D’après des analyses européennes récentes, la kétamine circulant en soirée est souvent très pure (environ 83 %), mais peut aussi être mélangée à d’autres drogues (cocaïne, MDMA…) sans que les consommateurs le sachent. © Freepik
C’est la nouvelle venue sur la scène festive. Longtemps associée aux raves techno des années 1990, la kétamine, rebaptisée “ké” par ses adeptes, gagne aujourd’hui les soirées étudiantes, les open-airs et les clubs branchés.
Une arrivée en fanfare qui n’a rien d’anodin : selon une note d’analyse de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée en juin 2024, cette substance attire un public jeune, en quête de sensations fortes, mais souvent peu ou mal informé des risques réels.
“Avec la ké, ils ne sont clairement plus là”, lâche un intervenant associatif cité par l’OFDT. Traduction : les effets dissociatifs de la kétamine plongent l’usager dans une bulle parallèle, déconnectée du réel.
Quand la “ké” s’invite sur la piste Une progression discrète, mais préoccupante
À première vue, les chiffres peuvent sembler rassurants : moins de 3 % des adultes en France déclarent avoir déjà consommé de la kétamine. Mais derrière cette moyenne se cache une réalité plus nuancée.
Chez les 18-25 ans, la progression est nette, notamment dans les contextes festifs. Le profil type ? Un jeune urbain, souvent étudiant, attiré par un produit “pas trop cher” et à l’image moins sulfureuse que d’autres drogues plus connues.
Un marché en plein essor
Le prix du gramme oscille entre 20 et 30 euros, ce qui la rend bien plus accessible que la cocaïne ou l’ecstasy. Le produit, souvent importé illégalement depuis l’Inde ou la Chine, circule facilement sur les réseaux sociaux ou le dark web.
La kétamine devient une “option” parmi d’autres sur la carte des drogues festives.
Des effets bien moins “cool” qu’annoncés Une drogue… qui désoriente
Sur le papier, la kétamine promet une sorte de voyage mental : euphorie, déconnexion du corps, altération des sensations. Mais l’expérience peut vite tourner au flou artistique.
Le fameux “K-hole”, surnom donné à l’état de dissociation extrême, plonge l’usager dans une immobilité complète, parfois durant de longues minutes. Le corps ne répond plus, le regard est figé, l’esprit dérive. Pour les autres, c’est souvent une scène inquiétante, voire angoissante.
Des risques sous-estimés
Contrairement à ce que certains pensent, la kétamine n’est pas inoffensive. En usage répété, elle peut entraîner :
- des troubles cognitifs durables : troubles de la mémoire, de l’attention, altération du jugement selon l’Inserm.
- des lésions urinaires graves, parfois irréversibles : inflammation chronique de la vessie, douleurs, envies pressantes selon Santé publique France.
- un risque de chute ou d’accident, lié à la perte de coordination et de repères dans l’espace
À cela s’ajoute un point rarement évoqué mais fondamental : la vulnérabilité. Désorienté, déconnecté, l’usager devient une cible potentielle pour un vol, une agression, ou un rapport sexuel non consenti. Un risque collatéral, mais bien réel.
Un phénomène qui dépasse les frontières
Ce que l’on observe en France n’est pas un cas isolé, loin de là. La kétamine s’est discrètement, mais sûrement, installée dans les habitudes festives de nombreux pays. Au Royaume-Uni, la consommation chez les moins de 25 ans a triplé entre 2016 et 2023, selon le National Crime Agency. Et les conséquences ne se font pas attendre : 53 décès attribués à la kétamine en 2023, contre 7 seulement en 2015.
Même constat aux États-Unis, en Australie ou en Europe de l’Est, où la diffusion de la kétamine explose dans les milieux festifs. Certains experts parlent d’une “démocratisation silencieuse” : une drogue longtemps marginale, qui devient mainstream sans que la société n’ait réellement pris le temps d’en mesurer les impacts.
Kétamine : le vrai visage d’une drogue qui se banalise
Au fond, ce qui inquiète les professionnels, ce n’est pas uniquement l’augmentation de la consommation, mais le discours qui va avec. On entend trop souvent : “C’est pas si fort”, “c’est pas comme la coke”, ou encore “c’est juste pour une fois”. Cette banalisation masque les vrais dangers.
Car derrière les effets planants, la kétamine coche beaucoup de cases rouges :
- Accoutumance psychologique : l’envie de revivre “l’expérience” devient vite une habitude.
- Usage compulsif : certains jeunes enchaînent les prises, plusieurs fois par soirée, sans plus contrôler.
- Mélanges à risques : avec de l’alcool, des benzodiazépines ou d’autres drogues, les effets se cumulent… et les risques explosent.
La “ké” a désormais son petit nom, ses codes, ses rites. Mais aussi ses dégâts.
Surconsommation de kétamine : que faire ? Informer sans culpabiliser
Face à cette vague montante, culpabiliser les jeunes ne sert à rien. Ce que proposent les associations spécialisées, c’est une approche basée sur le dialogue, la prévention et la bienveillance. En festival ou en soirée, on trouve désormais :
- des stands d’écoute avec des professionnels formés,
- des kits de consommation plus sûre,
- des tests de pureté, pour éviter les produits coupés ou trop puissants,
- et surtout, des messages clairs sur les risques… sans ton moralisateur.
Former les professionnels
Côté santé, le repérage précoce est essentiel. Trop souvent, les symptômes sont confondus avec de simples troubles passagers : fatigue, difficultés de concentration, douleurs urinaires.
Pourtant, ces signaux peuvent révéler un usage problématique. Médecins, pharmaciens, psychologues, infirmiers, éducateurs : former ces professionnels au repérage des troubles liés à la kétamine est un levier de prévention indispensable.
À SAVOIR
La kétamine n’est pas seulement une drogue festive, elle est aussi utilisée en médecine, notamment pour traiter certaines dépressions résistantes. Depuis 2019, une version appelée eskétamine est prescrite sous forme de spray nasal en milieu hospitalier. Ses effets sont rapides, mais son usage est strictement encadré.
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