Par Ségolène Forgar
Publié
le 3 avril 2025 à 04h00,
mis à jour le 3 avril 2025 à 07h28
Les femmes épousent de plus en plus des hommes moins instruits qu’elles.
Leio McLaren / @Unsplash
Aux États-Unis comme partout dans le monde, les femmes auraient tendance à davantage épouser des hommes de moins en moins diplômés. Ce phénomène a un nom : l’hypogamie.
Il fut un temps où les hommes diplômés épousaient des femmes moins instruites qu’eux. Seulement, cette tendance s’est de fil en aiguille équilibrée vers le milieu du XXe siècle, avec l’augmentation du nombre de femmes accédant à l’université. Dès lors, les couples se sont davantage formés sur une base «homogame», c’est-à-dire que chacun trouvait un partenaire de niveau d’éducation similaire. Mais depuis quelques années, un nouveau phénomène prend de l’ampleur : l’hypogamie, soit le fait de se marier avec une personne d’un statut social dit «inférieur».
Un renversement historique
Aux États-Unis, les chiffres sont éloquents. Selon les travaux de Christine Schwartz, professeure de sociologie à l’Université du Wisconsin, que relate le magazine américain The Atlantic, la proportion de couples américains qui partagent un niveau d’éducation identique est passée de plus de 47% au début des années 2000 à 44,5% en 2020. Parmi les mariages «mixtes» sur le plan éducatif, 62% étaient «hypogames» en 2020, contre seulement 39% en 1980.
L’économiste Benjamin Goldman de l’Université Cornell confirme cette évolution : parmi les Américains nés en 1930, à peine 2,3% des mariages unissaient une femme diplômée d’université à un homme sans diplôme équivalent. Pour la génération née en 1980, ce chiffre a plus que quadruplé, atteignant 9,6%.
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Des raisons démographiques
Le phénomène ne serait toutefois pas propre aux États-Unis. «L’hypogamie est de plus en plus courante dans le monde entier», affirme The Atlantic. Alors, comment l’expliquer ? Non pas en raison de l’autonomisation économique des femmes, ni de l’essor des rencontres en ligne. Mais principalement par une simple réalité démographique : les femmes sont plus nombreuses à suivre un enseignement supérieur. Pour preuve, en 2021, les universités américaines comptaient environ 1,6 million de femmes de plus que d’hommes. Dans le même temps, le taux de mariage des femmes diplômées est resté stable, note Clara Chambers, chercheuse à Yale. L’explication est donc assez simple : faute d’un nombre suffisant d’hommes diplômés de l’enseignement supérieur, les femmes sont plus nombreuses à épouser des hommes moins instruits qu’elles.
L’argent, toujours un plafond de verre
Cela étant, le niveau de diplôme ne va pas systématiquement de pair avec le niveau de revenu. Et si l’écart éducatif se creuse désormais en faveur des femmes, cela ne signifie pas pour autant qu’elles deviennent systématiquement les principales pourvoyeuses de revenus dans le couple. Bien au contraire. Dans les couples hypogames, les hommes conserveraient ainsi encore généralement un avantage économique. Dans certains cas, c’est même le revenu du mari qui a permis à l’épouse de poursuivre des études supérieures.
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Les travaux de Clara Chambers, Benjamin Goldman et Joseph Winkelmann de l’université de Harvard nous éclairent sur ce paradoxe : les hommes sans diplôme universitaire qui épousent des femmes diplômées s’en sortent financièrement bien. «Leurs revenus ont légèrement augmenté au fil du temps, même en tenant compte de l’inflation», écrit la journaliste de The Atlantic, Stephanie H. Murray. A contrario, les hommes célibataires ou mariés à des femmes moins instruites ont, eux, vu leurs revenus considérablement diminuer. Autrement dit, les femmes diplômées de l’enseignement supérieur se marient avec les hommes les mieux rémunérés, sans diplôme, observe Benjamin Goldman. Et de conclure : «Le reste des hommes non diplômés sont vraiment en difficulté.»