L’âme était fragile, mais le corps avait miraculeusement tenu le choc. Brian Wilson, le colosse de sable des Beach Boys, est finalement mort ce mercredi 11 juin, a fait savoir sa famille, à l’âge de 82 ans, au terme d’une vie douloureuse et secouée, qu’il aura traversée alternativement en enfant perdu et en démiurge de mirages hédonistes, génie zombie porté aux nues, Moïse barbu écartant l’océan Pacifique pour y loger des «symphonies adolescentes adressées à Dieu» et hisser la pop au rang d’art absolu, au prix de sa santé mentale et physique. Considéré par Paul McCartney lui-même comme le plus grand parmi les géants des années 60, le dernier des Wilson n’a pas survécu qu’à ses frères cadets Dennis (noyade en 1983) et Carl (cancer du poumon en 1998) ni à son psy maléfique Eugene Landy (mort en 2006). Il a également réchappé à toutes les batailles humaines, médicales et juridiques dont le business américain, conjugué à l’explosivité atomique des sagas familiales et à la pharmacopée psychédélique, possède le secret. Seule la disparition de sa seconde épouse, Melinda Ledbetter, en janvier 2024, sembla porter un coup irrémédiable à cet homme perpétuellement vacillant, entraînant dans la foulée un placement sous tutelle à la demande de ses six enfants, suite à un diagnostic de démence prononcé par ses médecins.