«Une hémorragie médicale et paramédicale », ce sont les mots des soignants de Purpan. Depuis mardi, l’ensemble du secteur psychiatrique du CHU de Toulouse est en grève avec un préavis illimité. À l’origine de ce mouvement, les syndicats Sud Santé Sociaux et CGT qui dénoncent la dégradation des conditions de travail, notamment dans le secteur 7, qui regroupe deux unités d’admission et une unité d’hospitalisation, totalisant 44 lits.

La direction de l’hôpital assure pourtant avoir proposé une réorganisation du secteur psychiatrique en accord avec les personnels. « Un regroupement transitoire de ces deux unités est envisagé afin d’assurer l’ouverture de 22 lits avec les ressources humaines adaptées pour assurer les soins aux patients. Cette organisation a été proposée et mise en œuvre après une concertation avec les équipes médicales et paramédicales des deux unités. Le CHU s’attache en outre à la volonté, dès que les effectifs soignants le permettront, de rouvrir les lits de chacune des deux unités. »

Des décisions « au détriment des patients »

Une concertation que réfute une infirmière souhaitant garder son anonymat auprès de 20 Minutes. « On a appris ça hier [mardi]. Il y avait plein de scenarii proposés. Les soignants ne savaient même pas le jour même qu’ils allaient changer de service. » Selon les grévistes, toujours en poste auprès de leurs patients, la direction a décidé de fusionner les deux unités « au détriment des patients et du nombre de lits. »

Sept lits avaient déjà été fermés en février après le départ d’un des médecins, toujours pas remplacé. L’infirmière en psychiatrie s’inquiète aujourd’hui. « Ils veulent couper le service en deux mais comment ils vont pouvoir créer ça sans être maltraitants en s’occupant des spécificités de chacun ? Des soignants qui connaissent pas du tout les TCA (troubles de conduite alimentaire) qui vont s’en occuper et inversement pour d’autres cas. »

Plusieurs arrêts maladie et des départs non remplacés dégradent ce service touché l’an dernier par plusieurs événements dramatiques comme des passages à l’acte chez les patients ou encore des agressions sur les soignants. « A la base, il y avait assez de soignants avec un effectif journalier sécuritaire. Mais la direction l’a baissé drastiquement, témoigne la jeune femme. On se retrouvait seul avec deux collègues aides-soignants pour s’occuper de quinze patients très lourds ».

50 % du personnel soignant en arrêt

Depuis, c’est l’hécatombe dans le service. « Il y a 19 postes vacants dont 13 dans le bâtiment d’hospitalisation. Nous, on demande des créations de poste. Les équipes ont besoin de souffler, de plus être constamment sous pression pour pouvoir soigner dans des bonnes conditions. Mais nous ne sommes pas sûrs que la direction ait entendu le message. 50 % du personnel est en arrêt ! », précisent Edith Vauclare, du syndicat Sud santé et sociaux 31 et Marie Moulinier, déléguée CGT à la sortie d’une réunion de négociation avec la direction du CHU, ce jeudi après-midi.

Pire encore pour le service : l’absence de médecins. L’hôpital compte sur des médecins étrangers qui viennent six mois dans le service pour leur équivalence et un médecin qui vient une fois par semaine.

8.000 lits en psychiatrie fermés depuis 2003

Ce cas n’est pas particulier à Toulouse. La psychiatrie publique dans toute la France est à bout de souffle. « Alors que les besoins de prise en charge ont considérablement augmenté ces dernières années, les moyens manquent cruellement : les praticiens sont trop peu nombreux pour assurer une bonne prise en charge des patients face à l’afflux des demandes, les centres médico-psychologiques (CMP) et les hôpitaux psychiatriques sont saturés », déclarait à l’Assemblée nationale le 17 janvier, Emmanuelle Anthoine (LR).

Selon le Collège national des universitaires et psychiatrie (CNUP), en 2023, 13 millions de personnes sont touchés, au moins une fois dans leur vie par des troubles de la santé mentale, soit 1 Français sur 5. Post-Covid, la santé mentale, notamment chez les jeunes, s’est également fortement dégradée avec 20,8 % des 18-24 qui ont été concernés par la dépression en 2021. Plus inquiétant encore, selon une étude de la Direction des études et des statistiques des ministères sociaux (Drees), le taux d’hospitalisation en psychiatrie augmente de 246 % chez les filles de 10-14 ans, de 163 % chez les 15-19 et de 106 % chez les jeunes adultes entre 2020 et 2022.

Dans le même temps, l’hôpital public a perdu 25 % de ses lits d’hospitalisation complète entre 2003 et 2022 en psychiatrie, et la France connaît une baisse des médecins psychiatres préoccupante : 13.344 en 2023 contre 14.272 en 2016 et un quart des psychiatres ont plus de 65 ans, selon le CNUP… Une baisse de l’offre face à une forte augmentation de la demande qui pénalise patients et soignants.