Le chantier est vaste, pour ne pas dire colossal. Quant à la mission, elle semble quasi impossible. « Impossible n’est pas Français ». Fidèle à ce dicton attribué à Napoléon, cette ville a décidé de tenter le coup : réussir à réconcilier les différents usagers de la route, qu’ils soient piétons, cyclistes, automobilistes ou même conducteurs de trottinettes.

Clairement pas une mince affaire. Car depuis des années et la montée en puissance des modes de déplacements dits « doux », les conflits se multiplient. « Les mails reçus dans la boîte mail de l’élue aux mobilités sont là pour en attester. » Valérie Faucheux est une cycliste convaincue. En charge de la politique des déplacements de la ville de Rennes, l’élue écologiste n’épargne pas pour autant les adeptes du vélo urbain. « On a clairement des cyclistes qui font n’importe quoi. Mais on a aussi des automobilistes qui font n’importe quoi, des trottinettes qui roulent sur les trottoirs et des piétons qui traversent sans regarder », explique l’adjointe de Nathalie Appéré.

Courtoisie, indulgence, « des notions un peu désuètes »

Le constat n’est pas seulement valable à Rennes mais globalement partagé dans toutes les villes du pays. Depuis la pandémie du Covid-19, les conflits ont augmenté, notamment sous l’effet de la popularité grandissante du vélo. La pratique avait augmenté de 50 % selon une étude dévoilée en 2023. A Rennes, la dernière enquête de déplacement a mis en évidence une progression de 96 % des déplacements à vélo depuis 2019. Alors forcément, ça coince ici et là. « Ce n’est pas un petit problème, c’est au cœur de la question des mobilités », assume Valérie Faucheux.

La ville de Rennes a mis en place des panneaux invitant au respect mutuel des piétons et cyclistes avec des messages positifs.La ville de Rennes a mis en place des panneaux invitant au respect mutuel des piétons et cyclistes avec des messages positifs. - C. Allain/20 Minutes

Ce mardi, l’élue et ses services ont dévoilé une campagne de communication dont l’objectif sera d’apaiser les tensions. Comment ? « On veut remettre au goût du jour des notions un peu désuètes de courtoisie et d’indulgence. On doit reconnaître que l’on fait tous des erreurs et que la priorité doit aller au respect. Notre campagne, elle ne stigmatise pas les cyclistes, elle vise tout le monde. Elle ne brandit pas d’interdits. On veut plutôt montrer ce qu’il faut faire ». Strasbourg l’avait tenté il y a deux ans, sans pour autant montrer des résultats hyper probants.

« Je n’insulte pas »

Ces conflits ont pourtant des conséquences sur nos vies. A Paris, en octobre 2024, Paul Varry avait perdu la vie après avoir été volontairement percuté par un automobiliste avec qui il s’était pris le bec quelques instants plus tôt. La capitale bretonne a, elle aussi, connu son lot de drames ces dernières années sur fond d’impossible cohabitation. Il y a un an, une femme avait été tuée, renversée par une trottinette sur le mail Mitterrand. Alors la ville a décidé d’agir, affichant des panneaux de sensibilisation jaune et noir aux abords des lieux connus de conflit.

Sur l’affiche, des messages positifs et des usagers souriants. « Le message, c’est : je ne hurle pas, je n’insulte pas et je laisse passer. Tout le monde y trouvera un bénéfice », assure l’élue rennaise. Valérie Faucheux a évidemment raison et chacun admettra qu’il a déjà au moins une fois surréagi face à « l’erreur » d’un autre usager. « Il y a une jeune femme qui est passée en voiture juste là tout à l’heure. Elle est passée juste à côté de moi. Elle m’a frôlé, j’ai crié », assure Sofiene au moment de remonter sur sa trottinette électrique. Est-ce qu’il est lui-même respectueux des autres quand il circule ? « En général, je fais attention, sinon, c’est dangereux », assure le jeune homme.

Les écouteurs, c’est dangereux

Au moment d’attacher son vélo sur la place de la République, Patrick assure, lui aussi, qu’il respecte les autres usagers quand il circule en ville. « Mais il y a des endroits où je ne vais pas à vélo, car j’ai trop peur », explique le retraité. Mais il reconnaît aussi ses torts. « Bon là, j’ai les écouteurs sur les oreilles, ce n’est pas un bon point. » Clairement, non, car le Code de la route l’interdit. Mais ce n’est pas forcément connu ou ignoré. Tout comme les sas vélos, les tourne à droite, les doubles sens cyclables ou les priorités accordées aux piétons. « Tout le monde s’accorde des indulgences. Il suffit souvent d’assumer ses erreurs », estime Valérie Faucheux.

Les premiers panneaux invitant au respect des piétons et cyclistes ont été installés aux abords du passage piéton de la place Saint-Germain, à Rennes. Les premiers panneaux invitant au respect des piétons et cyclistes ont été installés aux abords du passage piéton de la place Saint-Germain, à Rennes.  - C. Allain/20 Minutes

Au-delà de ces seules affiches, la ville de Rennes souhaite multiplier les interventions sur le terrain et dans les établissements scolaires. Le but est clair : inviter les usagers à la prudence mais aussi à la retenue. Alors certes, ces opérations ne vont pas tout régler. Mais à quoi bon s’insulter quand on peut parfois simplement s’excuser ? A méditer.