silence. La communauté internationale ne peut détourner plus longtemps le regard. Le blocus de l’aide humanitaire doit cesser ! », poursuit-elle.