CRITIQUE – Présenté au Festival d’Annecy 2022, ce film d’animation en volume d’Alain Ughetto est un chef-d’œuvre de poésie et une édifiante leçon d’histoire.

L’arrivée de France 4 sur le canal 4 s’accompagne de l’ouverture, le jeudi soir en prime time, d’une case dédiée au cinéma d’art et d’essai. Et pour l’inaugurer, Interdit aux chiens et aux Italiens , pépite d’animation acclamée au Festival d’Annecy 2022, sortie en salles en janvier 2023, qui explore avec tendresse les questions de la transmission familiale, de l’exil et de l’identité à travers l’épopée de la famille Ughetto, à laquelle le réalisateur et descendant Alain Ughetto voulait rendre hommage.

À l’instar de milliers de familles italiennes, parents et enfants se voient contraints, au tournant du XXe siècle et bientôt sur fond de montée du fascisme, de quitter l’Italie pour aller trouver meilleure fortune en France. Comment ils ont été accueillis. Comment ils se sont intégrés. Comment ils ont subi. Comment ils ont vécu. Avec ce parallèle, discret, entre les immigrés d’hier, auxquels le titre fait référence, et ceux d’aujourd’hui. Avec les voix d’Ariane Ascaride (la grand-mère) et d’Alain Ughetto (son petit-fils).

Un travail minutieux

Le choix de l’animation en volume, qui requiert un travail minutieux, séduit autant qu’il étonne. L’animation en volume, appelée aussi animation pas-à-pas, recourt à des objets réels – figurines articulées, papiers pliés, pâte à modeler, plasticine… -, photographiés et manipulés autant de fois qu’il y aura d’images, que la pellicule déroule ensuite à la manière d’un flip book.

Un travail d’une minutie extraordinaire. Pour un rendu tout aussi extraordinaire, un peu vintage, poétique, cinégénique, propice aux récits historiques, décalés, fantasmagoriques. Les exemples sont nombreux. Ils vont de L’étrange Noël de monsieur Jack à Wallace et Gromit en passant par Chicken Run, Ma vie de courgette ou encore Jasmine, précédent film d’Alain Ughetto.

«Quand on signe sur un film d’animation, il faut bien choisir son sujet, dira le réalisateur lors de la présentation, au Festival d’Annecy, d’Interdit aux chiens et aux Italiens. C’est une histoire, qui est très longue puisqu’elle s’étend sur trois générations. C’est à partir du personnage de ma grand-mère que j’ai décidé de raconter cette histoire».

Cette histoire est celle de Luigi et Cesari. Elle parle de la misère, de la guerre, de la femme, du racisme, du travail, des joies, rares, mais intenses, et de l’espoir. De vies dont les générations suivantes n’ont pas idée, sauf au travers de récits familiaux qui se font de plus en plus rares. À la fois simple, triste et belle, elle est magnifique. Interdit aux chiens et aux Italiens est une leçon d’histoire, d’humilité et de poésie.