14,2 milliards de livres (environ 16,8 milliards d’euros) : c’est la colossale somme que le gouvernement britannique a annoncé ce mardi investir dans le projet de centrale nucléaire Sizewell C. Situé dans le Suffolk, dans la partie est du Royaume-Uni, ce projet est porté par l’énergéticien français EDF. Il doit être constitué de deux réacteurs EPR, d’une puissance de 1,6 gigawatt (GW) chacun, qui ne devraient pas commencer leur production d’électricité avant 2035.
Ce montant vient s’ajouter aux milliards déjà promis par l’exécutif britannique pour ce projet. Mais selon le Financial Times, il comprend en réalité 2,7 milliards de livres (3,2 milliards d’euros) précédemment prévus dans le budget présenté en automne dernier. Le quotidien britannique estime à 17,8 milliards de livres (21 milliards d’euros) le total investi par le gouvernement dans Sizewell C, sur un budget global chiffré entre 20 et 30 milliards de livres (24 à 35 milliards d’euros) — voire davantage d’après certaines estimations, contestées par l’exécutif.
Aucune somme n’a toutefois encore été débloquée. Le gouvernement a précisé n’avoir pas encore pris sa « décision finale d’investissement ». Celle-ci est a priori attendue pour le début du mois de juillet, selon la presse britannique, à l’occasion d’un sommet entre Paris et Londres. Cet engagement fait d’ailleurs partie des annonces budgétaires de la ministre des Finances Rachel Reeves, qui doit détailler mercredi ses priorités de dépenses et d’investissements pour les années qui viennent, défense et santé en tête.
Haro sur le nucléaire
Pour rappel, le précédent gouvernement conservateur a donné son feu vert en juillet 2022 au projet Sizewell C, dont il est aujourd’hui l’actionnaire majoritaire. Car, à la suite de l’invasion russe en Ukraine en février de cette année-là, décision a été prise de remettre l’accent sur le développement de l’atome, au nom de la sécurité énergétique du pays.
Cette stratégie a depuis été reprise par l’exécutif travailliste, en poste depuis l’été dernier, qui a dit vouloir mettre en œuvre « le plus grand programme de construction nucléaire depuis une génération ». Le Royaume-Uni estime avoir « besoin de nouvelles installations nucléaires », pour baisser les prix de l’électricité, assurer la sécurité énergétique et « lutter contre la crise climatique », a insisté ce mardi le ministre de l’Energie Ed Miliband.
L’objectif fixé par le gouvernement est de produire jusqu’à 24 GW d’énergie nucléaire d’ici 2050, soit environ 25 % de la demande d’électricité prévue pour cette même période. Dévoilé en 2022, il a été reconfirmé en janvier dernier — dans la feuille de route « Civil Nuclear Roadmap to 2050 » — avec un déploiement continu de 3 à 7 GW tous les 5 ans à partir de 2030.
Un parc à étoffer
Pour y parvenir, de nouvelles centrales sont indispensables. Car le parc actuel de cinq centrales en activité, toutes exploitées par EDF depuis 2009, s’avère vieillissant. Deux d’entre elles doivent d’ailleurs normalement cesser de fonctionner en 2027, et deux autres en 2030 — sauf si des prolongations leur seront d’ici là accordées.
Outre Sizewell C en phase de développement, un autre projet de centrale est, lui, déjà en construction. Hinkley Point C, dans le sud-ouest du Royaume-Uni, doit voir le premier de ses deux réacteurs entrer en phase opérationnelle en 2027.
Le gouvernement veut en parallèle miser sur les petits réacteurs nucléaires (dits « SMR » pour « small modular reactor » en anglais). Moins chers et donc plus faciles à financer que des centrales classiques, ils sont cependant encore loin d’être au point. L’exécutif a dévoilé ce mardi avoir choisi le groupe industriel britannique Rolls-Royce pour les fabriquer et s’est engagé à consacrer plus de 2,5 milliards de livres (3 milliards d’euros) à ce programme.
L’atome en attente de son second souffle
Le nucléaire a représenté 13,8 % dans la production d’électricité du Royaume-Uni en 2023, d’après les dernières données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). En attendant l’augmentation souhaitée par le gouvernement, cette part n’a cessé de baisser depuis 2016. Les centrales britanniques ont en effet produit 40,6 GWh d’électricité en 2023, contre 71,2 GWh sept ans plus tôt. Et le niveau était encore bien plus élevé en l’an 2000 (85 GWh).
La production d’électricité à partir de toutes les énergies renouvelables réunies représente à ce jour la plus grande part du total du pays (42 % en 2022), devant le gaz naturel (34,8 %). Elles ont vu leur production tripler en une décennie, particulièrement tirées par l’éolien (79,5 % du total des renouvelables), devant le solaire (13,4 %) et l’hydraulique (7,1 %).
Le charbon a, en revanche, quasiment disparu du mix électrique du Royaume-Uni, après avoir longtemps été la principale source de production. Il représentait encore 40 % en 2012 contre 2,2 % dix ans plus tard. Le pays a progressivement fermé ses centrales électriques au charbon en raison de leur impact sur l’environnement. La dernière a cessé de fonctionner en septembre 2024, sonnant ainsi le glas de ce combustible dans la production électrique du pays.
Ce changement de stratégie s’inscrit dans l’ambition affichée depuis 2019 par le gouvernement britannique : atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. « Le Royaume-Uni a été l’une des premières grandes économies à se doter d’un [tel] objectif », souligne l’AIE.
Selon l’organisme, le pays a investi près de 200 milliards de livres sterling (236,3 milliards d’euros) dans les secteurs de l’énergie bas carbone depuis 2010. « D’ici la fin des années 2020 et les années 2030, 50 à 60 milliards de livres sterling [59 à 71 milliards d’euros] supplémentaires d’investissements en capital seront nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs de zéro émission nette et de sécurité énergétique », ajoute-t-il. Reste à voir si les budgets suivront.