DÉCRYPTAGE – La série noire d’accidents mortels survenus en début d’année interroge sur la dangerosité des trottinettes alors qu’elles profitent des aménagements réalisés par les élus écologistes à la métropole de Lyon.

Avec trois accidents mortels en trois mois, les utilisateurs de trottinette ont payé un lourd tribut sur les routes lyonnaises début 2025. Plusieurs drames impliquant des adolescents avaient déjà marqué les esprits lors des mois et années précédents. Au point de susciter des interrogations légitimes quant à la dangerosité de ces engins, alors que les équipements de sécurité ne sont pas toujours portés par leurs utilisateurs.

Dans les chiffres, la trottinette se démarque bien par sa dangerosité relative. Les bilans de sécurité routière font apparaître une surreprésentation par rapport à l’usage. Les derniers bilans disponibles sur une année complète datant de 2023 révèlent un nombre d’accidents corporels proche pour les vélos (213) et les trottinettes (170) dans le département du Rhône, alors que l’usage de la bicyclette y est largement supérieur. Même tendance en 2022 avec 161 accidents d’EDPM (les Engins de déplacement personnel motorisés, comprenant trottinettes et autres gyropodes) contre 204 de vélo (ceux à assistance électrique compris).

«Il y a autant d’accidents de trottinettes électriques que de vélos alors qu’il y a plus de vélos. La trottinette est plus risquée, la probabilité d’accident est plus élevée et la traumatologie plus lourde», observe le président écologiste de la métropole de Lyon Bruno Bernard (EELV), dont la majorité a largement développé les aménagements dédiés aux mobilités douces depuis 2020.

«Moins stables et moins maniables»

«Les trottinettes sont utilisées par des personnes souvent plus jeunes, dans des contextes parfois festifs et il arrive qu’ils soient deux sur ces engins. Des engins à petites roues et guidon étroit qui les rendent moins stables et moins maniables, avance Frédérique Bienvenüe, porte-parole de l’association la Ville à vélo, qui promeut l’usage de la petite reine, tout en soulignant le manque de recul et de données consolidées sur la pratique. Tout cela rend ces engins moins stables que les vélos, moins visibles aussi. Et comme il s’agit souvent d’un public jeune, les accidents frappent encore plus les esprits.»

C’est le cas de ces deux frères de 19 et 22 ans fauchés par une voiture dont le conducteur avait fait un malaise début d’année. Ou de cet adolescent tué par un chauffard à Villeurbanne fin mars. Mais aussi d’une étudiante coréenne tuée dans la montée de Choulans l’an passé. En 2022 déjà l’accident de Iris et Warren, deux adolescents mortellement percutés par ambulance sur une voie partagée de la Presqu’île, avait ému toute la ville.

La situation a été améliorée par la création de voies dédiées, avec le réseau cyclable des voies lyonnaises, ce grand projet de mandat à 280 millions d’euros devant aboutir à un réseau de 260 km de voies sécurisées en 2026 (94 km achevés et 42 km en travaux à ce jour). «Les utilisateurs de trottinette en profitent, on en voit beaucoup sur les voies lyonnaises ce qui leur évite de s’engager sur la chaussée», confirme Frédérique Bienvenüe.

Iris, 15 ans, et Warren, 17 ans, avaient été mortellement fauché par une ambulance sur une voie partagée du quai Joffre en 2022.
NORBERT GRISAY / Hans Lucas via AFP

Moins de voitures, moins d’accidents

Dans les bilans de sécurité routière disponibles, c’est surtout le nombre de piétons tués qui a diminué entre 2021 à 2024 passant de 16 à 11 morts dans le département. Les élus écologistes lyonnais mettent en avant les résultats de leur politique d’abaissement de la vitesse automobile, avec la généralisation de la limitation à 30km/h en ville. «On observe en cinq ans une baisse de 41% des accidents corporels, ce sont 897 personnes qui ne sont pas blessées, insiste ainsi Bruno Bernard auprès du Figaro. Il s’agit d’une baisse très forte que l’on ne retrouve pas ailleurs en France et qu’on peut donc lier à la diminution de la vitesse».

«Naturellement, les infrastructures ont un rôle, le gros des volumes d’accidents reste lié aux voitures, même si certains se comportent mal à vélo ou à trottinette, pose Bruno Bernard. Il y a des automobilistes sans permis qui circulent à des vitesses délirantes». Le «rééquilibrage» entre vélo et voiture voulu par les écologistes a déjà fait baisser le trafic automobile de 12% sur le mandat. Il devrait se poursuivre avec la volonté de multiplier le trafic vélo par dix et de diminuer celui des autos par deux entre 2019 et 2050.

Les trottinettes profitent aujourd’hui du réseau cyclable des voies lyonnaises, ce grand projet de mandat à 280 millions d’euros devant aboutir à un réseau de 260 kilomètres de voies sécurisées en 2026 (94 km achevés et 42 km en travaux à ce jour).
Wikimedia/Romainbehar

Une baisse du volume d’accidents qui se vérifie sur les vélos alors que la pratique a augmenté de 60% depuis 2019 à Lyon. «Le risque d’être accidenté à vélo a été divisé par deux en cinq ans, vante Bruno Bernard. L’accidentologie à vélo diminue alors que la pratique explose, cela va dans le bon sens». La mise en service des Velovs électriques ne s’est pas accompagnée d’accidents graves pour l’instant, précise la Métropole. Du côté des utilisateurs de trottinette en revanche l’envolée de la pratique s’est accompagnée d’une hausse de 45% des accidents entre 2020 et 2023, indique la collectivité. Trois personnes sont mortes au guidon de ces engins dans le département en 2022, une en 2023 et déjà trois en 2025, donc.

Outre la sensibilisation des utilisateurs et la répression, la ville de Lyon avait imposé un cahier des charges plus strict à ses opérateurs de trottinette en libre-service en 2023. Chaque engin de la flotte Tier-Doot est désormais flanqué d’une plaque d’immatriculation, précise ainsi la municipalité. Les utilisateurs dont l’identité est contrôlée par QR code doivent remplir un quiz de sécurité routière avant la première utilisation et se soumettre à un test d’ébriété les soirs de week-end. Si les vitesses ont été bridées à 20 km/h ou 8 km/h selon les zones, l’abaissement des vitesses en cas de conduite à deux ou sur des trottoirs n’est en revanche pas encore effectif.