Annoncé le 21 septembre 2021 par l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, le pacte AUKUS eut pour conséquence l’annulation par Canberra de l’achat de douze sous-marins à propulsion diesel-électrique Shortfin Barracuda [ou Attack] auprès du français Naval Group. Ce qui engendra une brouille diplomatique avec la France.
En effet, le pacte AUKUS vise à doter la marine australienne [Royal Australian Navy, RAN] de huit sous-marins nucléaires d’attaque [SNA], dont trois devant être fournis par les États-Unis [classe Virginia] entre 2032 et 2038. Quant aux cinq autres, il seront construits dans le cadre d’une étroite coopération industrielle avec le Royaume-Uni, dans le cadre du programme SSN-AUKUS. À noter que la dernière Revue stratégique de défense britannique prévoit d’en acquérir douze exemplaires pour remplacer les sept SNA de type Astute de la Royal Navy.
Seulement, il est très vite apparu que ce plan serait difficile à réaliser. Actuellement, en raison de capacités de production sous-dimensionnées, d’un manque de main d’œuvre qualifiée et de difficultés en matière d’approvisionnement, l’industrie navale américaine ne peut en effet fabriquer qu’un seul SNA de type Virginia par an… alors qu’il en faudrait au moins deux pour répondre aux besoins de l’US Navy… ainsi que, désormais, à ceux de la RAN.
Or, ayant brûlé ses vaisseaux en annulant le contrat « Shortfin Barracuda » pour se lancer dans le programme AUKUS, l’Australie peut difficilement revenir en arrière, alors que les six sous-marins de type Collins de la RAN ne pourront guère être prolongés au-delà de 2040. D’où sa décision d’investir 3 milliards de dollars pour soutenir l’industrie navale américaine. Une première tranche, d’un montant de 500 millions, a d’ailleurs été débloquée en février dernier.
Pour autant, cela risque d’être insuffisant. Sous-secrétaire américain à la Défense chargé de la politique, Elbridge Colby a en effet prévenu, lors de son audition de confirmation au Sénat, en mars : même avec la subvention accordée par Canberra, il sera « très compliqué » de livrer les trois SNA promis à la marine australienne.
Le service de recherche du Congrès n’a pas dit autre chose, dans un récent rapport. Et même si les Virginia étaient construits dans les délais, a-t-il souligné, les États-Unis pourraient décider de les livrer à l’US Navy plutôt qu’à la RAN. À moins de les baser en Australie… mais sous un contrôle opérationnel américain.
En effet, dans le cas d’une confrontation avec la Chine, au niveau de la première chaîne d’îles [de Taïwan à Bornéo en passant par le Japon et les Philippines], les SNA de l’US Navy seront au cœur de la stratégie militaire américaine.
C’est dans ce contexte que, le 11 juin, le Pentagone a confirmé une information du Financial Times, selon laquelle il était en train de « réexaminer » le pacte AUKUS et ses implications sur la flotte de SNA de l’US Navy.
« Le département de la Défense examine le pacte AUKUS afin de garantir que cette initiative de l’administration précédente soit bien alignée sur le programme ‘America First’ du président » Trump, a fait savoir un porte-parole du Pentagone, via un communiqué. Sans donner plus de détails, il a souligné qu’il s’agissait de répondre à des préoccupations sur l’état de préparation des forces ainsi que sur les capacités de l’industrie de défense américaine ».
« Cet examen garantira que l’initiative répond aux critères de bon sens d’America First », a insisté le porte-parole. Cela signifie que « le niveau de préparation de nos forces doit être maximal, que nos alliés s’engagent pleinement à contribuer à la défense collective et que l’industrie réponde à nos besoins », a-t-il ajouté.
L’Australie et le Royaume-Uni ont été prévenus de cet examen.
Un porte-parole du ministère australien de la Défense a fait valoir que le pacte AUKUS, qui ne concerne pas seulement les sous-marins mais aussi le partage d’autres technologies [missiles, intelligence artificielle, etc.], doit « permettre de développer les industries de défense américaine et australienne » et de créer des « milliers de nouveaux emplois dans le secteur manufacturier ».
De son côté, un porte-parole du gouvernement britannique a estimé qu’il est « compréhensible qu’une administration nouvellement élue souhaite revoir son approche dans un partenariat de cette ampleur ». Toutefois, a-t-il ajouté, « AUKUS est un partenariat historique de sécurité et de défense entre deux de nos plus proches amis et il est l’un des plus importants sur le plan stratégique depuis des décennies ».