En concurrence avec Amazon sur ce marché, le géant du streaming veut se faire une place en amont de la chaîne de valeur. La France est l’un de ses marchés prioritaires.
Spotify poursuit sa percée dans le marché du livre audio. Depuis octobre, la plateforme de streaming suédoise tente de rivaliser avec Audible (Amazon) en proposant douze heures d’écoute de livres audio chaque mois à ses abonnés premium français. Elle annonce ce vendredi un investissement d’un million d’euros pour développer la production de livres audio dans ses marchés en croissance que sont notamment la France et les Pays-Bas.
Ce n’est pas un hasard si le leader mondial du streaming a choisi d’annoncer ce projet en ouverture du Festival du Livre de Paris, dont le coup d’envoi est donné ce vendredi au Grand Palais. «Cet investissement vise à enrichir le catalogue dans les pays où la pénétration des livres audios est encore relativement faible. Une partie importante de ce montant sera consacrée à la production de livre audio en français», indique au Figaro Jeremy, directeur de la division livre audios pour Spotify Europe.
Spotify a signé des accords avec une centaine d’éditeurs français, dont les filiales spécialisées des groupes Hachette et Albin Michel (Audiolib), Editis (Lizzie) et ou Madrigall (Écoutez Lire). La maison mère de Gallimard et Flammarion sera l’un des «premiers partenaires» de Spotify dans le cadre de ce plan d’investissement, aux côtés de la plateforme française d’autoédition Librinova ou du micro-éditeur Lettre Zola. «Nous avons à cœur de soutenir des éditeurs et des auteurs très différents, dont ceux qui ont fait le choix de l’auto-édition et pour lesquels les barrières à l’entrée sont très élevées pour la production d’audio-livres», commente Jeremy Amsellem.
La plateforme va soutenir l’ensemble de ces acteurs de l’édition à financer la production des livres audio en question. Ces derniers seront «non-exclusifs» et «pourront donc être hébergés sur l’ensemble des plateformes de lecture de livres, et ce dès leur lancement sur Spotify». Les revenus relatifs à l’écoute de ces livres audio seront «intégralement reversés aux ayants droit aidés dans le cadre de ce projet», sans distinction entre les livres cofinancés par Spotify et les autres. Si le Suédois revendique des accords confidentiels avec chaque maison, il assure prendre sur ses marges – ce qu’il est en moyen de faire, étant devenu rentable en 2024 – pour rémunérer les ayants droit en fonction du temps d’écoute des livres audio.
Spotify a élargi son offre de livres audio générés par intelligence artificielle (IA) en début d’année. Le groupe accepte désormais les contenus produits via la société spécialisée ElevenLabs, qui propose la transcription du texte à la voix synthétique en 32 langues. Les éditeurs qu’il entend soutenir dans ce plan d’investissement seront néanmoins libres de choisir une voix humaine ou une voix de synthèse selon leurs préférences. Le groupe annonce d’ores et déjà que le leader de l’auto-édition Libronova optera pour des voix générées par IA pour adapter ses ouvrages en audio.
Rattraper l’avance prise par Audible
Cette nouvelle offensive dans le marché du livre audio est une manière pour Spotify d’élargir son contingent d’abonnés premium, qui avoisine 263 millions d’usagers à travers le monde. En enrichissant son catalogue de podcast et de livres audios, le roi du streaming musical espère convaincre les auditeurs de délaisser Youtube pour son service payant. Surtout en France, où les abonnés premium Spotify sont bien moins nombreux qu’ils ne le sont aux États-Unis ou en Europe du Nord. «Avoir une offre riche permet d’attirer de nouveaux utilisateurs qui ne sont pas encore sur Spotify», note Géraldine Igou, responsable de la communication en France.
La plateforme cible particulièrement les jeunes. Ces derniers représentent déjà près de 60% des auditeurs des livres audio disponibles sur Spotify en France. Alors que la dernière étude du Centre national du Livre a mis en lumière le décrochage de la lecture chez les plus jeunes, la plateforme ne manque pas d’argument pour convaincre les éditeurs de sauter le pas de l’audio. «La lecture d’un livre est parfaitement complémentaire avec l’écoute d’un livre audio et l’audio permet d’amener de nouveaux publics vers la littérature», estime Géraldine Igou.
Spotify doit cependant rattraper son retard avec Audible, déjà très implanté dans le paysage. Fort de ses plus de 800 000 titres, dont 20.000 en français, le service de livre audio détenu par Amazon depuis 2011 domine les deux tiers du marché tricolore. En France, Audiolib propose un abonnement mensuel à 9,95 euros permettant l’écoute d’un livre audio au choix. Mais la percée de Spotify ne devrait pas le laisser de marbre. En Amérique du Nord, le groupe a déjà répliqué en proposant à certains abonnés d’Amazon Music l’écoute gratuite d’un livre Audible par mois. «L’atout de Spotify, c’est de proposer une plateforme unique et d’offrir un temps d’écoute plutôt qu’un seul livre mensuel, ce qui élargit le champ des possibles», veut croire Géraldine Igou.