Dans le cadre de la révision du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage qui sera adopté en juin, la métropole nantaise va devoir trouver de nouveaux terrains.

Les stationnements illicites des gens du voyage provoquent fréquemment des tensions dans les communes. Rarement un jour ne passe sans qu’un imbroglio ne soit médiatisé. La question du logement de ces ménages vivant en résidence mobile n’est pas chose aisée, tant pour les concernés que pour leurs voisins et les autorités. Tous les six ans, le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage (SDAHGV) répondant aux besoins de ces citoyens doit être révisé. En Loire-Atlantique, une nouvelle feuille de route est à l’étude pour la période 2025-2031. Pilotée par le Département et l’État, elle fait l’objet de concertations avec différents acteurs, en attendant une publication officielle en juin.

«Le schéma a été adopté en commission départementale consultative à la quasi-unanimité (- 1 abstention). Il sera signé à l’issue de la période de consultation de deux mois que nous avons laissés aux collectivités avant cet été», précise Tom Follet, sous-préfet de Loire-Atlantique en charge de la cohésion sociale et la politique de la ville. Vendredi 4 avril, la métropole de Nantes a voté une délibération lui enjoignant de se positionner sur ces orientations.

0,68% de la population de Loire-Atlantique

Les gens du voyage représentent 0,68% de la population de Loire-Atlantique. Soit environ 10.000 habitants, soit l’équivalent de 2200 ménages. La priorité du schéma en préparation, que Le Figaro a pu consulter, est de trouver un habitat pour 350 ménages, principalement dans la métropole nantaise. «En attendant, ce sont des ménages qui sont en situation d’errance, en stationnement illicite», souligne Christophe Sauvé, secrétaire général de l’association départementale des gens du voyage citoyens de Loire-Atlantique (ADGVC 44).

Pour celui qui est également aumônier diocésain des voyageurs, les solutions à proposer doivent suivre l’évolution de leur mode de vie, de plus en plus sédentaire. «Dans le schéma précédent, beaucoup d’aires d’accueil ont déjà été réalisées. Mais les familles y restent toute l’année», constate le prêtre qui sillonne le territoire. Or, ces aménagements, obligatoires dans les communes de plus de 5000 habitants, ont normalement vocation à être utilisés ponctuellement. D’où la nécessité de multiplier la création de terrains familiaux à caractère privatif ou locatif, pour désembouteiller ces aires et permettre aux familles de s’ancrer.

Le schéma réclame à Nantes-Métropole la création de 180 lots d’ancrage (terrains familiaux locatifs, logements sociaux adaptés ou préconisations de terrains privés). «Je sais bien que ce chiffre fait bondir. Les élus disent qu’ils n’ont pas le foncier. Finalement, ça représente 7,5 terrains et demi par commune», a calculé Christophe Sauvé. Dans la délibération de la métropole, pourtant motrice sur le sujet, il est mentionné que «l’objectif de réaliser 180 lots d’ancrage dont 36 terrains familiaux locatifs dans la durée du schéma n’apparaît pas réaliste et opérationnel».

Trouver du foncier, une tâche laborieuse

En effet, trouver du foncier s’avère laborieux et chronophage pour les élus. En outre, il arrive que les projets soient arrêtés en cours de route. Par exemple, près de Loireauxence, un aménagement a été suspendu après la découverte d’une zone humide. L’installation d’une caravane ne peut pas se faire n’importe où. Pour Christophe Sauvé, «il faut faire évoluer les règlements d’urbanisme. La question de fond est : quelle place on fait à de l’habitat mobile et léger ? Y a-t-il d’autres moyens pour habiter autrement qu’en dur ?» 

«En attendant ces délais, on a réfléchi à des mini-terrains provisoires qui vont être proposés par les 24 communes (de Nantes-Métropole, NDLR)», poursuit l’aumônier. Cela passe en effet par la gestion d’aire de petits et moyens passages pouvant être à vocation transitoire. «Il s’agit là d’une proposition nouvelle, visant à compléter l’offre existante, dans l’objectif de trouver des solutions alternatives aux stationnements illicites auxquels les voyageurs sont contraints faute de solutions licites disponibles», explique la métropole. «Ce n’est pas par gaieté de cœur que les gens du voyage sont en stationnement illicite», insiste Christophe Sauvé, qui se dit très particulièrement sollicité depuis deux ans. Il assure que les chiffres proposés dans le schéma, bien qu’en progrès, restent inférieurs aux besoins.

«La question que je pose en tant que maire ; est-ce qu’on doit satisfaire tous les besoins ? On voit bien qu’on ne satisfait pas tous les besoins de tous nos concitoyens», s’interroge de son côté Rodolphe Amailland, président de l’association des maires de Loire-Atlantique. Mais celui-ci regrette tout d’abord que l’AMF 44 n’ait pas été associée en tant qu’institution à l’élaboration du schéma. «Les maires sont les premiers interlocuteurs des gens du voyage dans la réalité des choses. Quand vous avez une occupation illicite dans la nuit ou le week-end, ce n’est pas la métropole qui se déplace», fustige-t-il. Ensuite, il pointe du doigt un certain manque de fermeté dans le schéma. «Certains gens du voyage s’intègrent très bien dans nos villes. Et puis une partie des voyageurs pose toujours problème : toujours dans l’occupation illicite, elle ne fait pas d’effort pour respecter la loi.»

Si les gens du voyage veulent être respectés dans leur mode de vie, ce à quoi j’aspire, il faut qu’ils respectent le cadre

Rodolphe Amailland, président de l’association des maires de France en Loire-Atlantique

L’édile de Vertou est bien placé pour le savoir. En 2023, lui-même s’est fait pousser dans un fossé après s’être opposé à l’installation d’un camp illicite. «Le jour où ils sont venus, quand j’ai été agressé, il y avait un terrain de grand passage libre mais ils avaient décidé qu’ils n’y iraient pas. Je veux bien accepter plein de choses mais la politique de l’excuse ou du manque de place, ça ne vaut pas tout le temps», tance-t-il.

«Aujourd’hui, rien dans ce schéma ne dit comment on respecte le cadre, regrette le maire LR. Rien ne dit quelle est notre ligne rouge sur laquelle on ne dérogera pas, ni où on mettra des moyens de sanction pour empêcher les comportements déviants». Et de reprendre : «Si les gens du voyage veulent être respectés dans leur mode de vie, ce à quoi j’aspire, il faut qu’ils respectent le cadre. On a besoin de cette ligne pour accueillir dignement les gens».

Comme le résume Rodolphe Amailland, «ce schéma propose de la quantité avec beaucoup de places. Est-ce qu’il propose de la qualité ? je n’en suis pas sûr…» Un discours qui résonne avec celui du ministre de l’Intérieur fin 2024. «Dans la République, chacun peut avoir le mode de vie qu’il souhaite, en fonction de ses traditions, à condition de respecter les lois de la République et ceux qui sont en charge de l’autorité publique», avait déclaré Bruno Retailleau, en annonçant la mise en place prochaine d’un plan d’action pour lutter contre les occupations illicites.