À vue de nez, derrière un écran a fortiori, rien ne semble les différencier. Chemises courtes aux tons acidulés, découpées et agrémentées d’un nœud dans le dos : Pauline Moisson elle-même s’y serait presque trompée si ledit nœud avait été mieux fait sur cette photographie repérée sur le réseau social de partage d’images Pinterest. Un clic plus tard, elle retrouve sa création sur le site Shein, à un prix près de six fois inférieur. « Je suis tombée de mille étages », retrace la Strasbourgeoise établie à Lyon depuis près de trois ans. Pour la créatrice et cheffe d’entreprise de 23 ans, le choc est d’autant plus grand que derrière une apparente similitude, tout oppose les deux versions de cette “blouse romantique”.

« À l’opposé des valeurs que je défends »

D’un côté, il y a la démarche éthique de la marque Ambitieuse Upcycling créée par Pauline Moisson – dont les premiers jalons avaient été posés à Strasbourg dans la foulée du premier confinement – : sélectionner scrupuleusement des vêtements existants pour leur donner une seconde vie en les transformant selon un schéma propre dans un atelier d’insertion de Villeurbanne. De l’autre, celle du géant de la mode ultra-éphémère Shein avec ses milliers de références produites à bas coût en Chine et son impact environnemental et social déplorable. « C’est vraiment à l’opposé des valeurs que je défends », regrette Pauline Moisson. « Notre impact carbone s’approche de zéro, il se limite à l’énergie utilisée pour faire marcher la machine à coudre et à la livraison », plaide-t-elle.

Le message qu’elle a adressé au site de vente en ligne est resté sans réponse. Mais son post Instagram, lui, a suscité l’intérêt des médias, alors qu’une proposition de loi dite “anti fast-fashion”, adoptée ce mardi 10 juin , était discutée au Sénat.

Un modèle qui n’était pas protégé

Contactée par nos confrères du Progrès , la direction de Shein a fait savoir qu’il n’était « jamais dans l’intention de l’entreprise de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle valides » et qu’en pareil cas, les produits concernés étaient « retirés par précaution du site le temps que les vérifications soient menées ». Les modèles de Pauline Moisson n’étant pas protégés, la créatrice a renoncé à engager une action judiciaire. Mais l’“affaire” n’a pas été sans effets. Ces deux dernières semaines, elle a reçu de nombreux témoignages de soutien et constaté une explosion des commandes. « Je ne pensais pas qu’autant de positif ressortirait de cette histoire », s’étonne la jeune femme bien décidée à « continuer à créer » et qui dit rêver, après Lyon, de voir ses modèles intégrer une boutique à Strasbourg. Avis aux amateurs.