Depuis l’irruption de #MeToo, elle guettait fébrilement le moment où l’onde de choc allait enfin secouer l’entreprise et dénouer les langues. Après l’avalanche de témoignages recueillis auprès d’hôtesses de l’air victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) par la cellule investigation de Radio France il y a quatre mois, Alice*, cheffe de cabine à Air France, pensait enfin venue l’heure de cette prise de conscience collective.

Le voile levé sur l’ampleur des cas de VSS au sein de la compagnie aérienne, les propos dégradants ciblant les salariées, leur normalisation et le sentiment d’impunité des agresseurs – autant de faits pointés par un rapport d’audit daté de septembre 2024 et sur lesquels l’inspection du travail se penche actuellement – ne pouvaient à ses yeux manquer de provoquer un sursaut. Ce fut la douche froide pour celle qui, en trente ans de carrière, n’a jamais pu s’accommoder du climat sexiste omniprésent dans son quotidien professionnel.

Un chef de cabine qui colle à plusieurs reprises son sexe dans le dos d’une hôtesse en plein vol, la harcèle en escale, mais échappe aux sanctions de la direction ; steward qui empoigne la poitrine d’une autre dans une chambre d’hôtel sous les ricanements du pilote… les témoignages sont édifiants. Et pourtant. « Quand les révélations sont sorties, c’était : ”Circulez, il n’y a rien à voir.” Un collègue a carrément nié le problème quand j’ai abordé le sujet. En fait, il s’en fichait. Ce n’était pas son affaire. La plupart des gens ici n’arrivent toujours pas à mettre de mots sur ce qui se passe », analyse Alice.

« On ne peut plus rigoler »

« On ne peut plus…