Avec son bord de mer planté de palmiers, ses stars hollywoodiennes et son Golden Gate, la Californie attire plus que n’importe quel autre Etat américain. L’Etat doré fait tellement rêver que chaque année, il est visité par près de 270 millions de personnes. Mais cet amour, Donald Trump ne le partage pas. Le président des Etats-Unis est en plein bras de fer avec la Californie alors que l’Etat est secoué par une myriade de manifestations, lesquelles dénoncent les raids musclés de la police fédérale de l’immigration (ICE).
Dimanche dernier, le locataire de la Maison Blanche a déployé la Garde nationale, puis ordonné que soient envoyés plusieurs milliers de Marines. Ulcéré, le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, a dénoncé une décision « volontairement incendiaire », et l’Etat a saisi la justice dans l’espoir d’empêcher ce déploiement. Spectaculaire, cette nouvelle passe d’armes n’est toutefois pas une première. Car depuis l’entrée en politique du magnat de l’immobilier, le désamour entre le New-Yorkais de naissance et la côte Ouest est permanent.
Trump « n’a pas oublié » la résistance de la Californie
Dès sa première campagne présidentielle, Donald Trump fustige le « bordel » qu’est la Californie, selon ses dires. « Avant même d’être en place pour son premier mandat, il l’a ciblée comme un ennemi », confirme Olivier Richomme, maître de conférences en civilisation américaine à Lyon-2. En 2016, le président républicain s’en prend au système électoral californien, qu’il accuse (sans preuve) de fraude. Enjoint de transmettre le profil de chaque votant, l’Etat, à cause duquel il a perdu le vote populaire face à Hillary Clinton, refuse alors de coopérer, accusant Donald Trump de fichage politique.
« L’élection de 2016 a été une prise de conscience du rôle de la Californie en tant que premier opposant, décrypte Lauric Henneton, maître de conférences à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et auteur du Rêve américain à l’épreuve de Donald Trump. En 2017 et 2018, le gouverneur Jerry Brown s’était vraiment érigé comme l’opposant numéro un sur la question climatique. Il avait mis en place une diplomatie parallèle, allant rencontrer des dirigeants de pays étrangers pour leur promettre le soutien climatique de la Californie. Donald Trump ne l’a pas oublié. »
Un monstre économique « à mater »
D’autant qu’avec près de 40 millions d’habitants et un PIB qui la placerait dans les 5 premières puissances économiques du monde si elle était indépendante, la Californie est un adversaire de taille pour les républicains. « Elle représente un danger pour quelqu’un qui fait preuve d’autoritarisme parce que c’est l’Etat le plus riche, le plus peuplé. Donc quand elle résiste au niveau des instances fédérales et judiciaires, elle pèse et donne un exemple qui peut encourager d’autres Etats à suivre », analyse Olivier Richomme.
Pour Donald Trump, la Californie est donc « l’Etat à mater », souligne-t-il. Le républicain profite d’ailleurs des tensions actuelles pour menacer les autres Etats. « S’ils manifestent, ils trouveront face à eux la même force ou une force supérieure » à celle déployée à Los Angeles, a-t-il prévenu.
Imaginaires et manœuvres politiques
En résumé, « pour les républicains, la Californie est le contre-exemple ultime. » Donald Trump n’a d’ailleurs pas de mots assez durs pour décrire un territoire qu’il estime « envahi d’ennemis étrangers » et en pleine « anarchie ». Car « dans l’imaginaire républicain, la Californie est un territoire gangrené par la drogue, une zone de non-droit où les politiques démocrates corrompus sont à la solde de réseaux criminels et des LGBT », glisse Lauric Henneton. Un « Boboland » qui servirait de « repoussoir à républicains ». « La pub dont tout le monde se souvient, c’est : « Kamala Harris est pour iel, le président Trump est pour vous ! » », illustre Olivier Richomme.
A l’inverse, dans la matrice démocrate, la Californie est « le bastion avancé de l’antitrumpisme », selon Lauric Henneton. Le gouvernement local, les deux chambres étatiques et même la Cour suprême californienne sont dominés par la gauche américaine. Autant dire que l’entièreté de l’appareil étatique s’oppose à Donald Trump.
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L’embrasement actuel trouve donc ses origines dans les braises d’une opposition historique, mais il répond aussi aux considérations politiques du moment. « En se présentant comme l’antithèse de Donald Trump, le gouverneur démocrate Gavin Newsom se positionne. Il devient leader de cette résistance, une position intéressante quand on sait qu’il pense très fort à la présidentielle de 2028 », analyse Olivier Richomme.
De son côté, Donald Trump raffole de cette séquence médiatique dans laquelle il peut montrer les muscles. Et comme le souligne Lauric Henneton, « il avait besoin de changer de narratif entre son divorce avec Elon Musk, les accusations liées à l’affaire Epstein, le recul sur les tarifs douaniers ou son gros projet de loi fiscal qui menace de ne pas passer au Sénat. » Une aubaine pour le président américain, ravi de maltraiter son meilleur ennemi.