« Nous sommes en première ligne face aux élèves, car nous gérons les entrées et sorties au portail, surveillons la cour, les couloirs, le self… », explique Stéphanie, 32 ans, assistante d’éducation (AED) à Mâcon (Saône-et-Loire). La mort de Mélanie G., la surveillante tuée mardi à Nogent (Haute-Marne) par un jeune de 14 ans, a mis cette fonction au-devant de l’actualité. Une profession précaire (55 % des AED sont à temps partiel et la plupart en CDD) et exposée. Les AED sont chargés de l’encadrement et de la sécurité des élèves, mais aussi de la gestion des absences et retards ou de l’appui aux projets pédagogiques. « Nous exerçons un rôle central : nous sommes à la fois éducateurs, animateurs, médiateurs, parfois infirmiers ou psychologues de terrain », résume Juliette, 25 ans, de Beire-le-Châtel (Côte-d’Or).

C’est dire si les AED connaissent bien les élèves, comme peuvent en témoigner Juju et Caro, 32 et 42 ans, AED à Saint-Sernin-du-Bois (Saône-et-Loire) : « Nous sommes comme des mamans, des grandes sœurs, des confidentes… Nous les connaissons tous individuellement, étant dans un collège rural avec moins de 350 élèves de 8 h 15 jusqu’à 17 h 15. » « On est toujours là pour les élèves », raconte aussi Virginie, 45 ans, AED dans le Doubs. « On oriente les élèves en cas de coups de blues, on met des mots sur leurs blessures. »

Une proximité qui n’empêche pas de rencontrer des difficultés avec certains élèves, comme en témoigne Aurélie, 43 ans, d’Anost (Saône-et-Loire) : « Une petite partie d’entre eux est irrespectueuse vis-à-vis du personnel et des locaux. » Cécile, 34 ans, de Colombe (Isère) constate aussi qu’« une minorité d’élèves, qui devient de plus en plus importante, n’a aucune limite ». « Ils n’ont même pas peur des gendarmes, les rapports d’incidents, cela ne leur fait rien, car ce n’est pas marqué dans le bulletin scolaire. »

« Les élèves ne nous écoutent pas »

Si les AED ont d’abord des missions éducatives, dans le cadre de la vie scolaire, « petit à petit on a vu des tentatives de les faire glisser quasiment vers des missions de vigiles », estime Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat des collèges et lycées. Ce qui a rendu plus difficiles leurs conditions d’exercice, selon la syndicaliste. Le plus complexe pour Stéphanie : « La gestion des conflits entre élèves et de ceux qui ne veulent plus aller en cours. »

Certains AED se sentent démunis, comme Jennifer, 34 ans, de Ferney-Voltaire (Ain) : « Les élèves ne nous écoutent pas, n’ont peur de rien, nous menacent même. » « Il n’est pas rare d’être presque front à front avec un élève car on lui a juste demandé de retirer sa casquette. Si nous rapportons une bêtise qu’ils ont faite, il arrive qu’ils viennent nous dire “pourquoi tu es allée ouvrir ta bouche ?” » Un sentiment d’impunité qu’a observé aussi Juliette de Beire-le-Châtel (Côte-d’Or) : « Lorsqu’une sanction est donnée, elle est régulièrement perçue comme injustifiée parce qu’elle émane de nous. Les contestations sont fréquentes : appels, mails, visites de parents… Cette mise en doute permanente rend notre mission très compliquée », confie-t-elle.

« Nous ne sommes pas assez nombreux »

Les AED croulent parfois sous la tâche : « Nous ne sommes pas assez nombreux pour le nombre d’élèves. Dans l’établissement, on compte 100 élèves pour une AED », décrit Jennifer. À la rentrée 2024, on comptait 63 000 AED, 3 000 de plus qu’il y a 10 ans. « Les contraintes budgétaires font que depuis quelques années, les dotations se réduisent » pour couvrir « les besoins en postes d’AED », regrette Caroline Briot, responsable vie scolaire au SE-Unsa. « Nous ne sommes jamais assez nombreux pour nous occuper des élèves, surtout pendant la pause méridienne », confirme Cécile, de Colombe (Isère).

Et face à ces difficultés, les AED ne se sentent pas toujours épaulés par leur hiérarchie. « Aucun soutien face aux difficultés, aucun soutien des parents, on est les boniches de l’Éducation nationale, personne ne nous aide ! », s’emporte Oriane, 24 ans, de Saint-Priest (Rhône). « On se sent seul. La hiérarchie prend très peu de sanctions », renchérit Cécile. « J’ai très souvent le sentiment que nous sommes les derniers maillons de la chaîne pour certains, que notre travail n’est pas difficile », indique Stéphanie. Des paroles qui auront sans doute un écho particulier en raison du contexte.