Marion Rousse ne fait pas que pédaler pour le
plaisir : le vélo, c’est toute sa vie. Sacrée championne de France
à tout juste 20 ans, elle a troqué le maillot pour les micros en
devenant consultante, commentatrice et animatrice sportive. Loin de
tourner la page, elle continue de filer sur la route du cyclisme
avec la même énergie… sauf qu’aujourd’hui, c’est derrière les
coulisses qu’elle appuie sur les pédales. Depuis 2022, elle
est à la manœuvre du Tour de France Femmes, qu’elle pilote
avec passion et détermination. Et cette année, l’événement prend
encore de l’ampleur : neuf jours de course non-stop du 26 juillet
au 3 août 2025. Un vrai tour de force, de la Bretagne aux Alpes,
avec un départ à Vannes et un final à Châtel. Oui, la petite reine
a trouvé sa grande ambassadrice.
Marion Rousse, le cyclisme son ADN
Marion Rousse découvre très tôt l’univers du cyclisme, poussée
par une ambiance familiale déjà bien ancrée dans la discipline.
Entre un père amateur de vélo et des cousins pros comme
David et Laurent Lefèvre ou Olivier
Bonnaire, elle baigne littéralement dans la passion des
deux roues. Elle raconte avec humour qu’on la retrouvait déjà, bébé
en landau, lunettes de cycliste sur le nez, au bord des routes pour
encourager les siens. Pleine d’énergie dès l’enfance, elle trouve
dans le sport un exutoire, et c’est à six ans qu’elle se lance,
malgré les réticences initiales de son père. Sa mère, elle, la
soutient discrètement et l’inscrit sans rien dire. Ce sera le début
d’une belle aventure, avec un papa converti en plus fervent
supporter.
Ses premiers tours de roue sont timides en France, mais c’est en
Belgique qu’elle passe un cap. Là-bas, la concurrence est rude, les
pelotons féminins plus fournis, et elle apprend à se battre pour sa
place. Sprinter, se frayer un chemin, se faire remarquer : Marion
gagne en force et en technique. En 2012, elle décroche le
titre de championne de France chez les Élites et les
Espoirs, une belle reconnaissance après des années de
lutte dans un sport qui valorise peu les femmes. Sans modèle
féminin, ni salaire décent, elle doit cumuler les rôles pour
continuer à concourir. « Nous n »étions ni perçues ni traitées de
manière égale », déplore-t-elle. Une réalité qu’elle n’a jamais
oubliée.
Marion Rousse : commentatrice officielle du Tour de France
Hommes
Marion Rousse ne s’est pas tournée naturellement vers les
médias, mais une invitation surprise de Guillaume Di Grazia à
participer aux Rois de la Pédale change tout. Malgré ses doutes — «
Une femme qui commente du sport masculin ? Ça
n’existait pas » —, elle accepte. Son expertise finit
par s’imposer. En 2017, France Télévisions lui confie les
commentaires du Tour de France. À partir de là, elle devient une
figure incontournable du cyclisme pour les téléspectateurs
français.
Repérée par Christian Prudhomme en pleine
grossesse, la native de Saint-Saulve reçoit une proposition
inattendue : prendre la tête du tout nouveau Tour de France Femmes.
Forte de ses expériences passées, notamment sur les courses
régionales, elle accepte le défi avec une volonté claire de
construire un événement solide et populaire. Si les débuts sont
difficiles, les résultats suivent dès la deuxième édition.
Aujourd’hui, tout en dirigeant la course et commentant sur France
Télévisions, elle anime La Vie à vélo sur France 3, avec
une même mission : faire rayonner le cyclisme féminin.
Un passé financier compliqué
Marion Rousse, bien qu’issue de l’élite du cyclisme féminin, a
connu une réalité économique bien éloignée des projecteurs. Après
son titre de championne de France, elle évolue dans de grandes
équipes mais sans véritable rémunération. Elle confie : « Chez
Futuroscope, je n’ai jamais été payée. Et chez Lotto, donc
après mon titre, 300 euros par mois ». Cette
précarité l’amène à cumuler plusieurs activités, dont un emploi à
mi-temps à la mairie d’Étampes et une convention d’insertion
professionnelle liée à l’équipe de France, tout en poursuivant ses
entraînements le soir. Loin d’un parcours doré, elle vit sa passion
dans un quotidien rythmé par des sacrifices.
Peu à peu, une nouvelle voie s’ouvre grâce à ses interventions à
la télévision. Dès 2013, elle est repérée pour ses commentaires sur
la Vuelta et intègre ensuite Eurosport. Le public adhère rapidement
à
la compagne de Julian Alaphilippe. « J’étais très
contente, parce que les gens ont vite compris que j’avais
assez galéré sur un vélo pour pouvoir parler aussi bien de cyclisme
masculin que féminin », raconte-t-elle. Ce tournant dans sa
carrière lui permet enfin de s’investir pleinement dans le cyclisme
sans être freinée par des contraintes financières.
Consciente de ses limites, elle choisit de se concentrer sur sa
nouvelle vie médiatique : « J’ai vu que c’était compliqué de
tout faire en même temps, donc je me suis consacrée uniquement à ma
carrière de consultante, où je pouvais enfin gagner de l’argent et
continuer à parler de ma passion. » Pour jolie trentenaire,
quitter la compétition n’était pas un abandon, mais une
décision pragmatique dictée par les injustices économiques dans le
sport féminin. Une situation qu’elle dénonce encore
aujourd’hui, espérant voir de véritables avancées pour les futures
générations de cyclistes.