L’arrêt de la guerre en Ukraine ne semble plus être une priorité pour Donald Trump. Le président américain avait pourtant promis de faire la paix en 24 heures avant de fixer un délai de 100 jours à son émissaire, tombé en disgrâce car jugé trop proche des Ukrainiens. Le dialogue entre les États-Unis et la Russie a repris ce jeudi à Istanbul en Turquie, mais l’Ukraine n’était même pas à l’ordre du jour.
Avant l’appel téléphonique du 18 mars dernier entre Donald Trump et Vladimir Poutine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait donné son accord de principe à un projet de cessez-le-feu de 30 jours. Le président russe s’y était opposé et avait négocié à la place une trêve réduite aux infrastructures énergétiques qui est restée lettre morte.
La trêve en mer Noire annoncée par la suite n’est pas non plus respectée. La Russie a posé des conditions qui bloquent sa mise en œuvre, comme la levée des sanctions contre une banque publique russe.
Amateurisme et prisme économique
Vladimir Poutine veut gagner du temps, tout en poussant Donald Trump à faire des concessions. Le président russe exploite habilement la vision du monde du milliardaire, dominée par un prisme économique et une forme d’amateurisme.
Dimitri Minic, chercheur au centre Russie-Eurasie de l’Ifri (Institut français de recherches internationales), avait vu juste : « Vladimir Poutine n’est pas si pressé. Soit Donald Trump aide le Kremlin à atteindre ses objectifs maximalistes, soit les négociations échoueront. La Russie, convaincue de pouvoir l’emporter sur le champ de bataille, continuera cette guerre », écrivait-il en février dernier en dénonçant un stratagème pour affaiblir l’Ukraine et salir l’image de l’Occident.
La Russie pose ses exigences avant d’accepter de nouvelles négociations. L’Ukraine doit abandonner l’idée d’adhérer à l’Otan, sans renoncer toutefois à l’Union européenne (UE). Vladimir Poutine veut chasser Volodymyr Zelensky du pouvoir et refuse de signer un traité de paix avec le président ukrainien dont le mandat a été prolongé après le report de l’élection de 2024.
Une paix déstabilisatrice pour le régime russe
Donald Trump a lui aussi un contentieux avec Volodymyr Zelensky, qui explique en partie l’altercation entre les deux hommes à la Maison Blanche. Pendant son premier mandat, le président américain avait fait pression en vain sur son homologue pour qu’il enquête sur les activités en Ukraine du fils de Joe Biden, son adversaire démocrate. Accusé d’abus de pouvoir, Donald Trump avait été visé par une procédure d’ »impeachment » en vue de sa destitution qui n’a pas abouti.
Plusieurs experts estiment que Vladimir Poutine n’a pas intérêt à arrêter le conflit alors que la croissance de l’économie russe est portée par l’effort de guerre. Le retour à une économie classique serait douloureux. « La Russie est aussi dans une situation politique interne qui la pousserait plutôt à éviter des scénarios de paix durable, paradoxalement plus déstabilisateurs que la guerre », commente la politologue Anna Colin Lebedev.