Merci Monsieur le secrétaire général des Nations unies,
Monsieur le président de la République du Costa Rica, cher ami,
Altesse,
Mesdames et Messieurs les chefs d’État et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les dirigeants d’organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le maire de Nice,
Monsieur le président de région, merci de l’accueil qui nous est fait,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités.
Le nom de Nice vient de « victoire », « Niké » en grec. Et dans ce port fondé par des marins phocéens au bord de la Méditerranée, c’est aujourd’hui une victoire que nous célébrons en quelque sorte, une victoire pour nos océans. D’abord victoire que nous soyons tous là, réunis pour cette troisième conférence des Nations unies sur l’océan à Nice que nous coorganisons avec le Costa Rica, prenant le relais de nos amis portugais. Victoire sur l’inertie et l’indifférence aussi, sur la dégradation de notre environnement, sur la tendance au désengagement international. Mais victoire fragile, car elle requiert des actions rapides et elle ne suppose aucun recul. Et cette mobilisation, oui, par elle-même, est une victoire parce que nous connaissons les enjeux qui sont les nôtres. Et je veux ici les rappeler très brièvement.
En 2024, le seuil des +1,5 degré par rapport aux températures préindustrielles a été dépassé. Les écosystèmes sont menacés, les récifs coralliens blanchissent à une vitesse jamais observée jusqu’alors, le vivier de poisson n’a jamais été aussi faible, les ouragans et les cyclones sont plus intenses et tant de nos territoires, je pense à Mayotte ou à La Réunion, ont payé un lourd tribut en 2024. Et si la Terre se réchauffe, l’océan, quant à lui, est en ébullition. Nos scientifiques nous disent des faits que nous n’aurions pu imaginer, des canicules au sein même de nos océans. Et comme la mer monte, en plus du feu, c’est la submersion qui nous guette.
C’est pourquoi cette mobilisation est une nécessité. Aujourd’hui, à Nice, nous avons plus de 120 pays, plus de 50 chefs d’État et de gouvernement, plus de 30 chefs d’Organisation internationale qui ont fait le déplacement, et ça vient d’être évoqué, 100 000 personnes qui participeront à cette conférence, avec des milliers d’événements partout organisés. C’est inédit pour nos océans. C’était essentiel, car l’océan nous relie tous au sein d’un seul et même écosystème qui lie aussi climat et biodiversité. Les émissions de gaz à effet de serre ici touchent les calottes glaciaires aux pôles, qui, en fondant, provoquent en retour une hausse du niveau des mers qui touchent alors les 3 milliards d’êtres humains vivant sur toutes les zones côtières de la planète. Les plastiques jetés à terre se retrouvent au gré des courants, au milieu du Pacifique et au fond des canyons de la Méditerranée, et polluent toute notre chaîne alimentaire. Et les premières victimes sont les États côtiers, les États insulaires et toutes les petites îles. Nous avons tant de nos amis qui sont ici présents et qui dirigent ces États ou ces collectivités. C’est aussi le continent africain présent ici en masse qui voit déjà son trait de côte reculer alors même que nos mers sont source d’activités économiques, d’alimentation durable, et ne l’oublions pas, elles sont notre premier allié contre le changement climatique. Car nos océans capturent un quart du carbone que nous émettons et capturent une bonne partie de la chaleur que nous libérons. C’est un grand régulateur des climats. Notre mobilisation est donc indispensable. Et elle l’est avec la perspective, dans quelques mois, de la COP30 de Belém, Monsieur le Président, cher Lula, au cœur de cet autre fabuleux puits de carbone qu’est la forêt amazonienne.
L’océan, berceau de l’humanité, berceau de notre civilisation au bord de cette Méditerranée chérie, c’est aussi le cœur de notre combat climatique, celui pour l’eau, l’alimentation, l’environnement, le climat, la biodiversité. Et ces combats sont inséparables et c’est celui que nous menons. C’est pourquoi cette conférence, à mes yeux, a un premier objectif, et grâce à votre mobilisation, tous et toutes, nous l’avons atteint, c’est de rappeler la nécessité d’engager la communauté internationale dans toutes ses composantes. Pour réussir la bataille pour les océans, il nous faut redonner de la force au multilatéralisme, derrière le secrétaire général des Nations unies, et bien considérer que la seule manière de répondre à ce défi, c’est de mobiliser tous les acteurs, les chefs d’État et de gouvernement qui vont ici parler, mais également les scientifiques qui se sont mobilisés, et je veux les en remercier. Il n’y aura pas de bataille pour nos océans si elle n’est pas d’abord fondée sur une science libre, ouverte, partenariale. Le climat comme la biodiversité, ce n’est pas une question d’opinion, c’est une question de faits scientifiquement établis.
C’est pourquoi il nous faut défendre nos chercheurs, leur permettre d’avancer, de chercher de manière libre et d’établir ce qui est le cœur de notre action. Et l’UNOC 3 sera l’occasion d’adopter de nouveaux outils, de nouvelles initiatives à l’appui du plan d’action de Nice. Mais c’est ce qui permettra aussi de transformer en organisation internationale, justement, Mercator Océan dont nous avions célébré la première ébauche en 2022 et qui élaborera un jumeau numérique de l’océan, c’est-à-dire une plateforme en ligne donnant accès à une représentation virtuelle de l’océan basée sur les dernières connaissances scientifiques de pointe. L’IPOS, interface entre scientifique et politique, permettra aux États de recevoir l’appui technique nécessaire pour mettre en place des politiques publiques adaptées aux contextes locaux. Le baromètre Starfish, tous les 8 juin chaque année, nous fournira l’état de santé de l’océan. L’Alliance Space4Ocean renforcera la collaboration internationale en connectant le secteur spatial aux communautés océanographiques et mettra les données spatiales au service de la protection océanique. Et pour aller plus loin dans l’exploration, la surveillance, l’analyse, nous lancerons aussi une nouvelle mission océanique spatiale nommée Corsair. Et puis, avec tous les acteurs mondiaux de la recherche océanographique et spatiale, publics comme privés, avec la détermination de l’Union européenne, nous allons lancer la plus grande des missions d’exploration globale de l’océan dès 2026, la mission Neptune. Et plutôt que de se précipiter sur Mars, faisons déjà en sorte de connaître notre ultime frontière et notre meilleur ami, l’océan. Ce sera ça, Neptune.
Mobiliser la science donc, et nous baser sur celle-ci, mobiliser tous les acteurs locaux, et de manière inédite, 300 élus, maires et gouverneurs des 5 continents ont créé, sous l’impulsion de Christian Estrosi que je remercie, la première coalition des villes et régions pour lutter contre les effets du changement climatique et de l’élévation du niveau des mers. Cette coalition d’acteurs locaux, co-présidée avec la maire de la Nouvelle-Orléans, avec laquelle vous avez présenté vos travaux, c’est aussi la mobilisation de tous les acteurs locaux à travers le monde, de toutes celles et ceux qui sont touchés au premier plan par les effets déjà du changement, mais ceux aussi qui permettent de construire sur le terrain les solutions pour éviter, réduire, compenser, adapter sur le terrain les mauvais comportements, les émissions et permettre de répondre à nos défis. C’est aussi la mobilisation de la communauté économique, et je remercie Monaco pour l’organisation du Blue Economy & Finance Forum qui a permis de mettre 200 initiatives en place, des facilités financières avec une pluralité d’acteurs et qui va nous permettre de mobiliser, justement, le monde économique et la finance. Et c’est également la mobilisation de la jeunesse, de nos organisations non gouvernementales qui, à l’occasion de ce sommet et de cette Conférence des Nations unies, nous ont soumis leurs propositions, se sont mobilisés, mais surtout veulent agir au quotidien à nos côtés.
La première réponse, c’est donc le multilatéralisme, la mobilisation de tous et de tous les acteurs. Le deuxième élément, c’est la protection de la majeure partie de nos océans et de la planète. Imaginez, jusqu’à il y a deux ans à peine, la moitié de la planète, les deux tiers de nos océans, vivaient sans véritables règles internationales. Pendant plus d’une décennie, nous nous sommes battus et la Communauté internationale était bloquée pour pouvoir obtenir sur la haute mer enfin une régulation. C’est ce qui a été signé il y a quelques mois avec le traité qui, en anglais, se dit Biodiversity Beyond National Jurisdiction, BBNJ donc, qui régule la haute mer. Ce traité a été signé. Nous nous sommes fortement mobilisés. Et je peux vous dire à cet instant qu’à la cinquantaine de ratifications déjà déposées, ici même ces dernières heures, 15 pays se sont formellement engagés à les rejoindre, ce qui fait que l’accord politique est obtenu, qui nous permet de dire que ce traité sur la haute mer sera bien mis en œuvre. C’est donc gagné. Il aura fallu 12 ans en 1982 pour faire de même avec la Convention du droit de la mer. En deux ans, par cette mobilisation collective, nous aurons réussi à faire appliquer enfin ce traité qui simplement donne des règles, va permettre de lutter efficacement contre la pêche illégale, va permettre de protéger nos océans dans les deux tiers du globe, dans les deux tiers, pardon, de ces océans et la moitié de la planète.
La troisième bataille, c’est la protection des grands fonds marins. Nous sommes 33 États à avoir créé une coalition pour promouvoir un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins. Et je le dis ici à tous, c’est une nécessité. Et pourquoi ? Je ne suis pas du tout contre l’activité économique, bien au contraire. Mais je pense que c’est une folie de lancer de l’action économique prédatrice qui va bousculer des grands fonds marins, qui bouscule la biodiversité, qui la détruit, qui libère des puits de carbone irrécupérables, quand nous n’y connaissons rien ! C’est de l’obscurantisme que de faire de l’exploitation avant d’avoir commencé l’exploration. Et donc, le moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins est une nécessité internationale.
Lançons des grandes missions d’exploration, connaissons, mettons la science en avant, mais n’exploitons pas ces grands fonds marins ! Protégeons nos écosystèmes parce que nous ne savons pas ce qui peut s’en suivre, parce que vous avez là des réserves de carbone essentielles, parce que vous avez là des espèces que personne ne connaît encore. Ce combat est vital pour nous tous. Et je le dis ici avec force, les abysses ne sont pas à vendre, pas plus que le Groenland n’est à prendre, pas plus que l’Antarctique ou la haute mer ne sont à vendre, pas plus que les licences de pêche des pays en développement ne sont à donner, pas plus que les données scientifiques ou la sécurité des populations littorales ne sont à sacrifier. Nous parlons d’un bien commun. Nous parlons d’une œuvre qui nous engage tous, alors allons-y.
L’autre combat, c’est la protection de 30 % de nos terres et de nos mers. C’est le combat que nous avons livré, qui a été fixé dans le cadre global lors de Kunming, Montréal pour 2030. Cet objectif, nous l’avons porté ensemble avec Rodrigo dès janvier 2021, par la coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples. Il réunit aujourd’hui plus de 120 membres et il s’est imposé lors de cette COP à Kunming, Montréal. À ce jour, juste avant cette conférence, nous étions à 8 % des mers protégées, selon les derniers décomptes. Cette semaine va permettre, et j’attends les annonces tout au long des prises de parole, d’augmenter ces aires marines protégées à travers la planète, mais on ne peut pas rester à ces 8 % ; objectif 30 % en 2030. La France, deuxième zone économique exclusive du monde, y prendra toute sa part. Plus de 30 % de notre zone économique exclusive est d’ores et déjà protégée. Nous en sommes fiers, mais nous allons plus loin. La Polynésie française vient de réaliser une première grande annonce : plus de 4 millions de kilomètres carrés nouveaux sont désormais protégés, dont 900 000 kilomètres carrés en protection forte. Et nous allons faire plus dans le dialogue et la concertation en travaillant à renforcer des actions de protection avec certains de nos grands voisins dans nos territoires d’Outre-mer.
Mais parce que certains scientifiques nous disent aussi que c’est encore insuffisant, nous allons renforcer significativement le niveau de protection d’une partie de ces aires. À travers un plan pour la protection des fonds marins, et la carte sera donnée lors de cette conférence très précisément, nous allons désormais classer les écosystèmes les plus sensibles, comme les posidonies, les canyons, en protection forte. Les activités humaines seront donc davantage encadrées et certaines interdites. Les techniques de pêche, comme le chalut de fond, mais aussi toutes les activités minières, seront, dans ces zones qui ont été cartographiées sur une base scientifique, concertées avec nos pêcheurs, ces zones seront données, ce qui nous permettra de faire plus que doubler le niveau de notre protection forte dans notre zone économique exclusive.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques convictions que je voulais partager avec vous. Tout ça, ce sont des combats que nous continuerons à mener. Nous devons aussi continuer de nous mobiliser sur la question du plastique ; 8 millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année en mer. Les discussions sont essentielles. Nous aurons ici une déclaration mondiale, une mobilisation qui permettra, je l’espère, de mobiliser tous et toutes pour la prochaine réunion et nous essaierons de nous mobiliser au sein, tout particulièrement, de la Méditerranée. Mais la bataille pour limiter le plastique, combattre le plastique sur terre et en mer est essentielle. Nous allons, lors de cette conférence aussi, accélérer la décarbonation du transport maritime. Des initiatives essentielles ont été prises pour le ralentir, pour favoriser le transport à voile, pour favoriser de nouveaux carburants. Et je veux saluer l’accord historique de l’Organisation maritime internationale, obtenu il y a quelques mois, qui est une véritable révolution et qui va permettre de transformer le transport maritime international.
Au-delà de celui-ci, nous continuerons le combat pour électrifier nos ports, qui est un combat essentiel, car c’est 10 % à 20 % de nos émissions. Et puis, nous devons continuer la lutte contre la pêche illégale. Un poisson sur 5 consommés dans le monde provient d’une pêche illicite qui est un pillage, une piraterie qui abîme notre biodiversité. Et là-dessus, je veux saluer la mobilisation de l’Organisation mondiale du commerce qui a obtenu des accords essentiels. Il faut les ratifier pour lutter contre les subventions à la pêche illicite et à la FAO pour renforcer les contrôles. Ensemble, la FAO et l’OMC ont mis en place un cadre que nous devons tous soutenir et ratifier. C’est le seul moyen de créer de la transparence, de lutter contre les subventions illicites à cette pêche, et donc, d’éradiquer la pêche illégale partout sur la planète. Ceci est essentiel, pourquoi ? Abderrahmane Sissako l’a dit tout à l’heure. Parce que cette pêche se fait dans les États les plus pauvres ! Elle se fait dans les mers des États qui n’ont pas les moyens de les protéger. Et donc, c’est un double pillage. C’est un pillage sur notre biodiversité, mais c’est un pillage des ressources halieutiques de ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre. Et donc, c’est encore une fois une injustice au carré.
Voilà, mes chers amis, ce que je voulais vous dire en ouverture de cette conférence. Je le dis, et pardonnez-moi avec passion, parce que ce combat pour les océans est au fond, au cœur de tous les combats que nous menons depuis des années pour notre biodiversité, contre le réchauffement climatique et les dérèglements et ce qui s’ensuit, et pour améliorer notre environnement et la santé, de nous-mêmes et de la planète. Et donc, sur chacun de ces axes, nous devons nous battre. Et je compte sur vous.
Je commençais mon propos en disant que Nice, c’était la victoire. C’est la victoire d’être là et mobilisés. Mais c’est surtout aujourd’hui, vous l’avez compris, le combat. Je compte sur chacune et chacun d’entre vous pendant ces 5 jours pour que notre humanité progresse, pour avoir le plan d’action pour les océans le plus ambitieux possible à Nice, pour qu’ensemble, avec mon ami président du Costa Rica, nous ayons les meilleurs résultats possibles et que nous arrivions sur chacun de ces axes à faire avancer ensemble notre planète.
Je vous remercie pour votre attention et votre mobilisation. Et maintenant, j’ai le plaisir et le bonheur d’inviter son excellence Monsieur le Président Chavez à faire son discours.