Côté ciné : Blade Runner, de Ridley Scott

A (re)découvrir sur grand écran dimanche 15 juin à 20h20 au Cosmos, en VOST : le monument de la SF Blade Runner, de Ridley Scott.

Soixante ans, bientôt, que l’auteur chicagoen Phillip K. Dick posait les jalons de son roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, monument de la littérature SF du siècle passé. Soixante ans qu’étaient posés, en ces lignes, les fondements du questionnement relatif à la coexistence de l’homme avec une intelligence artificielle avancée. Soixante ans plus tard, c’est encore cette interrogation qui nous étreint lorsque défilent les images de l’adaptation culte de l’ouvrage au cinéma, assurée par Ridley Scott et nourrie de cette crainte, lancinante, que l’humanité ne soit définitivement pas taillée pour tolérer une telle altérité à ses côtés. 

Sorti sur les écrans français en 1982, le chef d’œuvre du cinéaste, vision séminale de l’esthétique cyberpunk, suivait la trajectoire d’un chasseur d’androïdes, un blade runner, à la poursuite d’un modèle particulièrement avancé de robots, les Nexus-6, bannis de la Terre suite à une révolte contre leurs créateurs. S’y dessinaient, en creux de cette traque impitoyable, les hésitations existentielles du héros (Harrison Ford, alias Rick Deckard) face à l’aspiration de ces créatures à vivre, elles aussi, une vie en paix. Tuer – ou plutôt « retirer » ? Laisser fuir et accepter l’émergence d’une intelligence autonome, capable de nous supplanter ? La réponse, dans le long-métrage maintes fois remanié, ne sera jamais vraiment tranchée.

L’humanité sur le banc des accusés

Peu importe, car dans ce monde en déliquescence, pollué et surpeuplé, miné par l’extinction massive des espèces animales et la disparition de la nature, c’est l’humanité qui est mise en accusation. De n’avoir pas su préserver son monde, de n’avoir jamais admis l’idée qu’il pouvait être partagé, encore moins avec ceux, artificiels, qu’elle a créés pour les dominer, les exploiter.

Porté par la musique inspirante de Vangelis, Blade Runner choisit son camp, jusqu’à laisser sa plus belle part, la plus humaine, à l’androïde que l’immense Rutger Hauer prend un plaisir évident à incarner. Lui, le Nexus-6, a fait le choix de l’homme, le choix de sauver, le choix de rêver. Et s’en va, perte immense, en livrant au septième art l’une des plus belles tirades jamais prononcées. « J’ai vu tant de choses, que vous, humains, ne pourriez pas croire… De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion, j’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la Porte de Tannhaüser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir. » Pur moment de poésie, impossible à oublier. Alors oui, humains : dimanche soir, dans la grande salle du Cosmos, on vous entendra pleurer.

N.B.