Si vous vous rendez au Palais des Expositions de Nice cette semaine, vous croiserez peut-être Anissa Maille déambulant sur la moquette indigo des allées de La Baleine.
La jeune femme de 24 ans est arrivée dès l’ouverture des portes le 2 juin dernier, après un périple de 29 jours en train depuis Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie. Tous les jours, Anissa, alias @6nissa sur les réseaux sociaux, assiste à des tables rondes, interroge scientifiques et experts, et poste des vidéos sur TikTok et Instagram, où elle est suivie par près d’un million d’abonnés.
Tout commence en septembre 2024, quand elle décide de quitter Paris pour voyager, sans avion. Et se consacrer à la photographie. En Malaisie, Anissa publie une vidéo annonçant son intention de travailler sur les questions environnementales. Et, en tant que femme franco-algérienne, « d’ouvrir le mouvement climatique et montrer que l’écologie appartient à tout le monde ».
Dans la foulée, elle reçoit une invitation pour l’Unoc-3. Elle ne réfléchit pas longtemps: « C’était une évidence », sourit-t-elle.
14.000 kilomètres en train et 29 jours de voyage pour porter le message de la protection des océans.
À Hong-Kong, témoin du combat contre la chasse aux requins
Depuis Kuala Lumpur, en Malaisie, Anissa file en train jusqu’en Thaïlande, puis traverse le Laos, avant de rejoindre la Chine, où elle fait une halte de trois jours à Hong Kong. Là, elle collabore avec la Hong Kong Shark Foundation, une association qui lutte contre la chasse aux requins pour leurs ailerons, dont elle documente le travail. Elle reprend la route fissa, traverse la Mongolie, la Russie, puis arrive en Lettonie. Et trace directement en France, jusqu’à Nice.
Ses inspirations ? L’ONG de défense des océans Bloom et sa fondatrice Claire Nouvian.
« Je pense que le problème de la pêche industrielle me touche davantage parce que c’est à travers ce sujet-là que je me suis vraiment intéressée à l’écologie et à la protection des océans et que je suis devenue végétarienne. » D’ailleurs au sommet de l’Océan, elle a eu l’opportunité de rencontrer des figures de la lutte environnementale et d’interviewer la militante écologiste Claire Nouvian pour interpeller sur le sujet des aires marines protégées.
« Quitter Paris pour découvrir le monde, sans le détruire »
C’est entre le 13e arrondissement de Paris, seule avec sa mère originaire d’Algérie et déléguée syndicale depuis 35 ans, et parfois Nice, où vit une partie de sa famille, qu’Anissa Maille passe son enfance. Politisée très jeune grâce aux débats familiaux et aux manifs CGT, elle poursuit des études de droit à Paris après le lycée, puis se spécialise en droit pénal international.
Anissa se fait connaître en postant des vidéos sur TikTok, d’abord pour ses amis. Puis, elle aborde des sujets comme le féminisme ou la santé mentale. « C’était lunaire, avoue-t-elle, en l’espace de sept mois, j’avais 700.000 abonnés. »
Plus tard, elle s’appuie sur sa visibilité pour aborder un sujet qui la touche : les violences sexuelles en colonies de vacances, où elle travaille en parallèle de ses études. En 2022, elle lance le #MeTooAnimation. Deux ans plus tard, entre ses publications sur les réseaux sociaux, les collaborations avec des associations féministes et les interventions dans les écoles et les colonies, elle fait un burn-out. “C’était très dur de travailler sur des sujets aussi violents tout le temps.”
Alors, en septembre dernier Anissa décide de faire une pause. Cela faisait longtemps qu’elle en rêvait: quitter Paris pour se reconnecter à la nature et voyager, sans avion. Elle s’achète un appareil photo, et part pour le Laos en train. « Ça m’a pris environ un mois et demi », raconte-t-elle. « J’avais envie de découvrir le monde, certes, mais sans le détruire en voyageant. »
Faire passer des messages par l‘image
Laos, Turquie, Chine… Le parcours d’Anissa se dessine au gré des rencontres. En avril, elle propose à l’ONG Marine Conservation Cambodia de suivre leur travail pendant une semaine. Elle les rejoint au Cambodge, et les photographie alors qu’ils posent des blocs de béton pour bloquer les chalutiers et patrouillent la nuit pour protéger les zones marines du pays.
« Ça a été un déclic », explique-t-elle.
Depuis, je veux utiliser mon regard pour raconter ce qui compte vraiment et créer de l’émotion chez les gens.
La photographie, c’est selon elle un moyen de faire évoluer les mentalités sur des sujets alarmants. “À travers la photo, tu peux atteindre tellement de gens, faire passer tellement de messages avec juste un cliché”, nous raconte Anissa, le regard brillant. « Moi, je suis l’exemple typique: j’ai grandi à Paris intra-muros. Quand tu es enfermé dans une ville comme Paris, le changement climatique, tu ne le ressens pas de la même manière. »
La suite ? Anissa Maille prévoit de repartir en septembre, et de continuer à poster des vidéos de ses voyages en train. Mais à terme, elle l’assure: « Ça sera photographie à fond un jour, c’est sûr. »