Il avait été annoncé par l’UIMM il y a 5 mois. Il a été officiellement lancé mardi. Le syndicat de la métallurgie et ses deux autres cofondateurs – Mécaloire et la CCI – ont présenté plus en détails le consortium visant à structurer la filière du nucléaire dans la Loire. Baptisé « Fusion 42 », il s’adresse à une centaine d’entreprises du département repérées comme aptes ou potentiellement aptes à capter des marchés liés à la relance de l’atome. A condition de le faire savoir…
Dans l’appellation, « Loire » était à exclure. Seulement dans l’appellation. Pour le reste, tout l’intérêt est justement de faire en sorte que le département soit inclu, dans le coup des marchés nationaux liés à la relance de l’énergie nucléaire en France : jusqu’à 200 Md€ de chiffre d’affaires dans les 15 ans à venir. C’est là que le milieu industriel ligérien se heurte à la même problématique que les acteurs touristiques de « nôtre » Loire : comment ne pas être confondu avec les « Pays de la Loire » tellement plus parlants aussi bien aux donneurs d’ordres qu’aux visiteurs dès lors qu’ils ne sont pas d’Auvergne-Rhône-Alpes, voire des seuls départements limitrophes ?
Le comité départemental du tourisme a fait le choix de « Loire Altitude ». L’Union des industries et des métiers métallurgiques (UIMM) 42 et les deux autres co-fondateurs de ce consortium que sont logiquement la délégation locale de la CCI ainsi que le réseau Mécaloire (70 adhérents), celui de « Fusion 42 ». Objectif : faire comprendre aux Framatome, EDF et autres Orano qu’il y a sur ce territoire une foule d’entreprises déjà capables sinon bientôt capables de répondre aux énormes besoins qui se profilent avec la relance de l’énergie nucléaire en France. Combien exactement ? « Une centaine selon nos estimations, recherches et consultations dont la plupart travaille déjà en partie, ponctuellement, sinon souvent sur des marchés liés à l’énergie nucléaire en sous-traitance, parfois en sous-traitance de sous-traitance », répond Philippe Rascle pour sa dernière conférence de presse en tant que président d’une UIMM, fédératrice de la moitié des emplois industriels du département.
« Un formidable levier »
Celui qui va prendre la succession de Benoît Fabre à la tête du Medef Loire rappelle le rôle initiateur du Collectif économique de la Loire – c’est un de ses objectifs affichés – dans cette idée prise en main par l’UIMM. Une centaine d’entreprises concernées donc, soit une trentaine supplémentaire qu’en janvier lors d’une première annonce. « La plupart sont des PME, des TPE entre 30 et 50 employés même s’il y a une dizaine d’ETI, décrit-il encore. Autant d’adhérents potentiels à Fusion 42 dont nous allons bientôt déposer les statuts. Environ 20 % n’ont jamais travaillé pour le nucléaire mais ont les compétences pour, à condition de se faire accompagner. Cela peut-être une solution pour nos sous-traitants automobiles mis à mal par la concurrence et leurs 3 500 emplois. » Le milieu économique ligérien en est certain : la relance du nucléaire est « un formidable levier ». Au projet de six nouveaux EPR, sortis par paire dont la première, en Normandie, est actée (les autres seront dans le Nord et le Bugey) soit 100 Md€ de marchés dans les 15 ans à venir, s’ajoutent 100 autres milliards de maintenance à venir. Derrière, 8 autres EPR pourraient encore être lancés.
Nous avons un problème d’image. Eux un problème de ressources.
Philippe Rascle
« Si nous pouvions capter, ne serait-ce qu’1,5 % correspondant à notre poids industriel, de cet ensemble… Ces marchés resteront en France qui a la technique, sinon la rapatrie comme la fabrication des cuves de réacteurs récemment ramenées du Japon au Creusot par Framatome, s’enthousiasme encore Philippe Rascle. Il faut avoir conscience que c’est historique et que le pays après avoir mis de côté sous Hollande l’énergie nucléaire, va être confronté à un mur de besoins gigantesques avec ce revirement. Alors certes, nous (la Loire, Ndlr) avons un problème d’image. Eux (les donneurs d’ordre, Ndlr) un problème de ressources, de fabricants à trouver. D’autant que les terrains nécessaires aux constructions sont déjà acquis par EDF et purgés de leurs processus administratifs : ils étaient destinés à l’origine au démantèlement des centrales ! » Aux commandes massives des entreprises d’Etat, s’ajoute aussi un savoir-faire potentiellement très exportable dans un contexte analogue – y compris aux Etats-Unis, malgré le couvert trumpiste – et le militaire, pour ce qui est d’assurer la propulsion nucléaire des nouveaux sous-marins.
Externalisation, intériorisation et qualification
La volonté nationale ne s’est pas démentie depuis janvier, bien qu’elle ait subi quelques retards mineurs, finalement bienvenus pour la Loire qui a pu, entre temps, poursuivre sa structuration : les appels d’offre devraient commencer à massivement tomber au second semestre 2026. Fusion 42 a donc pour mission de rendre visible la capacité ligérienne, celle de notre latitude, à y répondre. Pas de montage équivalent, si ce n’est plus ou moins, Nuclear Valley, organisation basée à Lyon autrement plus conséquente puisque réunissant 450 acteurs autour de la Saône et de la Plaine de l’Ain. Concurrents et de catégorie bien au-dessus ? Fusion 42 les voit davantage comme des partenaires, voire envisage d’adhérer, tant il semble qu’il y ait à manger de toute façon pour tout le monde. D’autant que la Loire a des organismes de formations majeurs (et probables futurs adhérents) dans le domaine du nucléaire avec l’ISTP et l’IRUP en têtes de gondole pour ce qui est respectivement des ingénieurs et techniciens, dont les diplômés sont déjà omniprésents dans l’énergie nucléaire.
Le logo du consortium révélé mardi.
Se faire connaître passe donc par cette bannière commune – sa marque, son logo, son site web (à venir à l’heure où nous publions), les réseaux sociaux, « l’inévitable » page LinkedIn en premier lieu déjà active -, l’action de lobbying permanente qu’elle implique et un stand dans les salons qui conviennent. Ce sera le cas avec une présence au salon mondial de l’énergie nucléaire qu’est le World Nuclear Exhibition (WNE) du 4 au 6 novembre. Et GL Events est venue suggérer l’organisation d’une convention d’affaires nationale à Saint-Etienne en 2026. Voilà pour l’extériorisation déjà envisagée. Côté « intériorisation », une matinée de lancement a été fixée au 10 juillet dans la Loire : lancement d’annuaire, table rondes et dévoilement de kakémono au menu. En interne encore, Fusion 42 qui n’est pas un GIE n’a pas vocation à répondre sous son nom aux marchés peut susciter en revanche, des réponses groupées. Et surtout accompagner ses adhérents dans les certifications pointilleuses – qualité, sécurité – et autres cahiers des charges qu’impose l’activité.
Tache loin d’être insurmontable, assurent les fondateurs, dans la mesure où les activités actuelles des néophytes imposent déjà des exigences normatives très proches, dans l’armement par exemple. Et via ses aides comme France 2030, cette qualification sera secondée de manière groupée par l’Etat, précisait le préfet de la Loire Alexandre Rochatte, présent mardi à la conférence de presse de lancement, estimant l’accompagnement en phase avec les ambitions affichées de transition énergétique et industrielles du pays. D’autres aides pour se démontrer parfaitement aptes et / ou compétitifs pourraient être véhiculées par la Région, sinon la BPI. Présente mardi aussi, Irène Breuil, à la tête de la délégation Loire de la CCI faisait part de sa satisfaction de prêter concours à une initiative collective faisant parfaitement « écho » à ses axes stratégiques. Idem pour Mécaloire et son président Baptiste Autin vis-à-vis de de son projet « Production France » initié en 2020 pour répondre de manière groupée à des appels d’offre. Quand les électrons s’alignent et accélèrent, c’est pour mieux rayonner…