Par
Léa Giandomenico
Publié le
12 juin 2025 à 20h51
Un meurtre avec préméditation, mais une peine réduite parce que mineur. L’adolescent de 14 ans suspecté d’avoir tué Mélanie, une surveillante de 31 ans, devant le portail d’un collège de Nogent (Haute-Marne), devrait bénéficier de « l’excuse de minorité ». Et ne devrait donc pas passer toute sa vie derrière les barreaux.
Ce jeudi 12 juin, le collégien a été mis en examen pour « l’infraction criminelle de meurtre sur une personne chargée d’une mission de service public » et placé sous le statut de témoin assisté pour l’infraction délictuelle de violences aggravées sur un militaire de la gendarmerie nationale, a annoncé le procureur de la République Olivier Caracotch.
Que dit la loi pour les mineurs ?
La règle, inscrite dans le Code pénal et élaborée par le Conseil National de la Résistance (CNR) lors d’une ordonnance du 2 février 1945, prévoit qu’un mineur soit jugé moins durement qu’un majeur.
Selon l’article 122-8 du code pénal, « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le code de la justice pénale des mineurs ».
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Et c’est bien cette atténuation de responsabilité sur laquelle il faut s’arrêter. En fait, cela veut dire que les mineurs voient leur peine réduite par rapport aux majeurs. Peine réduite de moitié, mais attention, pas dans tous les cas.
Pour comprendre cette situation, il faut connaître la peine que risquerait un majeur pour meurtre avec préméditation. Là-dessus, le Code pénal est clair : « Le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens constitue un assassinat, il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité », selon l’article 221-3.
Pour rappel, la perpétuité s’applique jusqu’à la mort du détenu, mais peut être levé selon la période de sûreté fixée (une période où aucun aménagement de peine n’est possible), allant de 18 à 30 ans.
Ça, c’est pour les majeurs. « Ici, le suspect est mineur, quoi qu’il en soit », commence Alexandra Hawrylyszyn, avocate en droit pénal à Paris, jointe par actu.fr, pour justifier que le suspect bénéficiera bien de l’excuse de minorité, et d’une réduction de sa peine.
20 ans de prison, « au vu de la gravité des faits »
Pour les mineurs, selon l’article L121-5 du code de la justice pénale des mineurs, avec l’excuse de minorité, c’est la moitié de la peine qui est censée être prononcée. Mais la perpétuité ne pouvant pas être réduite de moitié (comme elle est inquantifiable), la justice a fixé cette période à 20 ans maximum.
Dans ce cas précis, le suspect de 14 ans ne pourra pas se voir appliquer plus de 20 ans de réclusion criminelle. Reste à savoir ce qu’en décideront les juges.
Pour un avocat pénaliste qui n’a pas souhaité être cité, « au vu de la gravité des faits, les juges devraient retenir la réclusion criminelle à perpétuité, vu qu’il y avait préméditation avec arme ».
« Vu les déclarations du suspect, et au vu de la préméditation de l’acte, il risque de prendre 20 ans d’emprisonnement« , ajoute Alexandra Hawrylyszyn.
Tribunal pour enfants ou Cour d’assises de mineurs ?
Devant quelle juridiction le suspect va-t-il être jugé ? Normalement, pour passer devant la Cour d’assises des mineurs, il faut avoir plus de 16 ans. « Il ne pourra être jugé que par un tribunal des enfants puisqu’il a 14 ans. On peut être tenté de penser que ces tribunaux sont plus indulgents que ceux avec les jurés populaires », commente Alexandra Hawrylyszyn.
Dans ce cas, il y a un juge professionnel (le juge des enfants) et deux juges assesseurs (qui interviennent auprès du juge des mineurs), mais pas de jurés populaires, selon l’avocate pénaliste.
« Pas d’antécédent, casier vierge »
Pour autant, dans ce dossier, l’avocat pénaliste que nous avons contacté pense que les juges ne vont pas forcément retenir vingt ans.
Il n’a pas d’antécédents, son casier est vierge, donc dans ces cas-là, les juges sont rarement dans le maximum.
Avocat pénaliste
Référent anti-harcèlement, bien intégré dans son collège, bon élève, ce dernier est « issu d’une famille unie et insérée professionnellement » et « aucun membre de sa famille, ni lui-même, ne présente d’antécédents judiciaires ». Il avait fait l’objet de deux sanctions disciplinaires en novembre et décembre 2024.
En revanche, des expertises pourront être menées pour aiguiller le jugement. Et justement, lors de sa garde à vue, le mis en cause s’est montré « détaché » et ne présente « aucun signe évoquant un possible trouble mental ». Le procureur ajoute qu’il n’a exprimé « aucun regret, ni aucune compassion pour les victimes ».
Aux enquêteurs, le collégien a indiqué ne plus supporter le comportement des surveillantes en général, qui auraient eu, selon lui, une attitude différente selon les élèves.
D’ici son jugement, reste à savoir combien de temps il sera incarcéré dans le cadre d’une détention provisoire, comme c’est une affaire criminelle. « Contrairement aux majeurs, où les mandats de dépôt en cas d’instruction criminelle sont d’un an renouvelable, pour lui, ce sera de six mois renouvelable une seule fois« , poursuit l’avocate.
Pas de levée de l’excuse
Et s’il avait eu plus de 16 ans ? Le vote d’une loi portée par Gabriel Attal, qui durcit la justice des mineurs, prévoit l’inversion du principe de « l’excuse de minorité ». Ce qui signifie qu’à partir de 16 ans, l’atténuation de la responsabilité deviendra l’exception qui devra être motivée par le juge et non plus la règle, pour les cas de récidive punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
S’il est condamné, il pourra avoir l’excuse de minorité car il a moins de 16 ans. S’il avait eu plus de 16 ans, il n’aurait pas eu cette excuse systématiquement.
Alexandra Hawrylyszyn
Avocate pénaliste
Dans certains cas, il est possible exceptionnellement de lever cette « excuse de minorité », comme le stipule une ordonnance de 2021 : « Le tribunal pour enfants et la Cour d’assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu’il n’y a pas lieu de faire application des règles d’atténuation des peines mentionnées ».
Mais pour l’avocate Alexandra Hawrylyszyn, il n’y aura pas de levée possible au vu des faits. « Le problème, c’est qu’il a moins de 16 ans, de toute façon, il ne va pas partir pour 30 ans », précise-t-elle.
Pour ce qui concerne le lieu de détention, l’adolescent devrait être incarcéré en maison d’arrêt pour mineurs. « Mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne sera pas dans un centre éducatif renforcé (CER), une alternative à l’incarcération », conclut Alexandra Hawrylyszyn.
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