Par

Dorine Goth

Publié le

12 juin 2025 à 19h22

Les sous-sols de Paris n’ont pas fini de parler. « Récemment, on a découvert 1 000 ossements de bœufs lors des fouilles de la rue Cujas », pointe Céline Berthenet, médiatrice au pôle archéologie de la ville de Paris. Depuis 2004, le département d’histoire de l’architecture et d’archéologie de Paris fouille, étudie et entrepose les vestiges de la ville dans le 18e arrondissement. Au total, plus de 100 000 enregistrements, individuels ou en lots sont stockés sur 800 m². Autant d’éléments qui permettent d’en apprendre à chaque fois un peu plus sur le mode de vie des Lutéciens sous l’Antiquité, puis des Parisiens. « À force de fouiller, on fait des découvertes majeures », souligne Karen Taëib, adjointe en charge du patrimoine, de l’histoire de Paris et des relations avec les cultes.

Des fouilles préventives riches en enseignement

Celles-ci ont lieu principalement lors des fouilles préventives, désormais menées lors des chantiers. C’est comme ça qu’en 2022, les archéologues ont mis la main sur des milliers de coquilles d’huîtres et de carcasses de bœufs datant depuis l’année 27 avant J-C, lors du chantier de réfection d’un hôtel au 20, rue Cujas.

« Les Lutéciens avaient un goût prononcé pour les huîtres », commente Céline Berthenet. Qu’importe si les côtes les plus proches se situent à 200 km de là. « Il y avait à l’époque, plus qu’au Moyen-Âge, un réseau de routes commerciales très développé avec des échanges très riches entre les cités », poursuit-elle. Quant au bœuf, la recherche n’en est qu’au stade d’hypothèse. « On était à 30 mètres du forum de Lutèce avec des boutiques et en son centre un temple. On peut penser que les bœufs étaient sacrifiés au temple », pose la médiatrice.

Plus bas, sur l’île de la Cité, ce sont des milliers de pépins de raisins qui donnent un indice sur les habitudes alimentaires. Ce savoir-faire sera mis en avant dans les jardins du Palais Royal, du vendredi 13 au dimanche 15 juin 2025 lors des Journées européennes de l’archéologie.

D’autres trouvailles permettent d’en apprendre plus sur les goûts des habitants de l’époque. Sur les objets, le jaune, le rouge et le vert ont l’avantage. C’étaient les couleurs à la mode. Mais Lutèce n’avait pas le rôle de prescripteur que peut avoir Paris aujourd’hui, au contraire. « On voit qu’on est dans une cité de second rang par rapport à Rome », éclaire Céline Berthenet avant d’ajouter : « Ça a un caractère émotionnel, on parle de la vie des Parisiens », Céline Berthenet. « Les Parisiens aiment connaître leur histoire », abonde Karen Taïeb.

Des témoins conservés à l’abris des regards

Certains chantiers permettent de remonter à une époque moins lointaine. La plus vieille stèle chrétienne datant du 5e siècle est découverte dans le quartier Saint-Marcel. Plus surprenant, la dépouille de la duchesse de Retz, dame d’honneur de Catherine de Médicis au 17e siècle, a été retrouvée lors de la réfection du lycée Charlemagne, dans le 4e arrondissement.

Enterré dans un sarcophage en plomb, son squelette était remarquablement conservé avec la présence de cheveux sur le crâne, près de 400 ans après sa mort. Plus récemment, c’est un bout de l’enceinte de Thiers qui était mise au jour lors du chantier de construction de l’Addidas Arena, dans le 18e arrondissement.

Conservées jalousement au sein des réserves archéologiques de la ville, ces témoins de l’histoire ne sont présentées qu’à de rares occasions au public. Une partie est exposée au musée Carnavalet, comme le fac-similé de la mandibule du plus vieux Parisien (entre -10 000 et – 8 000 avant J-C, découvert rue Farman, dans le 15e arrondissement. Quant aux réserves, elles ouvrent régulièrement à l’occasion des Journées du Patrimoine et des Journées de l’archéologie.

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