Un million. Un nombre édifiant. Un nombre symbolique. Un nombre spectaculaire. Un nombre invérifiable, mais qui en dit long des dégâts causés par l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine.

Depuis 2022 et le début de l’offensive décrétée par son président, la Russie aurait subi la perte d’un million de soldats selon les éléments diffusés par l’armée ukrainienne. Un exercice de propagande de la part des troupes de Volodymyr Zelensky ? C’est probable. Mais selon les spécialistes du conflit, le chiffre d’un million de soldats russes tués, blessés ou faits prisonniers semble envisageable. « La crédibilité est toujours très difficile à évaluer car les deux camps refusent de communiquer sur leurs pertes. Ce sont des informations stratégiques », rappelle Michel Goya, ancien colonel et spécialiste des conflits armés.

Derrière ce million se cache une triste réalité. Depuis la guerre entre l’Iran et l’Irak entre 1980 et 1988, aucune armée n’avait affiché de telles pertes. Un million d’hommes russe auquel il faut ajouter les pertes côté ukrainien, évaluées à environ 400.000 soldats. Et ce n’est pas tout. En janvier, le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a estimé à plus de 30.000 le nombre de civils tués (12.600 personnes) en marge du conflit.

Le pire bilan depuis la Seconde Guerre mondiale

La Russie n’avait jamais essuyé de telles pertes militaires depuis la Seconde Guerre mondiale, où ses troupes avaient été les plus meurtries. On oublie souvent que l’URSS concentre à elle seule 85 % des pertes militaires dans les rangs des alliés. De 1941 à 1945, plus de 11 millions de soldats de l’URSS ont perdu la vie au combat, selon des statistiques russes datant de 2009.

Lors de la Première Guerre mondiale, l’empire russe faisait déjà partie des armées les plus touchées (avec les empires allemands et français) et déplorait plus de 1,8 million de soldats tués au combat, puis une guerre civile particulièrement sanglante. « On compare parfois le conflit en Ukraine à la Première Guerre mondiale. C’est vrai qu’il y a des similitudes. On a deux lignes de front qui se ressemblent et qui sont à peu près de la même longueur. On a une guerre de tranchées avec des combats d’infanterie et deux lignes qui se font face de part et d’autre d’un front incontournable », souligne Michel Goya.

Avec une estimation d’un million d’hommes tués, blessés ou faits prisonniers, la guerre en Ukraine se place dans ce classement du pire. « Il n’y a pas d’équivalent récent. C’est un conflit extrêmement meurtrier. D’autant que sur la ligne de front, on a dix fois moins d’hommes » que lors des deux guerres mondiales, poursuit le spécialiste français des conflits armés.

Et ailleurs dans le monde ?

Pour retrouver trace d’un conflit aussi sanglant, il faut remonter aux années 1980 et au conflit entre l’Iran et l’Irak. Près de 900.000 soldats avaient été tués. Le bilan avait été encore plus lourd lors de la guerre du Vietnam. Persuadés de gagner le combat très rapidement, les États-Unis avaient bombardé le pays comme jamais. Bilan : 1,2 million de soldats tués, en très grande majorité côté vietnamien. Le conflit opposant les deux Corée en 1950 avait lui aussi tué 1,2 million de militaires, tout comme la guerre civile chinoise de 1945 à 1949.

Des pertes qui coûtent très cher au pays

Il paraît logique de rappeler que ces pertes humaines coûtent très cher à la Russie, qui indemnise sans compter les familles des soldats tués. Oui, mais à condition qu’il y ait un corps. « Il y a des batailles qui se livrent pour récupérer des corps, au risque d’avoir de nouvelles victimes. Pas seulement du côté russe mais aussi côté ukrainien. C’est le seul moyen pour les familles d’obtenir une pension », rappelle l’ancien colonel Michel Goya. D’après le sociologue russe Alexander Bikbo, un soldat touche « de 2.000 à 20.000 euros » lorsqu’il s’engage, avant de percevoir environ 2.000 euros par mois. Soit « dix fois plus que ce qu’ils peuvent espérer dans certaines régions ! ». Pour constituer son armée de « volontaires », Vladimir Poutine va dans les zones les plus reculées du pays, où toute forme de contestation serait inaudible.

Notre dossier sur la guerre en Ukraine

Pour éviter que des familles ayant perdu un fils ou un mari ne pleurent trop fort, la Russie leur verse une « coffin money », c’est-à-dire « l’argent du cercueil ». Les familles peuvent toucher jusqu’à 150.000 euros en cas de décès d’un proche au combat. Énorme.

Jusqu’où la Russie peut-elle aller ?L'armée russe continue de piloner l'Ukraine depuis l'invasion du pays en 2022. Un conflit qui a déjà fait des centaines de milliers de morts. L’armée russe continue de piloner l’Ukraine depuis l’invasion du pays en 2022. Un conflit qui a déjà fait des centaines de milliers de morts.  - Efrem Lukatsky/AP/SIPA

L’armée de Vladimir Poutine étant constituée de « volontaires », difficile pour l’instant de dire jusqu’à quand elle va tenir. Ce que l’on sait, c’est que le président russe n’hésite pas à arroser tous ceux qui le défendent. Ce que l’on sait aussi, c’est que l’armée n’hésite pas à renvoyer au front des soldats ayant été faits prisonniers de guerre, juste après leur libération. Alors même que l’article 117 de la Convention de Genève l’interdit.