Dans le cadre de sa stratégie «Smart Deal», le département des Alpes-Maritimes poursuit son ambition de devenir une terre parmi les plus innovantes en matière d’intelligence artificielle en accueillant la première édition du World AI Film Festival, vendredi et samedi.

L’intelligence artificielle aujourd’hui, c’est un peu comme la loi : nul n’est censé l’ignorer. D’un fantasme technologique flou et lointain il y a encore quelques années, elle est devenue incontournable. «L’IA» est partout. Pour les professionnels du secteur, qui y voient une véritable révolution, ce n’est pourtant qu’un début. Charles-Ange Ginésy l’a bien compris. Le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes a fait de l’IA son sujet de prédilection.

Ainsi, dans le cadre de sa stratégie «Smart Deal», la collectivité a inauguré sa maison de l’intelligence artificielle, avant d’implanter à Cannes le «WAICF», un événement international dédié à l’IA, qui se tient chaque année au palais des Festivals et dont la dernière édition s’est déroulée mi-février. C’est encore en terres maralpines qu’un data center à 4 milliards d’euros pour l’IA sortira bientôt de terre, porté par une jeune entreprise suédoise. «L’intelligence artificielle bouleverse déjà nos modes de vie et de travail, et nous avons la chance de disposer [de ces] atouts majeurs pour accompagner cette révolution», observe le président Ginésy.

Le Département entend désormais se positionner en matière culturelle. Une ambition portée par la co-organisation avec l’Institut EuropIA du «WAIFF», le premier festival mondial du film mettant en compétition des courts-métrages réalisés à l’aide de l’IA. «Organiser un tel événement dans les Alpes-Maritimes c’est valoriser nos talents et consolider notre position de pôle d’excellence en matière de haute technologie et d’industrie culturelle», poursuit Charles-Ange Ginésy. «Notre ambition est de créer un pont unique entre la puissance créative du cinéma et les formidables perspectives offertes par l’intelligence artificielle», abonde de son côté Marco Landi, président du festival et d’EuropIA.

1500 candidatures issues de 80 pays

L’évènement se tiendra vendredi et samedi à Nice, au cinéma Pathé Gare du Sud et au Palais des Rois Sardes. Plus de 1500 candidatures issues de 80 pays ont été reçues, mais seules 15 créations ont été sélectionnées. Le festival, qui propose une compétition officielle avec onze remises de prix en bonne et due forme, accueille un jury prestigieux composé d’acteurs, producteurs, réalisateurs et scénaristes, à l’instar de son président, Thomas Bidegain. Il est aussi question de Julie Gayet,  Alexia Laroche-Joubert ou encore Jean-David Blanc (fondateur d’Allociné et Molotov).

Le WAIFF est également l’occasion d’encourager une IA éthique, au service de la création. C’est en ce sens que le festival s’ouvrira vendredi soir sur le procès fictif de l’IA où le film ECHO, entièrement généré par une intelligence artificielle, sera symboliquement jugé sur scène. L’objectif : poser les grandes questions juridiques et philosophiques sur la nature d’une œuvre cinématographique à l’ère de l’automatisation. En parallèle, des tables rondes professionnelles réuniront des experts du secteur, telle la guilde des scénaristes, pour débattre des sujets aussi variés que les droits d’auteur, les financements et les métiers d’avenir.

«Je suis très ambivalente sur ses sujets : je ne suis pas une pro-IA à tout prix mais je ne suis pas non plus dans l’état d’esprit de ne pas me confronter à ces outils. Il faut prendre le train en marche, tester et voir où ça nous mène», commente l’actrice et réalisatrice Anna Apter, elle aussi membre du Jury. Et la jeune femme de poursuivre : «Celui qui a des idées et aucune compétence technique se retrouve d’un seul coup avec une caisse à outils extraordinaire.» Selon elle, l’IA aurait la vertu de «débrider la créativité sans la remplacer». «C’est peut-être cette créativité d’ailleurs qui, dans l’avenir, sera davantage valorisée, plus que la super-technique que l’intelligence artificielle pourra offrir», analyse-t-elle.

Ce qui fait un artiste c’est sa part d’imagination. Je ne pense pas que l’intelligence artificielle aurait pu traiter mes films comme je les ai traités. Sans doute en revanche aurait-elle pu me faire gagner du temps, c’est vrai

Claude Lelouch, réalisateur

Un point de vue partagé par le cinéaste Claude Lelouch, président d’honneur du WAIFF. Pour le réalisateur d’Un homme et une femme, l’IA n’est à ce stade «que le savoir et pas encore l’imagination». «Or, ce qui fait un artiste c’est sa part d’imagination. Je ne pense pas que l’intelligence artificielle aurait pu traiter mes films comme je les ai traités. Sans doute en revanche aurait-elle pu me faire gagner du temps, c’est vrai», concède-t-il. «Pour les cons, c’est une formidable affaire, mais pour les gens intelligents… c’est aussi une formidable affaire !, s’amuse-t-il. C’est pour cela d’ailleurs que, malgré mes 87 ans, je ne crache pas dans la soupe, en l’occurrence dans la nouveauté. De tout temps, la nouveauté a eu raison.» 

Ce dernier confie qu’il pourrait lui-même user de la super-technologie dans ses futurs projets. «Je suis un débutant et j’essaie de voir ce que je peux en tirer. J’essaie et j’apprends, comme j’ai toujours fait en m’intéressant aux dernières trouvailles qui ont modifié l’écriture cinématographique, de l’arrivée du parlant à celle de l’iPhone, en passant par la couleur et le numérique», égraine-t-il. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme et de curiosité que le cinéaste se prépare au festival niçois. «Nous, les artistes, on est là pour faire rêver les gens, et l’IA elle, ne fait pas rêver. Elle nous parle de la réalité, de ce qui existe. À ce titre, je pense que la réflexion humaine a encore quelques longueurs d’avance», conclut Claude Lelouch.

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